Alors que l’industrie agroalimentaire pourrait transformer jusqu’à 80% de la production agricole, seuls 10 à 15% des produits sont actuellement valorisés, entraînant des pertes post-récoltes pouvant atteindre 30 à 40% de la production.
Ce constat alarmant prend toute son ampleur au regard de l’immensité du territoire algérien. Sur un territoire de 2 381 741 km², l’Algérie n’exploite que 8,5 millions d’hectares de surface agricole utile, soit 3,5% de son territoire. En comparaison, les performances européennes de 2023 sont nettement supérieures. La France, leader du secteur, génère 198 milliards d’euros de revenus dans l’agroalimentaire. L’Allemagne suit de près avec 185 milliards d’euros et plus de 600 000 emplois, tandis que l’Espagne, quatrième puissance européenne, produit pour 162 milliards d’euros et exporte pour 47,6 milliards d’euros de produits transformés.
Un secteur stratégique en quête d’efficience
Le secteur agroalimentaire, qui englobe tant la production agricole que sa transformation industrielle, occupe une place prépondérante dans l’économie nationale. Deuxième secteur après les hydrocarbures, il emploie 700 000 personnes (10% de la population active). Bien que ce chiffre soit supérieur aux 450 000 emplois du secteur français, la productivité et l’efficience restent nettement inférieures, comme en témoigne l’écart important des revenus générés en 2023. 198 milliards d’euros pour la France contre une production beaucoup plus modeste pour l’Algérie.
Selon les prévisions qui seront présentées au prochain Salon Djazagro (7-15 avril 2025), l’industrie de transformation agroalimentaire contribue à plus de 50% du PIB hors hydrocarbures. Cependant, la production agricole brute ne représente que 13% du PIB total, reflétant la sous-exploitation du potentiel de transformation. Le taux d’intégration des entreprises ne dépasse pas 15%, avec 85% des matières premières et équipements importés.
Des pertes massives faute d’infrastructures
Au cœur de ces difficultés se trouve la question des infrastructures. Les capacités de stockage limitées à 3,4 millions de tonnes illustrent les carences infrastructurelles. Le programme de construction de 350 centres de proximité vise 9 millions de tonnes, mais les pertes post-récoltes persistent entre 30 et 40%. Cette situation creuse le déficit commercial qui atteint 8,9 milliards de dollars, résultat d’un déséquilibre entre 0,5 milliard d’exportations et 9,4 milliards d’importations.
Ces obstacles structurels se manifestent à plusieurs niveaux. La sous-mécanisation des exploitations, l’insuffisance des infrastructures et des pratiques culturales inadaptées freinent le développement du secteur. Le faible niveau d’investissement perpétue ces difficultés, bien que 57% des acteurs utilisent des systèmes d’information intégrés.
Néanmoins, des signes encourageants émergent. L’ancrage territorial reste solide (84% des entreprises implantées localement) et 68% des acteurs s’intéressent à l’exportation. Des initiatives innovantes émergent pour dynamiser le secteur : le programme Innov-Agro vise à moderniser les pratiques agricoles par l’innovation technologique, tandis que le Challenge AgriTech 2024 est un concours national encourageant les startups à développer des solutions pour l’agriculture. En parallèle, de nouveaux investissements dans les régions du Sud visent à étendre les surfaces cultivables et à créer des pôles agroalimentaires modernes.
Un impératif de modernisation face à la concurrence européenne
Face à ces multiples défis, la réduction de l’écart entre le potentiel de transformation (80%) et la réalité actuelle (10-15%) exige une modernisation accélérée. Face aux performances des industries européennes, le développement des infrastructures, la modernisation des équipements et l’optimisation des pratiques apparaissent comme des priorités pour réduire les pertes et valoriser la production nationale.
L.N