Après la polémique soulevée par son intervention sur la chaîne de télévision française, France 24, et les protestations du gouvernement algérien concernant les propos qu’il a tenu au sujet de la gestion de la crise du Covid-19 par les autorités algériennes, l’analyste politique, Francis Ghilès a rendu public un texte dans lequel il fait part de sa réaction.
Pendant les vingt premières années de mon travail de journaliste en Algérie (1975-1995), essentiellement pour le Financial Times et la WBBC World Service, j’ai bénéficié d’un incomparable mentor en la personne de Mohamed Yazid qui fut le représentant du FLN auprès des Nations Unies à New York pendant la guerre de libération nationale.
D’autres responsables, du cadre diplomatique, militaire ou industriel algériens, notamment du secteur des hydrocarbures, m’ont permis de mieux comprendre ce pays complexe qu’est l’Algérie, sur les épaules duquel le poids de l’histoire pèse trop lourd. J’ai compris ce poids en rédigeant à Oxford, au début des années 1970, une thèse sur l’histoire coloniale de l’Algérie entre 1830 et 1834.
L’Algérie n’est pas un pays facile à comprendre, ni parfois même à aimer mais j’y ai forgé au cours des décennies, des amitiés indéfectibles. Une fois qu’une algérienne ou un algérien vous accorde sa confiance, c’est pour toujours. Ceci vaut pour les nombreux amis personnels comme pour d’autres qui étaient et sont de hauts cadres des sociétés nationales, de l’armée ou de la sécurité ou des entrepreneurs privées.
La situation actuelle offre des ironies a l’infini. Dans certains pays voisins j’ai longtemps été soupçonné d’être un agent de la Sécurité Militaire. A Paris, certains diplomates ont cru voir en mois un agent des services de Sa Gracieuse Majesté. Ces soupçons s’expliquent peut-être par le fait que je sois intervenu devant des auditoires militaires, économiques et civils dans de nombreux pays, du Japon au Etats-Unis en passant par la France, l’Allemagne, le Royaume Uni, l’Espagne, l’Italie pour ne pas parler de la Turquie, d’Israël, du Liban et du Qatar.
Le seul pays dont j’ai décliné l’invitation en 1993 a été l’Arabie Saoudite, sachant que de l’argent “privé” du royaume aidait à financer certains groupes du GIA. La BBC m’a appris la radio et la télévision, mais des chaînes canadiennes, arabes, françaises et américaines m’ont sollicité tout au long de ma carrière et continuent de le faire.
Je n’ai jamais ménagé mes critiques, il est vrai, vis-a-vis de l’Algérie mais aussi de ses voisins immédiats. J’ai critiqué la politique de la France vis-a-vis de l’Algérie récemment et en 1989-1992 où un conseiller du président français me rappelait mes origines: mon arrière grand-père était l’imam de Tizi Hibel et j’en ai toujours été très fier. J’ai critiqué les pays qui ont mené l’intervention occidentale en Libye et plus d’une fois, ces dernières années, j’ai dit qu’il fallait que ces pays prennent plus en considération les intérêts stratégiques de l’Algérie. J’ai fait parfois des erreurs, mes jugements ont parfois été défaillants. Qu’on me soupçonne d’être un espion au service de je ne sais qui me fait sourire. Ma moitié anglaise me fait songer à l’adage “on ne prête qu’aux riches”.
Francis Ghiles Senior Research Fellow Barcelona Centre for International Affairs