L’absence quasi-totale d’investissements russes en Algérie, récemment soulignée par le ministre de l’Agriculture Youcef Cherfa, contraste fortement avec le discours officiel des deux pays et l’intensité apparente de leurs relations diplomatiques. Cette situation révèle un décalage significatif entre les ambitions affichées et la réalité économique sur le terrain.
Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays, bien qu’en progression constante, masque un déséquilibre structurel profond. Passant de 1,05 milliard de dollars en 2022 à 1,50 milliard en 2023, ces échanges restent dominés par les exportations russes, particulièrement dans le secteur agricole. La Russie contrôle notamment 30% du marché algérien du blé, avec des ventes agricoles atteignant 850 millions de dollars. Ces chiffres, apparemment impressionnants, reflètent en réalité une relation commerciale à sens unique, sans création de valeur ajoutée significative pour l’économie algérienne.
Les obstacles structurels aux investissements
L’absence d’investissements russes s’explique par plusieurs facteurs fondamentaux. Premièrement, le cadre juridique algérien, malgré les récentes réformes, reste perçu comme complexe par les investisseurs russes. Le Centre russe des exportations reconnaît lui-même la nécessité de “supprimer les obstacles administratifs”, suggérant que la bureaucratie constitue un frein majeur.
Deuxièmement, la stratégie russe semble privilégier une approche purement commerciale, considérant l’Algérie davantage comme un marché d’exportation que comme une destination d’investissement. Cette orientation se reflète dans la nature des accords signés, qui portent principalement sur des échanges commerciaux plutôt que sur des projets d’investissement productif.
Troisièmement, les nombreux accords signés, y compris la déclaration de partenariat stratégique de juin 2023 et les neuf mémorandums d’entente de février 2025, n’ont pas été suivis d’effets concrets. Cette situation suggère des difficultés dans la phase d’exécution des accords, possiblement liées à des obstacles pratiques ou à un manque de volonté politique.
Des opportunités non saisies
Les secteurs identifiés comme prometteurs pour les investissements russes sont nombreux. L’on citera, entre autres, l’industrie pharmaceutique, les technologies de l’information, l’agriculture ou encore les équipements industriels. Pourtant, malgré la présence annoncée de six grandes entreprises russes en phase de prospection, aucun projet significatif n’a encore vu le jour. Cette situation est d’autant plus paradoxale que l’Algérie figure parmi les trois principaux partenaires commerciaux de la Russie en Afrique.
Le projet d’établissement d’une zone de libre-échange entre les deux pays pourrait représenter un tournant, à condition qu’il s’accompagne de mesures concrètes pour faciliter les investissements. La mission multisectorielle prévue pour novembre 2025 constituera un test important de la volonté russe de transformer sa relation commerciale avec l’Algérie en véritable partenariat économique.
Yasser KASSAMA