L’annonce du président Tebboune pourrait sembler limpide à première vue : ouvrir le crédit aux investisseurs souhaitant développer des infrastructures de stockage agricole. Mais derrière cette injonction se cache un dispositif réglementaire qui transforme l’opportunité en véritable parcours du combattant.
Lors de la célébration du 50e anniversaire de l’Union nationale des paysans algériens, le chef de l’État a demandé aux banques de desserrer leurs contraintes de financement. L’objectif affiché : garantir la stabilité du marché agricole et lutter contre la spéculation. Un objectif louable, mais dont l’application se heurte à un arsenal juridique particulièrement dissuasif.
La loi du 29 décembre 2021 relative à la lutte contre la spéculation illicite définit des sanctions pénales qui peuvent glacer l’enthousiasme du plus téméraire des investisseurs. Le stockage de produits agricoles, pourtant essentiel à la régulation économique, devient un terrain miné juridiquement.
Les sanctions sont éloquentes : de 3 à 30 ans de prison selon la gravité de l’infraction. Un entrepreneur qui stockerait des légumes pour éviter les pertes risquerait d’être assimilé à un spéculateur. Les critères sont suffisamment larges pour transformer chaque initiative en potentiel délit : rétention de biens, manipulation des prix, diffusion d’informations jugées perturbatrices.
Les banques, naturellement frileuses, interpréteront probablement cette injonction présidentielle avec une extrême prudence. Comment prêter à un investisseur dont l’activité pourrait basculer du jour au lendemain dans l’illégalité ?
Ce paradoxe illustre les difficultés structurelles de l’économie algérienne : un État qui affiche sa volonté de modernisation, mais maintient des mécanismes de contrôle hérités d’une économie administrée. L’encouragement à investir se heurte frontalement aux mécanismes répressifs.
Pour les agriculteurs et les investisseurs, le message est clair : l’opportunité d’investissement ressemble davantage à un piège qu’à une réelle invitation à entreprendre. La ligne est mince entre gestion rationnelle et spéculation présumée.