Dans le paysage économique nord-africain, un constat s’impose avec une clarté troublante. Alors que l’Afrique du Nord se réinvente à vitesse grand V, l’Algérie semble étrangement en marge des dynamiques d’investissements européennes. Pourtant, les données récentes révèlent un potentiel prometteur et des perspectives de transformation.
Dans ce contexte régional mouvant, le Maroc illustre parfaitement la dynamique d’attraction des investissements directs étrangers (IDE). Avec une hausse spectaculaire de 46,8% en 2024, atteignant 13,06 milliards de dirhams sur les sept premiers mois, le royaume démontre une stratégie économique particulièrement efficace. Cette performance s’inscrit dans une longue histoire d’ouverture économique, où les investissements étrangers représentaient déjà 30% des investissements industriels depuis les années 70.
Poursuivant cette dynamique d’ouverture, la Tunisie a construit un écosystème industriel européen impressionnant. Avec 3 300 entreprises installées et 407 000 emplois directs créés, elle bénéficie d’un soutien de 450 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement. Son expertise dans le textile, l’agroalimentaire et les industries manufacturières en fait un acteur incontournable, et ce, malgré une croissance modeste estimée à 1,2% pour 2024 – la plus faible du Maghreb.
Sur le même élan de développement, l’Égypte émerge comme le nouvel eldorado des investisseurs. Plus de 20 accords signés en 2024, 40 milliards d’euros d’investissements, des projets diversifiés couvrant l’hydrogène, l’eau, la construction, la chimie et le transport. Sans compter une aide macrofinancière européenne de 7,4 milliards d’euros.
En contraste avec ces performances régionales, l’Algérie présente un tableau contrasté. Seulement 27 projets européens, 2,5 milliards de dollars d’investissements, 150 projets d’investissement étrangers au total. Mais les signaux sont loin d’être négatifs.
Bien au contraire, avec une croissance robuste de 3,9% au premier semestre 2024 et un potentiel considérable pour les exportations hors hydrocarbures, l’Algérie dispose d’atouts concurrentiels massifs. Des infrastructures modernes, des réseaux électriques, gaziers et routiers performants, une position géographique stratégique.
Les freins historiques à l’investissement
Ce décalage s’explique principalement par une ouverture plus tardive aux investissements étrangers. La règle contraignante 49-51% a longtemps limité l’attractivité du pays. Les politiques d’investissement se sont historiquement concentrées sur les sociétés mixtes, particulièrement dans le secteur des hydrocarbures.
Par comparaison, contrairement au Maroc, qui a su diversifier ses attraits en attirant des investissements dans l’aéronautique, l’automobile et les énergies renouvelables, l’Algérie a maintenu un modèle économique plus rigide.
Le tournant réglementaire de 2022
Consciente de ces blocages, la loi sur l’investissement de 2022 représente bien plus qu’une simple réforme administrative. C’est un signal d’espoir, une tentative de rupture avec des décennies de méfiance envers les investissements étrangers. Pourtant, la route vers une attractivité économique renouvelée reste parsemée d’embûches.
L’héritage des nationalisations continue de peser sur la perception des investisseurs internationaux. Contrairement au Maroc, qui a maintenu une politique d’ouverture constante depuis son indépendance, l’Algérie traîne derrière elle un héritage de méfiance et de protectionnisme économique.
Malgré ces défis, la suppression de la règle 49-51%, l’égalité de traitement des investisseurs, la simplification administrative : ces mesures sonnent comme une déclaration d’intention. Mais les intentions ne suffisent pas à effacer des années de réticences.
Néanmoins, le défi demeure entier. Entre les textes de loi et leur application concrète, le fossé reste béant. Les procédures administratives, malgré les promesses de simplification, conservent leur complexité bureaucratique. Les investisseurs attendent toujours un accompagnement véritablement soutenu et proactif.
L.N