Régler le problème de l’irrigation des terres agricoles est essentiel pour la réalisation de l’autosuffisance alimentaire visée par le gouvernement. Le ministre de l’Agriculture M. Youcef Cherfa, l’a encore fait comprendre en annonçant le triplement des surfaces irriguées d’ici à 2028. Il en parle comme d’un « impératif », selon l’agence officielle qui le cite en ajoutant qu’un plan triennal est déjà en cours.
Le ministre ne décrit toutefois pas la stratégie par laquelle l’Algérie multipliera par trois les surfaces irriguées, actuellement de 1,1 million d’hectares, soit 15% de la surface utile. L’objectif de 3 millions d’hectares soulève forcément des interrogations. Le premier obstacle qui surgit est celui du stress hydrique.
L’Algérie, comme tous les pays méditerranéens, subit des périodes de sécheresses de plus en plus longues. Les précipitations se font rares et ne favorisent pas le renouvellement des nappes phréatiques. Un expert agronome rapporte la mésaventure d’un agriculteur à l’ouest du pays : « Son puits étant asséché, il a creusé plus profond, mais à 183 m, toujours pas d’eau ». Voilà un an, un inventaire des points de forages d’eau sur tout le territoire devait donner une idée des quantités exploitées et des méthodes à appliquer afin de préserver la ressource. Pour l’heure, les résultats de l’inventaire restent inconnus.
Le plan triennal intervient ainsi après une saison 2023 catastrophique. Le premier ministre avait alors déclaré que 90 000 agriculteurs avaient été impactés par la sécheresse alors que 1,2 million d’hectares avaient été sinistrés.
À début décembre, la pluviométrie reste quasi-nulle sur l’ensemble du territoire et nombre de barrages et de retenues sont à sec. La saison 2024 démarre avec les dommages de la saison précédente et les agriculteurs sont plus que jamais confrontés à la rareté de l’eau.
À fond sur les infrastructures
Pour augmenter les surfaces irriguées au rythme de 250 000 hectares par an, le secteur de l’agriculture devra corriger les dommages causés par le climat tout en modernisant les infrastructures d’irrigations.
Depuis plus de vingt-cinq ans, les programmes de soutien à l’agriculture saharienne ont permis de créer des grands périmètres irrigués. Mais ils sont insuffisants et de nouveaux investissements sont nécessaires pour mobiliser et exploiter toutes les ressources hydriques que demande une agriculture florissante.
L’introduction de méthodes et d’équipements adaptés au contexte de sécheresse et d’aridité est une des solutions. Un programme conjointement mené par les secteurs de l’agriculture et de l’hydraulique devait déboucher sur la création d’un réseau d’irrigation alimenté par le recyclage d’eaux usées. Ce programme devait fournir 1,2 milliard de m3 d’eau d’ici 2030. Mais, encore une fois, une fois l’annonce passée, il est difficile d’obtenir une information sur l’état d’avancement du programme.
Étape cruciale dans le projet d’autosuffisance alimentaire, l’irrigation des terres agricoles est une difficulté qui pourrait empêcher l’agriculture de fournir les 15% du PIB attendus. De même que la modernisation des infrastructures et la gestion rationnelle des ressources hydriques, la transparence dans le suivi des programmes annoncés est un facteur de réussite dans l’instauration d’une agriculture capable de résister à la concurrence internationale, mais aussi aux changements climatiques.