Yazid Benmouhoub, directeur général de la bourse d’Alger évoque, dans cet entretien, la situation de cette institution. Il parle également des perspectives à venir.
Maghreb Emergent: parlez-nous de l’actualité de la bourse d’Alger et de son fonctionnement actuel.
Yazid Benmouhoub: Nous travaillons actuellement sur les mêmes axes sur lesquels nous avons toujours travaillé. Nous continuons notre programme de vulgarisation de la bourse et des marchés boursiers auprès des opérateurs et du grand public.
De plus en plus, la bourse devient une évidence pour l’économie nationale. Tout le monde s’accorde à dire que le système de financement de l’économie a montré ses limites, parce que c’est un modèle basé sur l’endettement où le secteur bancaire public finance plus de 90% de l’économie nationale.
On a vu aussi que depuis la baisse des prix du pétrole, la liquidité bancaire a chuté d’une manière drastique et le marché informel brasse énormément de fonds. Donc, c’est cet argent qui manque à l’activité économique et nous travaillons pour l’attirer dans l’économie formel.
Le plan d’action du gouvernement, adopté récemment par l’Assemblée nationale, n’a pas accordé beaucoup d’importance à la bourse, pourquoi, selon vous ?
Le programme du nouveau gouvernement donne beaucoup d’importance au secteur des finances. C’est très important pour nous. Mais cela doit être concrétisé rapidement sur le terrain. Mais nous savons que redresser un secteur qui s’est dégradé depuis plus de 20 ans n’est pas chose facile. Les résultats ne viendront pas en quelques mois ni en une année.
Pensez-vous qu’il y a urgence de réformer le secteur des finances?
Bien sûr que c’est une urgence. Il y a un cumul d’erreurs et de mauvaise gouvernance. Aujourd’hui, il faut trouver des solutions. Je pense que le fait que le secteur des finances soit inscrit dans le plan du gouvernement, cela nous montre que le gouvernement est conscient de l’urgence.
Sans financement et sans économie performante, on ne peut pas avoir le développement nécessaire au plan socio-économique.
Si le gouvernement l’a inscrit dans son plan, cela veut dire qu’il va mettre le paquet pour parvenir à réformer ce secteur.
Pour ce qui est de la bourse, le gouvernement prend en considération son rôle et promet de redynamiser la bouse d’Alger. Cela veut dire qu’il faut augmenter le nombre d’entreprises cotées en bourse, il faut aussi des émissions obligataires (publique et privée), l’introduction de nouveau produits boursiers, tels que les Sokouk (finance islamique).
Est-ce que l’introduction en bourse des entreprises publiques en difficulté, serait une solution pour assurer leur survie ?
Des entreprises ont reçu récemment des aides du Trésor public, pour leur éviter la faillite. Je pense que la décision des autorités a été faite dans l’urgence. Sans ce financement ces entreprises vont mettre la clé sous le paillasson.
Maintenant pour entrer en bourse, il y a tout un programme à suivre et ça ne se fait pas en une semaine. Il y avait un programme en 2013 pour faire entrer plusieurs entreprises (publiques et privées) en bourse, par des ouvertures de capitaux ou par des émissions obligataires, mais malheureusement, ce projet a été abandonné.
Qu’en est-il de votre nouveau système de cotation automatique ?
Cela fait partie du deuxième volet du programme de développement de la bouse. Il y a un nouveau modèle de fonctionnement où on va bientôt vers « une bourse digitale », qui sera effective avec l’acquisition de notre nouveau système d’information.
Jusqu’à aujourd’hui, notre programme est suivi à la lettre et nous avons réalisé des avancées. Maintenant, nous sommes en phase de paramétrer le système (machine, serveur et Datacenter) et les tests seront menés incessamment, pour enfin lancer la plateforme de trading électronique au cours de l’année 2020.
Nouspensons que la redynamisation du marché boursier par les introductions en bourse est quelque chose de bien, mais aussi donner la possibilité aux grand public, aux actionnaires et investisseurs d’acheter et vendre facilement, parce que la technologie le permet.
Est-ce que la bourse doit être un indicateur sur la santé de l’économie nationale ?
Pour nous, la capitalisation boursière n’est pas importante. Pourquoi ? par ce que la taille de la bourse n’est pas en adéquation avec la taille de l’économie algérienne. Si on fait une comparaison, on devrait avoir une bourse plus développée et qui dépasserait logiquement les bourses de la région.
Notre objectif principal est d’attirer d’autres entreprises vers la bourse. Quand on aura attiré des entreprises de différents secteurs économiques, là, les indicateurs boursiers auront une signification. Puis, la bourse deviendra la vitrine de notre économie.
Est-ce que cela vous fait peur de voir des entreprises se retirer de la bourse d’Alger ?
D’abord, ce qu’il faut savoir c’est qu’une société qui entre en bourse a la possibilité de se retirer. Quand vous avez seulement 6 entreprises cotées et que l’une d’entre elles veut se retirer, cela donne une mauvaise image pour l’entreprise. Comme c’est le cas pour NCA-Rouiba dont, d’ailleurs, nous n’avons pas encore reçu la demande officielle de retrait de la bourse.
Il faut aussi dire que l’intérêt et les avantages accordés par la bourse aux entreprises reste indéniable et celles qui veulent se retirer sont libres de le faire. Et nous veillerons à protéger les porteurs de titres.
Qu’en est-il des PME qui voulaient faire leur entrée à la bourse d’Alger ?
C’était, en fait, des volontés exprimées par les jeunes entrepreneurs qui cherchaient des financements. Mais ces derniers ont préféré patienter. Maintenant que l’économie semble reprendre son souffle, après l’élection du président de la République et l’installation du nouveau gouvernement, je pense que la confiance commence à revenir.
C’est l’exemple de la PME Casbah, spécialisé dans les condiments et l’agroalimentaire qui a déposé officiellement sa demande d’entrée en bourse.