Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affronteront le 7 mai pour la présidence de la République française à l’issue d’un premier tour historique, qui voit le candidat de la droite républicaine, François Fillon, éliminé et la gauche socialiste décimée.
Inconnu du public jusqu’à sa nomination au ministère de l’Economie en 2014, Emmanuel Macron, à 39 ans le benjamin de ce scrutin, relève un pari jugé fou il y a encore un an avec un positionnement idéologique inédit, ni droite ni gauche, à la tête de son mouvement En Marche!, créé le 6 avril 2016.
Héraut du renouvellement politique, il s’est placé en tête avec environ 23% des suffrages et la plupart des « grands » perdants ont appelé à voter pour lui dans deux semaines.
Présenté par ses adversaires comme un héritier du hollandisme, un prétendant inexpérimenté, cet ancien banquier, qui n’avait jamais brigué le suffrage universel auparavant, serait bien placé, selon les instituts de sondage, pour devenir le 7 mai le plus jeune chef d’Etat de la Ve République. « Je souhaite, dans 15 jours, devenir (…) le président des patriotes face à la menace des nationalistes », a-t-il dit.
« Le défi à partir de ce soir (…) est de décider de rompre jusqu’au bout avec le système qui a été incapable de répondre aux problèmes de notre pays depuis plus de 30 ans », a-t-il ajouté, appelant de ses voeux une majorité de gouvernement.
Quinze ans après la qualification de Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002, c’est la seconde fois sous la Ve République que l’extrême droite accède au second tour d’une présidentielle : Marine Le Pen, la fille du cofondateur du Front national, obtient entre 21% et 22%, un record de suffrages, contre 16,9% pour son père.
Affirmant que « la survie de la France » était en jeu, Marine Le Pen a lancé un appel « à tous les patriotes sincères » pour favoriser l’avènement de « l’alternance fondamentale ».
HOLLANDE FÉLICITE MACRON
Alors que le Front national saluait « une victoire historique », le Premier ministre socialiste, Bernard Cazeneuve, a invité « tous les Républicains » à faire barrage à l’extrême droite au second tour dans une déclaration solennelle.
Le président sortant, François Hollande, a téléphoné à Emmanuel Macron pour le féliciter, et a fait savoir qu’il s’exprimerait « rapidement pour donner clairement son choix ».
François Fillon, troisième à quasi-égalité avec le candidat d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, a invité, « pas de gaieté de coeur », à voter pour Emmanuel Macron au second tour afin d’éviter à la France la « violence » et « l’intolérance » du FN.
D’Alain Juppé à Laurent Wauquiez, en passant par Jean-Pierre Raffarin, la doctrine du « ni ni » que Nicolas Sarkozy avait imposée à la droite depuis 2011 – ni FN ni front républicain – a été enterrée dimanche soir, à l’exception notable de « Sens Commun » et du Parti chrétien-démocrate, alliés de François Fillon, qui ont mis en avant « la liberté de conscience ». François Fillon a exhorté la droite et le centre à rester unis en vue des élections législatives des 11 et 18 juin.
Pour la droite, c’est une déroute sans précédent depuis la réélection au suffrage universel direct du général de Gaulle en 1965. Avec la défaite de François Fillon, en dessous de 20% des suffrages selon des résultats provisoires, c’est la première fois que la droite républicaine est éliminée au premier tour.
« DÉFAITE MORALE » POUR HAMON
L’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, qui avait triomphé contre toute attente en novembre 2016 face à l’ancien président et Alain Juppé dans la primaire de la droite et du centre, paye en partie les affaires judiciaires qui ont plongé sa campagne et son camp dans la tourmente, après la révélation, le 25 janvier, des emplois présumés fictifs de son épouse Penelope, puis celle des cadeaux vestimentaires consentis par Robert Bourgi, figure sulfureuse de la « Françafrique ».
A gauche, le candidat socialiste Benoît Hamon, balayé avec environ 6% des voix, a appelé lui aussi à voter contre la candidate du FN en déplorant « une défaite morale » pour la France « et une partie de la gauche ».
Le PS, dont la blessure de 2002 – avec l’élimination de Lionel Jospin au premier tour – était à peine cicatrisée, a subi la plus cuisante des débâcles depuis la présidentielle de 1969 (Gaston Defferre, 5%, et Michel Rocard, 3,6%).
Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, s’est pour sa part refusé à donner une consigne pour le second tour, soulignant n’avoir reçu aucun mandat pour s’exprimer à la place de ses électeurs.
Le candidat d’extrême gauche, qui avait joui d’une dynamique favorable dans la dernière ligne de la droite de la campagne, échoue à 65 ans mais fait presque jeu égal avec François Fillon. Il avait recueilli 11,1% des voix au premier tour en 2012, sa première candidature.
Quelque 47 millions de Français étaient appelés aux urnes pour désigner le successeur de François Hollande, qui ne se représentait pas, au terme d’une campagne marquée par l’irruption de la menace terroriste et des affaires judiciaires. La participation a été de 78,48%, selon un décompte partiel du ministère de l’Intérieur. Elle était de 79,48% en 2012.
Trois jours après une attaque revendiquée par l’Etat islamique contre des policiers aux Champs-Elysées, à Paris, 50.000 membres des forces de l’ordre, appuyés par les militaires de Sentinelle, étaient mobilisés pour assurer notamment la sécurité des quelque 67.000 bureaux de vote.
Des heurts ont opposé dimanche soir à Paris forces de l’ordre et manifestants, principalement des militants d’extrême gauche, sans incidents notables pour l’heure.