La chronique hebdomadaire de El Kadi Ihsane à El Watan est revenue sur l’accident nucléaire de Club des Pins entre Algériens devant les invités africains pour suggérer que l’isolationnisme économique du Bouteflikisme est loin d’être terminé.
Le rendez vous africain d’Alger de la semaine dernière a tout dit en une seule session, la session inaugurale. Elle a révélé trois constats. L’Algérie de l’entreprenariat a bien compris qu’il fallait se lier à l’Afrique. L’Algérie officielle n’est pas prête à laisser les entreprises redessiner le lien au continent. Les élites africaines de l’investissement et du business se désolent de l’isolationnisme algérien. D’abord l’entreprenariat. Le forum des chefs d’entreprise a fait les choses en grand. Dans l’esprit Panaf. C’est le style algérien. Resté le dernier puis tout exploser de sa « générosité » pour se faire pardonner. Près de 850 millions de dinars pour amener autant d’acteurs économiques africains à Alger. Il s’est beaucoup fait aider par le ministère des affaires étrangères et par le premier ministère. Mais le constat est ailleurs. Les chefs d’entreprises algériennes se tournent sérieusement vers l’Afrique. Pour y exporter, y investir, y chercher des partenaires pour les deux. Le problème est le suivant. Le FCE a tenté d’entrainer dans son, tardif mais bienvenu, virage africain un partenaire politique, le bouteflékisme et son appareil d’Etat, qu’il croit pouvoir utiliser opportunément pour la logistique et rudoyer, en même temps, sur le plan symbolique. Choc culturel. Erreur létale. D’ou survient le deuxième constat. Le politique dans l’Algérie officielle, n’est pas prêt à ce virage. Le geste abasourdissant de Abdelmalek Sellal, quittant la salle en réaction à un impair protocolaire, ne dit rien d’autres que cela. Le débat de savoir s’il l’a fait sur sa propre décision ou sur une injonction-recommandation du président Bouteflika ne change rien au fonds. L’Etat algérien n’est pas prêt à l’ouverture au monde. Car l’ouverture économique dans le capitalisme du 21 e siècle a pour champion les entreprises. Et plus les conventions de coopération entre gouvernements. Sinon Taiwan ne serait pas le géant économique qu’il est. Le geste du gouvernement algérien dès le premier jour a envoyé un dévastateur message de dédain à la communauté des affaires africaine présente. Il dit que les affaires trivialement domestiques (qui est plus important le gouvernement ou le FCE ?), sont d’un intérêt supérieur au projet de construire des ponts d’opportunités d’intégration avec l’Afrique. Le troisième constat s’enchaine naturellement. La session inaugurale, a exprimé combien les acteurs économiques africains avait une demande d’Algérie. Et donc combien cette demande, sur les entre-faits du jour, risquait d’attendre. Encore. « Pourquoi l’Algérie n’a t’elle pas créer un fonds souverain ? » Pourquoi ne prend t’elle pas des parts, comme le Qatar ou l’Afrique du sud, dans Ecobank pour être tout de suite présente dans plusieurs pays africains ? » « Pourquoi les exportateurs algériens sont encore bloqués par les restrictions de la banque d’Algérie ? ». Les interpellations du panel de haut niveau de la session qui a suivi le départ de Sellal et de ses ministres s’adressaient presque toutes spontanément à Sellal et ses ministres. C’est dire que sur les trois constats de la séance inaugurale, le second constat détermine le reste. Le Bouteflikisme est coincé dans l’avant chute du mur de Berlin. Ali Haddad l’a vendu aux Algériens par milliards de dinars de financement de campagnes électorales (2004,2009,2014). S’il devait seul en pâtir ce ne serait que justice. Les dégâts collatéraux emportent les grands desseins de l’Algérie.
Tentative de suicide du pays hôte.
