Le président François Hollande effectue à partir de ce samedi une visite de travail de deux jours au Maroc, après une brouille politique qui a provoqué en 2014 une rupture de la coopération judiciaire entre les deux pays.
A Paris comme au sein des ONG de défense des droits de l’homme à Rabat, beaucoup d’interrogations sur les véritables objectifs de cette visite du président français dans la ville du détroit, Tanger, au moment où le Maroc est pointé du doigt pour les terribles restrictions des libertés individuelles. D’autant que la présence de Hollande au Maroc intervient moins d’une année après la brouille diplomatique entre les deux pays, à la suite de plaintes d’ONG marocaines et françaises contre un haut responsable sécuritaire marocain pour tortures. Il n’empêche, Hollande est au Maroc à la tête d’une importante délégation pour parler ‘’business’ et ‘’climat’’, Rabat devant accueillir la COP22. Au menu de Hollande à Tanger, où il sera reçu par Mohamed VI, il y aura surtout des discussions sur le climat et un ‘’Appel de Tanger’’ en vue de la COP 21 prévue en décembre à Paris, sera signé par les deux chefs d’Etat. Le Maroc s’est engagé à passer à 42% dans sa consommation d’énergies renouvelables d’ici à 2020.
Business d’abord
Pour autant, les considérations ‘’écologiques’’ ne seront par le menu principal de cette virée de Hollande au Maroc, puisqu’il va tenter de renforcer le partenariat entre les entreprises françaises et le Maroc. Dans ses bagages, il y a en particulier les patrons des groupes Bouygues, Renault, Veolia, Suez, Thales, SNCF, Alstom, Egis, Cistra, tous impliqués dans la construction de la ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca. Cette LGV, qui va relier les villes de Tanger à Casablanca en 2H10 au lieu de 4H45, en passant par Kenitra et Rabat, a été vite décriée par l’opinion publique locale et des ONG. Inauguré en grandes pompes en septembre 2011 par le Roi Mohamed VI et le président français Nicolas Sarkozy, le lancement des travaux du TGV marocain, dont le coût est de 2,2 milliards d’euros, avait laissé un goût amer. Un collectif d’associations s’était mobilisé pour dénoncer ce projet, alors qu’un site Internet dénommé « Stoptgv.com » avait énuméré tout ce que les marocains auraient pu avoir avec l’argent du TGV : 5 000 écoles ou 3 000 lycées en zone urbaine, 25 000 écoles en zone rurale, 100 grandes écoles d’ingénieurs, 25 centres universitaires hospitaliers, 16 000 centres socioculturels, 10 000 médiathèques, etc.
Hammouchi patron de la DGSN, ONG outrées
Pour autant, la situation des droits de l’homme au Maroc empoisonne toujours le climat politique entre les deux pays. Même si à Paris on estime que ‘’la page est tournée » sur l’affaire Hammouchi, les ONG, par contre, tiennent à dénoncer cette relation contre nature. Le tout nouveau patron de la police marocaine, Abdellatif Hammouchi, alors chef de la DGST (surveillance du territoire) avait été accusé en 2013 par une ONG française, sur la base de témoignages de marocains ayant séjourné au siège de la DGST à Temara (près de Rabat), de torture. Depuis, la situation s’est calmée, et les deux pays ont réactivé leur coopération judiciaire, gelée par Rabat en 2014 après une convocation à comparaître devant un tribunal parisien envoyée à Hammouchi. La visite de Hollande au Maroc coïncide par ailleurs avec le refus de sortie du territoire national du président de l’association Freedom Now, l’historien Maati Mongib, qui devait intervenir vendredi à Barcelone dans un colloque sur les médias arabe dans la transition. Et, ce qui avait outré les ONG de défense des droits de l’homme, dont Amnesty, HRW ou marocaines (AMDH), c’est que Abdelatif Hammouchi a été promu par le monarque chef de la police marocaine en mai dernier, et par le ministre français de l’Intérieur Bernard Caseneuve ‘’officier de la Légion d’honneur’’. Il n’a pas encore reçu cette distinction honorifique de Paris pour sa contribution à la lutte contre le terrorisme.