Instituée sous le règne du défunt président, Abdelaziz Bouteflika, la Journée nationale de la presse est célébrée, comme souvent depuis quelques années, avec faste par les autorités.
Journées d’études, commentaires élogieux de la presse publique sur les « acquis » et les « avancées enregistrées dans le domaine de la liberté de la presse » grâce aux orientations du chef de l’État et autres activités essentiellement officielles ont marqué cette journée à laquelle un prix du président de la République a été dédié.
« Les médias nationaux ont réalisé de grandes avancées, dans le cadre de la mise en œuvre des réformes initiées par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune en vue de consacrer la liberté d’expression et de la presse sur la base d’une approche globale reposant sur des réformes législatives et règlementaires traduites par des textes juridiques visant à structurer un système d’information professionnel et responsable assumant pleinement son rôle dans la transmission d’une information complète, exacte et objective au citoyen », a commenté l’agence officielle, APS.
Pour ce canal officiel, dont certains papiers tordent le cou aux règles élémentaires de l’éthique et de la déontologie, comme ces attaques au vitriol contre la chaine France 24, « entre autres principaux rôles que les médias nationaux sont appelés à assumer avec un haut sens de professionnalisme, il y a lieu de citer l’accompagnement des efforts de développement dans divers secteurs, les réformes globales dans le pays, en mettant en lumière les réalisations et les acquis réalisés, ainsi que la nécessité de lutter contre les fakes news et les tentatives visant à porter atteinte à la stabilité et à l’unité du pays ».
En décodé, toute critique ou traitement d’un sujet qui incommodent les autorités sont assimilées à des « atteintes à la stabilité du pays ».
Une presse entourée d’arsenal juridique
Présenté comme instrument visant le renforcement de la liberté de la presse et d’expression, l’arsenal juridique adopté ces dernières années confine pourtant les médias à de simples relais du discours officiel.
Le constat est non seulement celui des professionnels, mais aussi des spécialistes, ceux-là mêmes dont la parole n’est pas…autorisée. Outre la difficulté d’accès aux sources d’information, l’absence de moyens et de justice libre et le maintien du monopole sur la publicité publique, levier de pression par excellence des autorités, ne sont pas de nature à produire une information et un journalisme de qualité.
Signe de cette situation chaotique : le maintien en prison d’un journaliste professionnel, en l’occurrence Ihsane El Kadi, aujourd’hui à sa 668e journée, dont les médias ont été fermés et dont le tort est d’avoir exercé librement son métier.
Aucun média n’a évoqué son sort, ni aucune action de solidarité à son égard n’a été initiée par ses confrères. C’est dire l’état de déliquescence dans laquelle se retrouve la corporation. Domestiquée, prisonnière de la rente dont dépend sa survie et divisée, la corporation peine non seulement à s’organiser, mais aussi à mener le combat pour son émancipation.
Mais au-delà de ce constat et de cette régression inquiétante, il faut bien se rendre à l’évidence : il ne peut y avoir, à vrai dire, de presse ni de liberté d’expression sans un climat de liberté. Toutes les libertés. Autant dire qu’il s’agit, en définitive, d’un combat de toute la société. « L’information n’est pas un privilège du journaliste, mais un droit du citoyen », selon la formule consacrée.