Jeudi 07 mai, la présidence de la République a publié l’avant-projet de la future Constitution. Une mouture qui compte 6 axes, dont 7 propositions pour renforcer l’indépendance de la justice.
Contacté par Maghreb Emergent, le juge Sadedin Merzoug, président du Club des magistrats, estime que les points qui concernent le pouvoir judiciaire « ne répondent pas aux aspirations et aux luttes des juges du club des magistrats ». D’après lui, « il ne suffit pas de retirer le ministre de la Justice et son représentant du Conseil supérieur de la magistrature, pour dire que l’indépendance est acquise ».
« La représentation des membres du Conseil supérieur de la magistrature devrait plutôt être entièrement électorale », propose-t-il. Et d’ajouter que la présidence de ce conseil suprême « doit se faire par vote et non par nomination, et les pouvoirs de l’Inspection générale du Conseil supérieur de la magistrature devraient être placés sous sa tutelle ».
De la conviction et une volonté politique
C’est précisément en raison de cette ingérence de l’exécutif dans les affaires du pouvoir judiciaire que le Club des magistrats avait boycotté, le mois d’avril dernier des élections liées au renouvellement partiel des membres du Haut conseil de la magistrature. Le Club avait accusé, dans un communiqué, le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati de « gérer le secteur de la justice suivant une logique étroite et unilatérale qui a rendu le spectre de la justice ainsi que les droits extrêmement tendus dans la pays ».
Pour le juge Sadedin Merzoug, l’indépendance du pouvoir judiciaire ne se fera qu’à travers « une volonté politique et la conviction de l’importance de son indépendance et de sa pertinence dans la formation de l’État et de sa transcendance loin des classifications politiques ».
Le bras de fer entre le club des magistrats et le ministère de la Justice est devenu tendu depuis le début du Hirak populaire. Rappelony que des dizaines de magistrats ont organisé plusieurs rassemblements inédits en 2019. Ils ont affiché plusieurs fois leur soutien au Hirak du 22 février.
La mouture de proposition des amendements de la Constitution comporte un volet pour « constitutionnaliser l’inamovibilité des juges». Le juge Sadedin Merzoug pense qu’il s’agit d’un point « important ». Par contre, « il faut y ajouter la constitutionnalisation du non-isolement, l’arrestation et le transfert automatique conformément aux exigences de la loi et conformément aux décisions du Conseil supérieur de la magistrature ». Cela bien sûr « sans l’ingérence de l’autorité exécutive dans le motif du transfert et de la révocation conformément aux exigences de la loi fondamentale pour les juges ayant la possibilité de faire appel de ces décisions », souligne-t-il.
Plus d’indépendance et plus de liberté d’expression
Les autres préoccupations, qui feront objet d’une « mouture de proposition du club des magistrat cette semaine, concerne la liberté d’expression des juges », signale notre interlocuteur. Celle-ci « doit être constitutionnalisée et promue afin que les juges puissent éliminer la confusion et les accusations toutes faites contre certains membres », indique le juge.
Selon lui, cette liberté servira à « rapprocher la justice du citoyen et créer la confiance dont le juge a besoin lorsqu’il aborde les intérêts de la justice ».
Pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, le président du Club des magistrats estime qu’il faut « constitutionnaliser l’immunité pénale du juge, qui peut être levée en cas de délits flagrants par le bureau permanent du Conseil supérieur de la magistrature ».
L’autre point sensible évoqué par le juge Sadedin Merzoug est celui de représentativité syndicale. Selon lui, « le temps des organisations syndicales traditionnelles au sein du pouvoir exécutif est révolu ». « Il faut le remplacer en garantissant la liberté de créer des associations professionnelles tout en respectant le devoir d’impartialité et l’indépendance du pouvoir judiciaire », dit-il.
Enfin, le pouvoir judiciaire est aussi la garantie du droit de défense. Pour le président du Club des magistrats, l’indépendance réelle « ne peut être obtenue sans constitutionnaliser la profession d’avocat et les garanties de défense. Surtout qu’il s’agit de partenaires dans la justice ».