On se souvient que le règlement de la Banque d’Algérie, publié le 12 novembre dernier au Journal officiel, et qui « autorise » les entreprises algériennes publiques et privées à investir à l’étranger, a fait réagir la semaine dernière certains patrons avec beaucoup de scepticisme.
Le médiatique président du Conseil d’administration de la NCA, Slim Othmani a notamment qualifié, au quart de tour, ce texte de « non-évènement ». »Comment peut-on se réjouir de l’application d’une loi qui a été modifiée pour la rendre plus restrictive ? », s’est-il étonné. De l’avis de Slim Othmani, cette mesure « durcit » une loi auparavant « ouverte ».
Dans le même esprit, pour un expert comme Farid Bourenani, réputé proche du patron de Cevital, la manière dont les pouvoirs publics ont « bureaucratisé » le texte l’a rendu plus lourd. « Il aurait mieux valu commencer par rendre applicable le précédent règlement car rien ne justifie que le précédent texte ne soit pas appliqué, et cela plutôt que d’en concevoir un deuxième » .Selon Bourenani, le règlement de la Banque d’Algérie pèche par plusieurs aspects. Notamment celui par lequel il subordonne l’investissement à l’étranger à une activité qui existe déjà en Algérie ( la fameuse règle de la « complémentarité des activités » qui est ,de longue date ,le fondement de la doctrine de la Banque d’Algérie dans ce domaine ). « Cela veut dire que vous ne pouvez pas bénéficier d’une opportunité d’acquisition d’une société et donc d’un pan d’activité qui n’existerait pas déjà en Algérie ». Ce qui lui fait dire qu’avec une telle démarche, le gouvernement ne se donne pas les moyens d’être opportuniste, et prive les opérateurs de toute possibilité d’exploiter d’éventuels « effets d’aubaine ».
Une réglementation désormais « applicable »
Des commentaires et des appréciations qui font réagir « off the record » de hauts fonctionnaires de la Banque d’Algérie qui insistent en substance sur le caractère désormais « opérationnel » de la réglementation. Pour nos interlocuteurs ,le texte précédent était précisément trop ouvert et trop imprécis pour pouvoir être appliqué à moins de bénéficier à tout le monde sans aucune restriction et d’ouvrir la voie à des fuites de capitaux importantes .c’est donc justement le caractère « restrictif « » de la nouvelle réglementation qui la rendrait « applicable » à travers l’identification des acteurs qui sont susceptible d’en bénéficier et les conditions auxquelles cette autorisation d’investir à l’étranger est soumise.
De « profonds changements structurels de l’économie » selon la Banque d’Algérie
C’est dans cet esprit que l’exposé des motifs du récent règlement affirme que « l’Ordonnance Monnaie et Crédit de 2003 ne fixait pas, hors le principe de complémentarité des activités, de règles économiques et juridiques s’appliquant équitablement et objectivement à tous les opérateurs publics et privés. Or ,poursuit le texte, « de profonds changements structurels ont affecté l’économie nationale au cours des deux dernières décennies ; entre autres la capacité et la possibilité pour beaucoup d’opérateurs publics et privés de s’étendre à l’international pour stimuler leurs exportations ou mettre en place des activités de production de biens et services en complément de leurs activités en Algérie ». Pour la Banque d’Algérie : « L’économie nationale peut tirer avantage des investissements à l’étranger des opérateurs économiques résidents. L’ouverture de bureaux de représentation peut constituer un point d’appui au développement des exportations hors hydrocarbures ; l’investissement direct, en complément des activités en Algérie, ne peut être que profitable à la croissance de l’activité domestique, à la compétitivité et à l’innovation lorsque le centre d’activité principal de l’entreprise demeure en Algérie ».
Des conditions restrictives
Le nouveau règlement de la Banque d’Algérie formule un certain nombre de conditions très restrictives et qui semble en réalité limiter le bénéfice éventuel de l’autorisation d’investir à l’étranger à un petit nombre d’entreprises. Quatre critères principaux régiront les opérations d’investissements des opérateurs économiques algériens à l’étranger. L’investissement doit d’abord s’effectuer dans un secteur en relation directe avec son activité principale en Algérie. La deuxième condition exige que la société soit exportatrice et qu’elle mènera l’opération avec ses propres fonds sans recours aux crédits bancaires. Outre le respect d’un plafond de l’investissement, la Banque d’Algérie exige également des investisseurs algériens à l’étranger de détenir une part minimale de 10% du capital de la société étrangère. Les revenus générés par l’investissement réalisé à l’étranger doivent être rapatriés en Algérie sans délai, précise également la nouvelle réglementation.
Le FCE plutôt satisfait
La nouvelle règlementation n’a pas provoqué que des réactions négatives, loin de là. L’ancien Président du FCE ainsi que son successeur désigné l’ont salué en chœur au cours des derniers jours. Pour Reda Hamiani, elle peut « donner un atout supplémentaire à nos champions nationaux. Nous avons 500 entreprises exportatrices, mais seules 50 sociétés exportent d’une façon régulière, comme le groupe Benamor, Cevital, SIM. Ces entreprises ont besoin d’avoir des succursales à l’étranger pour pouvoir exporter. C’est carrément leur couper des ailes que de ne pas leur permettre de s’implanter à l’étranger notamment en Afrique. On était l’un des rares pays à ne pas le permettre. L’investissement à l’étranger donnera un plus à notre économie ». De son coté, Ali Haddad, PD-G de ETRHB et seul candidat à la présidence du Forum des Chefs d’Entreprise après la démission de Réda Hamiani, se réjouit déjà de cette « très bonne » nouvelle. Il ajoute que « C’est une très bonne chose (…). D’ailleurs, nous sommes en pourparlers sur plusieurs projets en France et en Italie pour investir dans l’industrie ».