Après la cession de l’usine d’Ain Temouchent à un groupe d’investisseurs algériens menés par Redha Hamiani, Henkel désinvestit-il ? Non, explique Jean Feminier, le PDG de Henkel Algérie. Le groupe reste fortement engagé en Algérie. Explications sur les dernières actions de Henkel en Algérie qui « représente près de 25% en région MENA, en termes de chiffre d’affaires. »
Après la cession de l’usine d’Ain Témouchent, où en est Henkel Algérie ?
Depuis 2000, année où Henkel s’est installé en Algérie au travers de la Joint-Venture avec l’ENAD, puis l’acquisition totale des 3 usines, Henkel Algérie se porte comme un charme. Nous avons une belle croissance, avec à la fin octobre près de 950 collaborateurs en Algérie à travers tous nos sites. Comment ne pas être ambitieux quand on a la chance de travailler sur un marché aussi dynamique et prometteur.
C’est donc avec une immense fierté que depuis une année maintenant, je suis à la tête de Henkel Algérie en tant que Président, secondé par une équipe de Management performante, et porté par des marques de notoriété nationale ou internationale telles que : Isis, Pril, Bref, ou Le Chat dont les succès se sont construits au travers d’un leitmotiv « apporter les meilleurs produits aux standards internationaux de qualités à nos chers consommateurs algériens ».
En chiffres, cela se traduit comment ces performances ?
La réussite de Henkel se traduit par une croissance à deux chiffres. Je ne peux pas en dire plus de côté-là, et l’année n’est pas terminée.
Mais les rapports annuels du Groupe Henkel ne citent pas l’Algérie.
Les rapports annuels du groupe Henkel mettent en avant les performances régionales. Henkel Algérie est d’ailleurs dans le Top 10 des pays émergents. Mais, dans le rapport « Sustainability » de l’entreprise, Henkel Algérie a été mise à l’honneur à travers un projet mettant en valeur la diversité en entreprise. Cela fait seulement un an que je suis à la tête de Henkel Algérie, et nous avons plusieurs projets en cours.
Quelle est votre part de marché en Algérie ?
Nous n’avons pas encore des chiffres réels sur les parts de marché ; les organismes d’études de marché ne couvrant pas encore l’ensemble du territoire national. Néanmoins nos estimations par rapport à nos chiffres de ventes nous placent largement en première position sur tous les segments de marchés.
Je tiens à préciser que tous nos produits sont fabriqués en Algérie au plus hauts standards de qualité et selon les normes de fabrications les plus strictes. En dépit d’une concurrence agressive des produits importés, nos produits fabriqués localement ont la confiance des consommateurs algériens, que ce soit avec la poudre à laver ISIS (multi-usages), Pril liquide vaisselle, ou « Le Chat » (lessive pour machines à laver, ndlr) et l’eau de javel Bref. D’après nos estimations, nous sommes leader du marché dans ces quatre segments.
Vous ne communiquez pas vraiment aussi sur les questions environnementales.
Bien au contraire, en début d’année nous avons officiellement communiqué sur l’obtention de la certification ISO 50001 (management de l’Energie). Henkel Algérie, est parmi les entreprises qui appliquent les plus hauts standards en termes d’environnement puisque nous sommes également certifiés ISO 14001. Au sein de nos usines, nous appliquons des standards très poussés en matière de management de l’eau, des déchets et de l’énergie. Ceci est d’ailleurs monitoré mensuellement. A l’usine de Chelghoum Laïd, nous n’utilisons que très peu l’eau de ville ou de pompage. Nous travaillons quasiment en circuit fermé grâce à notre station d’épuration d’eau.
« Ain Témouchent, c’est une très belle histoire »
Depuis l’opération d’Ain Témouchent, Henkel Algérie n’a que deux usines.
Aïn Temouchent, c’est une très belle histoire. C’est une usine située sur un terrain de plus de 20 hectares. Elle a été reprise avec ses 161 employés, selon les mêmes conditions que Henkel Algérie, par des investisseurs algériens qui continueront à fabriquer de la poudre pour Henkel Algérie, et seront une alternative pour la production de matière première essentielle pour nous.Et sur l’ensemble du site, ces investisseurs vont développer d’autres secteurs d’activité totalement différents des nôtres.
C’est un désinvestissement pour vous ?
Il s’agit d’une réorientation stratégique car Henkel continue d’investir de manière importante en Algérie. D’ailleurs, Henkel Algérie compte sur Aïn Temouchent, puisque cette usine continuera à produire des poudres détergentes pour le marché national ainsi que des matières premières qui approvisionneront nos sites de Reghaïa et de Chelghoum Laïd.
Pourquoi avoir entouré cette opération de secret ? On ne connaît pas les repreneurs, ni le montant de la transaction.
Le montant de la transaction est confidentiel. Pour le repreneur, nous avons toujours été parfaitement clairs, il s’agit de la Société de Management pour les Investissements Industriel (SMII) qui est gérée par Monsieur Rédha Hamiani. Pour connaitre les autres investisseurs, je vous invite à vous rapprocher de Monsieur Redha Hamiani. Des noms ont circulé dans la presse, dont certains sont étonnants. Monsieur Redha Hamiani est un homme public, ouvert, pourquoi ne pas vous adresser à lui directement ?
