Vantée, critiquée, moquée même, la Renault Symbol algérienne a été diversement accueillie mais elle est là. Pour parvenir à ce résultat, il aura fallu des discussions et beaucoup de négociations. Mais pas seulement . Maghreb Emergent revient sur l’histoire de cette « tomobile » tant attendue, depuis la signature du protocole d’accord, en mai 2012, jusqu’à l’inauguration en grande pompe de l’usine à Oued Tlelat, le 10 novembre dernier.
Chapitre 1 : La construction de l’usine
Implantée à une trentaine de kilomètres au sud-ouest d’Oran, dans la commune d’Oued Tlelat, l’usine automobile Renault Algérie Production (RAP) se situe sur un terrain de 151 hectares. Pour l’instant, seuls 14 hectares sont occupés, abritant la chaîne de montage, le bâtiment logistique et les bureaux. « Actuellement, on est vraiment dans l’ancienne enceinte de l’usine textile Sonitex que l’on a un petit peu débordé », explique Bernard Sonilhac, PDG de Renault Algérie, en marge de la conférence de presse tenue le jour de l’inauguration. « Il y a eu tout un travail de préparation qui a été fait par la SNVI (NDRL : la Société nationale des véhicules industriels, actionnaire de l’usine à hauteur de 34%) dans le cadre du contrat, pour réparer, notamment, les toitures qui ont été enlevées car elles contenaient de l’amiante », poursuit le PDG. « Ces travaux ont duré jusqu’en juillet 2013 et à partir de septembre, nous, on a pris le site, sans les toitures, rien qu’avec les charpentes et on a rhabillé, réhabilité tout ça ». Résultat : environ 60% du bâtiment dans lequel se trouve la chaîne de montage a été réhabilité et 40% ont été intégralement construits pour abriter la partie logistique qui s’étend sur 5.000 m2. Quant aux 135 hectares restants, ils attendent la seconde phase du projet annoncée pour 2019 et qui prévoit le passage de la production de 25.000 à 75.000 véhicules par an.
Chapitre 2 : La création de la société
Pendant que l’usine prenait forme, l’intérieur se mettait en place. « On est parti de zéro », rappelle Bernard Sonilhac qui a été nommé président du conseil d’administration le 31 janvier 2013. Il a fallu créer la société de A à Z. Autrement dit : s’occuper du registre de commerce, aménager les surfaces, embaucher un directeur des ressources humaines (DRH), sélectionner les équipes, mettre en place une politique salariale, un règlement extérieur, une structure, etc. « Enfin tout », résume le PDG. « Le premier jour vous arrivez et vous n’avez pas de bureau, vous n’avez pas de fax, vous n’avez pas de téléphone, vous n’avez pas d’imprimante, tout est dans le sac à dos », raconte-t-il. « Au début, c’était vraiment comme une start-up, une grosse start-up on va dire ». Sauf qu’à la différence des start-up classiques, celle-ci avait un avenir assuré. « Là, l’avenir est tracé puisque, d’abord, il y a le soutien des autorités, il y a un marché derrière qui va forcément se développer et on sait qu’il y aura une seconde phase, sauf cataclysme», souligne Bernard Sonilhac.
Chapitre 3 : Le recrutement
Les 250 salariés qui travaillent actuellement dans la nouvelle usine Renault Algérie ont tous été recrutés par l’intermédiaire de l’Agence nationale pour l’emploi (ANEM) qui s’est occupée de présélectionner des candidats parmi les centaines de CV en sa possession avant de les convoquer pour leur faire passer une série de tests. « Un jour l’ANEM m’a appelée. J’ai d’abord passé des tests de dextérité puis j’ai été convoquée pour un entretien », témoigne Khadidja Kadi embauchée en février au sein de Renault Algérie en tant « qu’évaluatrice qualité ». Comme tous les candidats retenus, la jeune oranaise de 28 ans, ingénieur de formation, a d’abord été formée au sein du Centre de formation professionnelle et d’apprentissage d’Oran (CFPA) avant de se perfectionner dans l’usine Renault de Roumanie où elle est restée pendant trois mois pour tout apprendre sur le contrôle qualité. A l’image de Khadidja, l’équipe de RAP est jeune et très féminine avec une moyenne d’âge de 32 ans et 40% de femmes. « Les premiers managers ont été embauchés à partir du mois de novembre de l’année dernière et les ouvriers ont été embauchés au mois de juin », indique Bernard Sonilhac. « Nous avons embauché tous nos salariés en CDI ce qui n’est pas forcément souvent le cas en Algérie où beaucoup de jeunes travaillent en CDD au grès des différents projets », précise le PDG de Renault Algérie. D’ici mars 2015, l’équipe sera renforcée d’une centaine de salariés augmentant l’effectif du personnel à 350 personnes.
