Les déclarations du général libyen à la retraite au quotidien italien Corriere della Sera risquent de compliquer la mise en œuvre de l’initiative algérienne de dialogue inclusif inter-libyen.
Dans une interview accordée le 28 novembre 2014 au quotidien italien Corriere della Sera, le général libyen à la retraite Khalifa Haftar assure que l’Algérie fait partie des pays qui lui ont fourni des armes et des munitions dans sa lutte contre les milices armés et les groupes fondamentalistes en Libye. « L’Algérie, l’Egypte, les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite nous ont envoyé des armes et des munitions mais d’une vieille technologie », a-t-il déclaré au journal italien.
A la question: « Attendez-vous un soutien en armes tel que celui accordé aux Kurdes pour combattre l’Etat Islamique en Iraq et au Levant (Daech, NDLR) », le général libyen de 71 ans, qui mène depuis le 16 mai dernier, l’Opération « El Karama »(dignité)contre les milices djihadistes, a répondu : « Vous n’avez pas besoin que je vienne vous dire : s’il vous plaît aidez-moi. C’est à vous de comprendre qu’il faudrait aider le général Haftar.» Et d’ajouter : « Nous ne demandons pas que vous nous envoyiez des troupes au sol ou des bombardiers. Si nous avons les équipements militaires adéquats, nous nous débrouillerons. »
Khalifa Haftar affirme aussi, dans cette interview, qu’il ne jouit pas de l’appui des Etats-Unis: « Les Etats Unis ne m’appuient pas. Quand j’ai entendu parler l’ambassadrice américaine en Libye, Madame Deborah Jones, j’avais l’impression qu’elle était plutôt en train de soutenir les Frères musulmans. Les Etats-Unis sont en train en jouer un jeu ambigu et double, tout comme les Européens. »
Des tribus libyennes ont assuré aux médias qu’elles acceptaient de participer au dialogue inclusif inter-libyen, auquel a appelé l’Algérie au mois de septembre dernier. La question se pose aujourd’hui si elles continueront à soutenir cette initiative ou si, au contraire, une solution politique à la crise libyenne se compliquera davantage.
Khalifa Haftar certain du succès de l’opération « El Karama »
Insistant sur l’importance de l’aider, le général le plus détesté des islamistes en Libye défend son action : « La véritable menace provient des fondamentalistes qui cherchent à imposer leur volonté partout. Tripoli a confiance en eux, et les habitants de Benghazi les laissent nous combattre. La ville de Derna s’est proclamée califat. S’ils arrivent à prendre le pouvoir ici, la menace viendra jusqu’à vos maisons. » Et d’interroger son intervieweur : « Le monde voit nos soldats décapités, des voitures piégées chaque jour, la torture aveugle des civils. Pouvez-vous accepter cela? »
Le général Khalifa Haftar, qui a passé 20 ans de sa vie aux Etats Unis, affiche tout de même, dans cette interview, sa confiance en la possibilité d’éliminer ces « menaces terroristes » dans de courts délais : « Je me suis donné trois mois pour achever l’opération El Karama, mais peut-être que ça prendra moins de temps », a-t-il estimé, en expliquant : « Les islamistes de l’Aube de la Libye ne sont pas vraiment difficiles à combattre, ni l’ISIS (Etat islamique, Daech, NDLR), qui sème la terreur à Derna. »
Pour ce militaire, qui a soutenu le colonel Kadhafi dans sa prise de pouvoir en 1969 avant de s’opposer à lui, la priorité est donnée actuellement à Benghazi, où « le groupe Ansar al Charia, bien formé, exige plus d’engagement ». Selon lui, l’armée libyenne contrôle 80% de la ville. « J’espère bien libérer toute la ville de Benghazi d’ici 15 décembre », a-t-il déclaré. S’agissant de la bataille de Tripoli, qui a débuté l’été dernier, il a indiqué qu’il se battait au côté du Premier ministre Abdullah Al Thani.