Le président de Cevital a profité du lancement de la 2e ligne de production de verre plat de MFG pour proposer le contour d’un ambitieux projet d’acteur global.
« Il est possible de faire passer l’Algérie d’importateur à exportateur », cette formule enchanteresse, le président de Cevital Issad Rebrab l’a répétée à l’envi lors de sa présentation de ses projets d’investissement lundi matin sur le site de MFG à Larba dans la wilaya de Blida à l’occasion du lancement de la 2e ligne de production de verre plat. « Cevital prévoit d’exporter pour 3 milliards de dollars en 2020 dont deux milliards viendront de l’électroménager » a-t-il précisé. Issad Rebrab a évoqué le développement de ses sites industriels conçus selon la même philosophie : « une taille critique mondiale qui permet d’aller challenger les multinationales sur leurs marchés, sinon elles vous écrasent sur le votre ». C’est le cas avec la plus grande distillerie de sucre au monde à Bejaia, du projet électroménager Brandt à Sétif sur 100 hectares ou de l’usine Oxxo des fenêtres industrielles à Bordj Bou Arreridj, dix fois plus grande que celle de France, le bastion historique de la marque. Le président de Cevital a mis à jour son récit sur le déploiement à l’international en expliquant son intérêt pour l’Amérique Latine : « c’est la sécurité alimentaire de l’Algérie qui m’a amené au Brésil ». Rebrab s’attend à une tension sur les produits alimentaires, sur l’eau et sur l’énergie les prochaines années. Mais les opportunités d’investissement se sont diversifiées et sa rencontre avec président Brésilien Michel Temer, l’a assuré du financement bancaire local pour développer la transformation du minerai de fer dans l’Etat défavorisé du nord, le Para. La chaine de valeur connectée à son activité sidérurgique en Italie (Lucchini à Piombino) se précisé en pointillés.
Détour par les chinois pour entrer dans la cour
L’inauguration du jour aurait pu suffire au propos. Un grand messe à Larba à 45 km au sud d’Alger, pour étrenner une extension de 800 tonnes par jour de 108 millions d’euros, qui s’ajoutent aux 600 tonnes par jour de 2007, un passage à plus de 1000 travailleurs, une production en hausse de 133% et un chiffre d’affaires prévisionnel de 45 millions d’euros en 2016 entre float (process de production du verre) et transformation. Le modèle exportateur décrit par Issad Rebrab est résumé sur ce site. « Si je devais me configurer au marché algérien du verre, l’usine serait dimensionnée à 40 000 tonnes par an. Elle ne survivrait pas ». Dès le départ Cevital a ciblé l’exportation avec MFG. Le projet verre du groupe a buté au milieu des années 2000 sur le refus des majors – Etats Unis, Japon, France – de lui vendre leur technologie pour produire du verre plat selon le procédé flotte (bain d’Etain après fusion). Les chinois ont accepté de céder la leur et ont permis le développement d’une filière nouvelle qui s’exporte elle-même. « Nous avons acheté 250 remorques aux normes Jumbo nécessaires pour faire entrer les plaques de verre plat sur le marché européen », un format qui, barrière non tarifaire cachée, ne rentre pas dans les conteneurs. L’arc sud méditerranéen – France, Italie, Espagne Portugal, est aujourd’hui distribué par l’usine de Larba « à raison d’un bateau par semaine ». La Turquie a récemment reçu du vrac, et les deux marchés tunisiens et marocains sont clients de MFG. La nouvelle chaîne du site de Larba va permettre de diversifier la production des verres et d’accélérer une intégration intra-groupe « vers le bâtiment avec Oxxo et vers l’électroménager avec Brandt ». La première chaine sera dédiée « avant la fin de cette année » au verre coloré. L’assemblage automobile émergent en Algérie est un autre débouché prévu, même si le modèle d’affaire de cet investissement, au delà « de la fin du recours de l’Algérie aux importations », insiste Rebrab, est de générer des revenus conséquents en exportations. 48 millions d’euros de revenus sont prévus à l’international en 2017.
La fâcherie du gouvernement joue les prolongations
La grande cérémonie du lancement industriel de la 2e chaine de MFG, intitulée « l’Algérie exportatrice », a été marquée par la présence de nombreuses personnalités du monde des affaires, des partenaires étrangers du groupe Cevital, et d’anciens responsables politiques algériens. Deux faits remarquables, la présence en invité spécial, du cheikh Nahyane al Nahyane, membre de la famille régnante aux Emirats Arabes Unis et Gouverneur de l’émirat d’Abu Dhabi et l’absence complète de tout membre du gouvernement algérien. Ce dernier fait est devenu particulièrement grinçant devant les images diffusées de l’inauguration du site en 2007 par le président Bouteflika. « Nous avons pourtant invité tout le monde », a affirmé Issad Rebrab évitant d’aller plus loin dans les explications sur ce qui conserve les allures d’un boycott officiel. « Le ministre de l’industrie a envoyé son premier responsable au ministère » a précisé le président de Cevital rappelant enfin que « le président Bouteflika était venu quand il le pouvait ». La fâcherie officielle contre le groupe Cevital n’est manifestement pas écourtée par le durcissement de la conjoncture économique et le besoin de diversifier l’économie. « Tout le monde peut finalement devenir exportateur pour peu que … ». Le discours sur la méthode de Issad Rebrab sur l’exportation aura permis aux présents de rêver un instant à l’avènement d’une industrie algérienne conquérante. Les officiels ne rêvent plus.