Chapitre 4 : Le démarrage de l’usine
Une fois l’équipe constituée, ça a été au tour de la voiture de passer une batterie d’examens, obligatoires pour avoir le droit de la fabriquer et de la vendre. Il y a d’abord eu « l’accord de fabrication », réussi fin septembre, qui consiste à fabriquer une dizaine de voitures en montrant que les installations fonctionnent, détaille Bernard Sonilhac. S’en est suivi « l’accord de livraison » (dispatching approval en anglais) où il faut prouver qu’entre l’accord de fabrication et la mise en vente des voitures dans le réseau, la qualité des véhicules est maintenue avec une cadence plus grande, poursuit le PDG de Renault Algérie. « On a obtenu cet examen il y a seulement une semaine, (NDRL, début novembre), ce qui nous donne le droit de fabriquer et d’envoyer dans le réseau ». C’est ainsi que la Symbol made in Algeria se retrouve en vente chez les concessionnaires.
Chapitre 5 : La fabrication
Pour l’instant, Renault Algérie Production n’est qu’une usine d’assemblage, « semi knock down » (SDK) dans le langage industriel. « Tout est importé de Roumanie », a expliqué Djenet Belabdi, responsable système management qualité et évaluation produits au cours d’une visite éclair de l’usine organisée le jour de l’inauguration. « Chaque semaine, 220 conteneurs en provenance du port de Constantza en Roumanie arrivent au port d’Oran d’où la marchandise est rapidement acheminée vers l’usine car Renault bénéficie du couloir vert qui permet des facilités de dédouanement ». La cadence de fabrication ne cesse de s’accélérer pour atteindre les sept véhicules par heure prévus dans la première phase de production. Le taux d’intégration s’élève à environ 17% avec, actuellement, deux sous-traitants connus : Joktal qui fabrique des pièces en plastique et Martal fabriquant de sièges automobiles. « Ils ont, tous deux, passés les examens de la part de Renault qu’ils ont réussi et ont donc été nommés officiellement », indique Bernard Sonilhac. « Car chaque fournisseur et sous-traitant a aussi un parcours à faire avec des examens », insiste le PDG. « On ne s’improvise pas du jour au lendemain fabricant de matériels automobiles. Ce n’est pas parce qu’on dit, j’ai de l’argent, je veux le faire, qu’on peut le faire ! »
Chapitre 6 : Le prix et le « sens économique »
Vendue près de 1,3 million de dinars chez le concessionnaire exclusif de Renault à Oran, la Nouvelle Renault Symbol a fait grincer des dents. « Mais comment faire une voiture moins chère avec des pièces qui sont plus chères, ça n’a pas de sens », se justifie Bernard Sonilhac. « Pour arriver à faire des pièces qui sont moins chères en Algérie, il faut que l’économie fonctionne bien », souligne le PDG de Renault Algérie. « Et ce qu’il se passe en ce moment, c’est que dans un certain nombre de cas, il est plus facile et plus économique d’importer que de fabriquer, tout simplement parce qu’il y a des taxes et droits de douane à l’entrée qui affectent certains composants », dénonce, à fleurets mouchetés, Bernard Sonilhac. « Tout ce que l’on fait doit être compétitif et les pièces intégrées localement doivent avoir un sens économique », continue-t-il avant de lancer, clairement, un appel aux autorités algériennes. « On espère que les autorités vont pouvoir apporter aux fournisseurs qui créent de la valeur ajoutée, un certain nombre de mesures de soutien de façon à développer l’industrie, sinon l’industrie locale ne se développera jamais. Pour commencer, il faut bien être aidé ». Le message est envoyé.