Pourquoi ne pas avoir donné les noms des investisseurs ?
Comme je vous le disais, Monsieur Rédha Hamiani est le chef de file de ces investisseurs et il lui appartient de vous parler de la SMII. Ce qui était important pour moi lors des négociations, c’était d’assurer la pérennité de l’emploi. Notre priorité était le projet de valorisation du site industriel d’Ain Temouchent, puis le changement dans la continuité, et bien entendu, le développement de Henkel en Algérie. Nous n’avons aucunement l’intention de désinvestir. Henkel reste engagé en Algérie.
Avez-vous l’assurance du maintien de l’activité de l’usine d’Ain Témouchent pour vous fournir la matière première ?
Nous avons des contrats de fabrication qui nous lient avec SMII : la production de poudre et celle de matière première. Et une des clauses de la vente, c’est aussi le maintien de l’emploi selon les mêmes conditions que celles de Henkel Algérie.
Henkel reste engagé en Algérie. Nous avons investi près de 600 millions de Dinars dans le développement des capacités de production de l’usine de Chelghoum Laïd, et nous sommes en train d’investir 2 milliards de Dinars à Reghaïa pour moderniser l’outil de production, ce qui est tout de même important.
Il y a aussi des budgets de formation et la création de nouveaux postes directs (pour la fabrication de nos produits) et indirects pour tout ce qui est fabrication des bouteilles de la gamme « Le Chat » du liquide vaisselle Pril et de la javel Bref.
Quelle est la part d’importation de matières première dans votre production ?
La matière première représente environ un tiers de la production. Sur l’ensemble de la matière première, les deux tiers sont importés. Soit à l’état brut pour être transformée, par exemple la matière première issue de la sulfonation a un taux d’intégration de 20 à 30%. On développe aujourd’hui des fournisseurs d’hypochlorite (la matière première pour l’eau de javel) dont 80% est fabriquée en Algérie depuis cette année. L’intégration industrielle et le développement de partenaires locaux sont des objectifs pour Henkel Algérie. Henkel ne grandit jamais seul, nos partenaires industriels et commerciaux évoluent avec nous.
Vous exportez ?
Nous avons commencé depuis le mois dernier à exporter vers la Tunisie. Nous en sommes très fiers d’ailleurs. Il s’agit du produit Nadhif liquide. Il y a une grosse demande pour les détergents liquides fabriqués à l’unité de Reghaïa qui est vraiment très performante. Il y a eu auparavant quelques actions d’exportations. Mais cette fois c’est une opération pérenne.
La notoriété du Groupe Henkel pourrait vous aider à aller au-delà.
Tout à fait. Le Groupe Henkel a récemment réalisé une acquisition au Nigeria. C’est une tête de pont qui va également nous aider en tant que Henkel Algérie à rentrer dans la région subsaharienne sur le segment des produits liquides parce qu’eux (l’entreprise rachetée au Nigeria, ndlr) ils sont spécialisés dans la production poudre. Nous avons aussi une acquisition au Kenya qui couvre toute l’Afrique de l’Est.
Quels sont les plus gros marchés de Henkel dans la région MENA ?
Sous mon leadership, avec toute l’équipe de Henkel Algérie, l’Algérie est devenu en un an le 2e plus gros marché pour Henkel dans la région. Nous avons dépassé l’Egypte. L’Algérie représente près de 25% en région MENA, en termes de chiffre d’affaires.
A l’international, Henkel s’engage sur les emballages recyclables. Qu’en est-il pour l’Algérie ?
Henkel Algérie est une entreprise citoyenne et responsable. Nous avons d’ailleurs retiré totalement le PVC de nos bouteilles. A notre échelle, nous avons mis en place avec nos partenaires un système de récupération des bouteilles qui n’ont pas été utilisées où endommagées lors de la production. Celles-ci sont ainsi récupérées, recyclées et donc réutilisées.
Nous avons également établi cela pour tous les cartons endommagés dans les zones de production. Notre fournisseur de cartons les récupère et les recycle pour pouvoir les réintroduire dans le cycle. Mais pour ce qui est de la récupération chez le consommateur, c’est beaucoup plus compliqué. Car le souci c’est qu’il n’existe pas encore en Algérie des systèmes de récupération/recyclages. Cela a été, d’ailleurs, un grand point de discussion au sein du FCE pour essayer de trouver des solutions avec, notamment, des modèles de partenariats avec des entreprises Allemandes avec lesquelles Henkel est déjà partenaire en Allemagne. Mais je ne perds pas confiance ni espoir.
Comment a évolué la production de Henkel Algérie ces dernières années ?
Depuis 16 ans maintenant que Henkel est en Algérie et où l’ensemble de nos produits commercialisés sont produits localement, notre production satisfait pleinement la demande des consommateurs. En termes d’habitudes de consommation des algériens, celles-ci sont très proches de l’Europe, avec un développement exponentiel de l’usage des produits liquides, qui est entre 3 à 5 fois plus important que le taux de croissance du chiffre d’affaires de l’entreprise. La part des détergents liquides grossie considérablement.