Tout a donc été dit ou fait le premier jour. Le rendez vous africain d’Alger a pourtant échappé à une tentative de suicide du pays hôte. Parce qu’il a été utile au delà des attentes. Et malgré la pollution politique. Les Algériens ont pu constater, un peu effarés, que le standard des élites africaines mondialisées est supérieur au leur. Et sur un éventail de compétences étonnamment large : la gouvernance multilatérale, la négociation de libre échange régionale, l’ingénierie financier, la sélection des projets, les transformations digitales, la remontée technologique des filières. Il n’y a pas beaucoup de secteurs ou les Algériens peuvent donner la leçon. Même si les invités du rendez vous d’Alger perçoivent bien que le modèle d’intégration sociale algérien reste vivant. Ce n’est pas rien. Comment en faire un atout d’exportation ? « Même l’effacement de la dette des pays africains les plus pauvres les Algériens l’ont fait sans demander de contreparties. Sans même trop le faire savoir. Ils auraient pu la transformer en titres de capital pour prendre des parts dans les entreprises publiques de ces pays » déplore Mohamed Ould Noueigued le président de la banque nationale de Mauritanie, qui a signé un protocole d’accord avec un partenaire algérien pour investir en Algérie dans l’agriculture saharienne, le dragage des plans d’eau, et la pêche. Reste l’invariant : le leadership énergétique algérien de ce côté ci de l’Equateur. Ce n’est pas un hasard finalement si Nourredine Bouterfa est le seul ministre (en dehors de Ramtane Lamamra pour la clôture protocolaire séparée de la clôture initiale) a ne pas avoir boycotté les travaux du rendez vous d’Alger après l’incident du premier jour. Le ministre de l’énergie y a exposé l’ambition de la transition énergétique algérienne avec dès début 2017 le lancement d’un appel d’offres pour 4 Gigawatts d’électricité solaire. Mais la aussi, le lent sommeil économique algérien sur le continent, l’expose à la concurrence y compris sur ses atouts. Le projet d’un gazoduc Nigéria-Maroc est venu challenger celui, vieux de 15 ans, du Nigal, un gazoduc Nigéria Algérie. Bien sûr le rêve de Mohamed VI de supplanter sur son territoire le hub de Hassi R’mel pour l’approvionnement en gaz de l’Europe du sud va butter, en pire, sur les mêmes raisons qui ont maintenu le Nigal au stade de projet. Sa faisabilité économique. La grande leçon de ces trois jours de rencontre entre acteurs de l’économie africaine est là. Les lignes de la géographie économiques bougent plus vite que ne bougent les Etats. L’Afrique est plus adaptée au futur que l’Algérie. A 850 millions de dinars, ce n’est pas cher payé si la leçon est définitivement apprise.
Opep; Bouterfa et son équipe marquent des points
Dans la semaine économique écrasée par le pugilat gouvernement–FCE, un brin de soleil. Le communiqué final de la réunion de l’Opep de Vienne a consacré une mention au rôle de l’Algérie dans la construction de l’accord qui va permettre la réduction de la production de l’organisation de 1,2 million de barils par jour. « la diplomatie énergétique algérienne existe bien » nous a confirmé Ali Aissaoui, l’un des experts algériens les plus écoutés à l’étranger – il a été économiste en chef de APICORP, la banque d’investissement arabe dans le pétrole et continue d’exercer une mission de recherche auprès de Oxford Institute of Energy Studies, dont il a été membre durant plus d’une décennie. « C’est un alignement de compétences au ministère de l’énergie qui a permis à l’Algérie de jouer un rôle incontestable dans l’obtention de cet accord ». Ali Aissaoui a cité sur RadioM le travail d’équipe du ministre Nourredine Bouterfa, du gouverneur de l’Algérie à l’OPEP, Mohamed Hamel et du membre de la commission économique de l’OPEP Achraf Benhassine. Réconfortant. Il faut écouter cependant Ali Aissaoui jusqu’au bout. Il propose d’aller vers plus de transparence concernant la gestion du secteur de l’énergie. A commencer par la vérité sur l’Etat des réserves en hydrocarbures. Nourredine Bouterfa a publié, au creux de l’été, un état des réserves de gaz prouvés très inférieur à celui publié tous les ans par BP. Déjà entendu ? On y reviendra.