Jean-Marc Ayrault a entamé jeudi une visite de deux jours en Tunisie destinée à renforcer la coopération bilatérale à l’heure où Tunis, qui a réussi sa transition politique après le « printemps arabe », subit les répercussions de l’instabilité en Libye où l’impasse politique profite à l’Etat islamique (EI).
Au cours ce déplacement, le chef de la diplomatie française assistera à un hommage aux victimes de l’attaque du musée du Bardo de mars 2015 et rencontrera le président Beji Caid Essebsi, le Premier ministre Habib Essid et son homologue, Khemaies Jhinaoui.
Jean-Marc Ayrault profitera également de sa présence à Tunis pour rencontrer ce vendredi le Premier ministre libyen désigné, Fayez el Sarraj, pour discuter de l’impasse politique dans laquelle est plongé le pays.
« La Tunisie est un pays qui est confronté à des menaces terroristes parce qu’ils ont fait ces choix (démocratiques-NDLR) et à cause de sa proximité avec la Libye », a déclaré le ministre des Affaires étrangères à son arrivée à Tunis.
Berceau du « printemps arabe », en 2011, la Tunisie a été touchée l’an dernier par trois attentats revendiqués par l’EI, contre le musée du Bardo, la station balnéaire de Sousse en juin et un bus de la garde présidentielle en novembre.
Et depuis le début de l’année, le pays doit faire face à une instabilité grandissante dans sa zone frontalière avec la Libye.
Une cinquantaine de personnes ont été tuées la semaine dernière lors d’une attaque menée à Ben Guerdane, une ville située à quelques kilomètres de la Libye, par des hommes armés qui ont revendiqué leur appartenance à l’Etat islamique.
Inquiétude générale
Pour tenter de contenir la menace, les autorités ont érigé une barrière de 200 km le long de la frontière qui doit permettre d’empêcher l’entrée de djihadistes sur son territoire.
« Attaque après attaque, on voit qu’il y a des ramifications en Libye, notamment de Tunisiens qui sont en Libye et qui se retournent contre la Tunisie », souligne-t-on de source occidentale.
Face au risque de déstabilisation, la France, qui coopère depuis plusieurs décennies avec la Tunisie sur le plan sécuritaire, a annoncé un renforcement de cette entraide en débloquant 20 millions d’euros sur deux ans.
En déplacement à Tunis en octobre, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait fait de la coopération dans le domaine des forces spéciales et dans le renseignement une priorité.
Cinq mois plus tard, un tiers des 20 millions d’euros d’aide – essentiellement en matière d’équipements de soldats et de moyens aéro-mobiles – ont été utilisés.
« Des deux côtés, Tunisie et France, on estime qu’il y a un plan cohérent, il faut juste s’assurer qu’il est bien mis en oeuvre », souligne-t-on à Paris, où l’on estime que la coopération commence à porter ses fruits.
« Les Tunisiens ont réussi à porter des coups aux groupes terroristes », confirme-t-on de source occidentale, citant le Mont Chaambi et plus récemment Ben Guerdane. « Sans doute la coopération internationale assez forte a produit de premiers résultats, donc il faut intensifier le processus ».
L’enjeu est désormais d’augmenter le volume des forces spéciales tunisiennes qui comptent un millier d’hommes.
Confrontée à une menace sécuritaire grandissante, la Tunisie doit également faire face à une fronde sociale qui a fait descendre plusieurs milliers de Tunisiens dans la rue pour réclamer du travail ou demander des hausses de salaire.
Dans ce contexte, la France a annoncé en janvier un plan de soutien d’un milliard d’euros sur les cinq prochaines années.
« Il y a des engagements qui ont été pris, les montants sont disponibles », a souligné Jean-Marc Ayrault. « On souhaite voir ce qui peut être fait pour améliorer la performance et mettre plus rapidement à disposition les moyens ».
« Il faut faire attention au volet économique car il a des conséquences sur la sécurité », a-t-il ajouté. « La fragilité de la jeunesse, le chômage ça crée des frustrations ».