Hachemi Siagh, qui était hier l’invité du Direct de Radio M, la webradio de Maghreb Émergent connait bien le marché financier algérien dont il a été un des acteurs du développement .
Pour lui , avec la fin de la période d’opulence des finances publiques nationales qui s’annonce ,les circonstances vont devenir plus favorables pour une relance tout azimuts des instruments de financements par le marché .Selon l’expert algérien qui plaide en faveur d’une dynamisation du marché financier national , il y a aujourd’hui de la place pour tout le monde ; aussi bien pour la finance islamique que pour le développement des marchés obligataires ou boursiers
Un tiers des épargnants algériens potentiellement clients de la finance islamique
Hachemi Siagh estime que « près d’un tiers des épargnants algériens pourraient être potentiellement intéressés par des instruments de finance islamique » .En attendant, il affirme qu’en Algérie ,celle ci « n’existe pas encore . Pour accueillir la finance islamique, il faudrait qu’il y ait un cadre réglementaire. Les banques islamiques en tant que telles ne sont pas des banques, les normes s’appliquant aux banques conventionnelles ne le sont pas en ce qui concerne les banques islamiques, tient-il à préciser expliquant que les banques islamiques ne sont que des simples fonds. Malgré ces contraintes estime l’expert algérien : « deux opérateurs islamiques font actuellement du bon business en Algérie , il s’agit des banques Al Baraka et Al Salam ». Elles utilisent principalement « le leasing qui ne comporte pas de taux d’intérêt mais est plutôt basé sur le paiement d’un loyer » et Al Musharaka en prenant des participations directes «alors qu’aujourd’hui, une banque conventionnelle ne peut pas prendre des participations pendant longtemps dans une entreprise car c’est interdit par la Banque centrale.
Pour Hachemi Siagh le développement sur une plus grande échelle du « gisement de la finance islamique » en Algérie passe donc par une reforme du cadre juridique : « il y a deux choses qu’il faut faire : des amendements dans le cadre légal et des amendements dans le cadre fiscal. Car, les transactions islamiques ce sont des opérations commerciales de vente et d’achat, ce n’est pas à proprement parler du financement ». Et d’expliciter son propos en disant : « Si vous vous présentez à une banque islamique et demandez un prêt, elle ne va pas vous le donner, mais elle va vous proposer une opération de murabaha : c’est-à-dire qu’elle va acheter le produit que vous voulez et vous le revendre immédiatement ».
Le marché obligataire détruit par la politique de subvention du crédit
C’est surtout le développement du marché obligataire qui retient aujourd’hui l’attention de l’expert algérien .Un marché dont « l’âge d’or s’est situé entre 2003 et 2010 »avec les premières émissions réalisées par des acteurs économiques publics de premier plan .Hachemi Siagh cite « Sonatrach , Sonelgaz , Air Algérie ou Algérie Télécom mais aussi des entreprises privées parmi les plus dynamiques comme Cévital ». Au total au cours de cette période : « des émetteurs publics et privés à égalité d’effectif et des opérations volontaristes ».Mais aussi des conditions de financement très avantageuses pour les entreprises concernées .Hachemi Siagh mentionne l’exemple de l’émission réalisée par Cévital dont le coût na pas dépassé, tous frais compris, un taux de 3,8% alors que les taux d’intérêt bancaires étaient voisins de 7% ».
Une dynamique qui malheureusement a été rapidement enrayée en raison de la politique mise en œuvre par les autorités financières algériennes elles mêmes .Explication : « A partir de janvier 2010 les cours pétroliers sont en hausse très sensible et les banques algériennes se retrouvent rapidement en situation de surliquidité .Le ministère des finances , sous l’autorité de M .Karim Djoudi , décide alors de mettre en place un système de subvention des taux d’intérêt basé sur des bonifications très nombreuses et généralisées. Cette subvention massive du crédit va provoquer d’abord une réduction sensible du programme d’émission obligataires de la place d’Alger « prévu en 2003 à 32 émissions et ramené rapidement à seulement une quinzaine ».Un programme qui n’a pas cessé de se rétrécir depuis cette date avant d’être réduit aujourd’hui à sa plus simple expression.
La nouvelle conjoncture favorable à la relance le marché financier
Pour Hachemi Siagh , les conditions macroéconomiques sont désormais favorables à la relance du marché financier algérien. La surliquidité des banques algériennes appartient au passé et les ressources du budget de l’Etat sont en chute libre ce qui devrait conduire , c’est du moins le souhait qu’il exprime, à une remise en cause rapide des politiques de subvention du crédit .La voie sera alors libre pour le retour sur le marché obligataire des « entreprises algériennes publiques et privées les plus performantes ».Commentant les déclarations récentes du ministre des finances sur le recours prochain au marché obligataire de plusieurs entreprises publiques ,Sonelgaz en tête, l’expert algérien estime que les entreprises qui doivent s’orienter vers le marché sont les bonnes entreprises . Ce qui n’exclut pas les entreprises publiques à condition qu’elles soient bien gérées c’est-à-dire qu’elles assurent clairement la séparation entre la propriété du capital et la gestion de l’entreprise ».
Le fonctionnement du FNI doit être transformé complètement
Autre piste suggérée par Hachemi Siagh : « la redéfinition des missions du Fonds National d’investissement(FNI) »dont le fonctionnement depuis sa création a contribué à la quasi extinction du marché financier auquel il s’est substitué partiellement en accordant des prêts à long terme et très fortement bonifiés à de nombreuses entreprises publiques potentiellement candidates au financement par le marché .Le FNI, estime Hachemi Siagh , « doit être transformé complètement ; Il doit devenir un teneur de marché , acheter des actions et des obligations à la manière d’institutions financières comme la caisse des dépôts et consignation française ou la CDG marocaine pour permettre à de nombreuses entreprises publiques comme privées de grandir et se développer ».