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Interrogations sur la volonté présumée de la France d’impliquer l’Algérie dans une guerre en Libye

Par Yacine Temlali
septembre 15, 2014
Interrogations sur la volonté présumée de la France d’impliquer l’Algérie dans une guerre en Libye

Cet article du Huffington Post Algérie fait le point sur les interprétations algériennes contradictoires de la visite à Alger du chef d’état-major des armées françaises. Pour les uns, cette visite est le signe de pressions françaises pour convaincre l’Algérie de s’engager militairement en Libye. Pour d’autres, une intervention militaire algérienne en territoire libyen est complètement à écarter.

 

« Le général d’Armée Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées françaises, effectue une visite officielle en Algérie, du 13 au 15 septembre 2014, à l’invitation du général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) ».

Malgré ce communiqué officiel du ministère de la Défense, les médias algériens se demandent toujours si l’unique but de la visite du chef de l’armée française n’est pas « d’impliquer » l’Algérie dans un projet d’intervention militaire en Libye.

Les déclarations du ministre français de la défense, Yves Le Drian, au Figaro, appelant à agir en Libye et suggérant de déplacer le dispositif français actuel au Mali (Barkhane) vers la frontière libyenne ont accentué ce sentiment. D’autant que le ministre français a assuré que cela « se fait en bonne intelligence avec les Algériens, qui sont des acteurs majeurs de cette région et dont c’est aussi l’intérêt ».

Le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, a dû réaffirmer qu’aucune « intervention militaire n’est prévue en Libye pour l’heure » mais qu’ »il est question actuellement de réunir les Libyens, à travers un dialogue national, une réconciliation nationale et la consolidation des institutions démocratiques ».

 

Une visite de routine ?

 

Ramtane Lamamra a assuré qu’Yves Le Drian n’avait pas parlé d’une intervention militaire en coordination avec l’Algérie affirmant ne pas croire que de tels propos aient pu été tenus par le responsable français et invitant à « se référer à la déclaration intégrale du ministre ». Il a également souligné que la visite « ordinaire » du chef d’état-major français était prévue depuis longtemps et n’avait « aucun lien avec les développements survenus dans la région ».

Pourtant, note El Khabar, le général Pierre de Villiers est accompagné de 4 généraux, de deux colonels du commandement militaire et des personnalités civiles, ce qui « confirme qu’il ne s’agit pas d’une rencontre de routine ».

Au contraire, estime le journal, cette visite laisse croire qu’il y a un « accord de principe » entre les directions politiques des deux pays et que les militaires seront en charge du « volet technique ».

Le même journal affirme que le président Bouteflika a convoqué vendredi, les membres du Haut-Conseil de sécurité pour une réunion extraordinaire au sujet de la « guerre attendue en Libye » et de la « guerre mondiale » contre Daech.

Selon le journal, qui cite une « source » non identifiée, « un haut-responsable algérien a transmis aux dirigeants un message court du président: l’Algérie ne peut justifier devant son peuple le fait d’accorder des facilités militaires à une campagne militaire aérienne en Libye ».

 

La France cherche-t-elle un sous-traitant en Libye

 

El Khabar donne la parole au politologue, Hasni Abidi, qui estime que l’Algérie a la capacité d’agir « politiquement » en Libye et qu’elle ne doit pas être le « sous-traitant » de la France qui « cherche à trouver qui fera la guerre à sa place ».

Hasni Abidi note au sujet des raids aériens contre Tripoli imputés aux Emiratis qu’il y a des doutes sur la « capacité des aviateurs émiratis à mener ce genre d’opération ». Mais il relève qu’il « existe une base militaire française aux Emirats. En liant ces éléments, il apparaît que l’opération était destinée à tâter le pouls de la région au sujet d’une action militaire en Libye vendue sous une apparence arabe ».

Même méfiance chez l’officier à la retraite et professeur de sciences politiques, Ahmed Adimi, qui voit dans la visite du général Pierre de Villiers une tentative de convaincre les responsables algériens de participer à une éventuelle action militaire. La France, a-t-il déclaré au journal Echourouk, « est loin de la Libye et, de ce fait, toute action militaire qu’elle engagerait serait très difficile. Elle a besoin d’un pays voisin de la Libye qui l’aiderait en cela et peut-être voit-elle dans l’Algérie, le pays le plus approprié ».

 

« Intervenir en Libye serait lourd de dangers pour l’Algérie »

 

Ahmed Adimi a mis en garde contre la tentation de suivre la France dans le « marécage libyen » car une telle décision sera grave pour la région et pour l’Algérie.

« Une intervention de l’armée algérienne dans la crise libyenne aura des conséquences graves sur la stabilité du pays. La Libye est un marécage et celui qui y entre n’en sortira pas sain et sauf. Nous avons pour cela l’expérience américaine en Somalie, Afghanistan et en Irak ».

Pour lui, la crise libyenne est très « complexe » et sa solution ne peut être que politique en aidant les Libyens « à s’asseoir et à parvenir à un accord satisfaisant pour toutes les parties ». Après cela, a-t-il ajouté, « nous pouvons les accompagner dans la construction d’une armée capable de défendre les frontières de leur pays quitte à envoyer des officiers spécialisés dans la formation des armées ».

 

« L’Algérie n’est pas partante pour une seconde guerre en Libye »

 

Pour Le Quotidien d’Oran le voyage du chef d’Etat-major français n’est pas « au-dessus de tout soupçon ». Il souligne que l’’Algérie, « qui tient à conserver ses bonnes relations avec Paris » n’est pas « partante pour une seconde guerre contre le peuple libyen ». Elle l’est d’autant que mois que dans ce pays, « il n’y a pratiquement que des groupes politico-militaires incontrôlés, puissamment armés, qui peuvent, du jour au lendemain, être ‘’retournés’’ pour ensuite déposer leurs armes avec une solution politique ».

Dans le journal El Watan, l’ancien secrétaire d’Etat et ambassadeur, Halim Benattallah, estime que la « panoplie des mesures pacifiques est loin d’avoir été épuisée. Pour prévaloir, l’option pacifique a besoin d’être vigoureusement portée par une coalition régionale ».
L’ancien ministre et ambassadeur Abdelaziz Rahabi est tranchant: « Il n’y aura pas d’intervention, ni en Libye ni ailleurs. Ce n’est pas un problème doctrinal. D’abord, ce n’est pas une agression directe contre l’Algérie. Ensuite, l’Algérie ne doit pas faire le ménage dans un imbroglio dont elle n’est pas responsable. Les Occidentaux ont armé les rebelles et n’ont pas accompagné la Libye dans sa transition. Ils n’ont qu’à en assumer les conséquences. »

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