L’Afrique, le Maghreb et les flux migratoires (contribution) - Maghreb Emergent

L’Afrique, le Maghreb et les flux migratoires (contribution)

Facebook
Twitter

Il s’agira de poser les véritables problèmes, concernant les flux migratoires venant d’Afrique,  pour  avoir de véritables solutions loin de la démagogie et de la surenchère car  le sujet  est  complexe, la responsabilité étant partagée  entre les dirigeants européens et africains.

 1.-Un aperçu sur les économies africaines

L’Afrique couvre 30,353 millions de km2.  De 100 millions d’habitants en 1900, la population de l’Afrique est passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à 1,2 milliard en 2016. Selon les projections démographiques, dans les années 2050 la population de l’Afrique se situera entre 2 et 3 milliards puis quatre (4) milliards en 2100. Mais sept pays regroupent plus de 50 % de la population.  Ainsi, le Nigeria pour 2016 a une population de 187 millions, l’Ethiopie 102, l’Egypte 94, la République démocratique du Congo 80, la Tanzanie 55, le Kenya 47, l’Algérie 41, le Maroc 40, le Ghana 28, la Côte d’Ivoire,  le Mozambique,  l’Angola, le Cameron entre 23/25, le Niger 20 et le Mali 18 millions d’habitants ; pour les autres pays du Maghreb, la Tunisie 11,3 et la Libye environ 6,3 millions d’habitants.

Cependant, il existe non pas une Afrique mais des Afriques. Sur la base de la revue du World Economic Outlook des économies les plus prospères du monde réalisée d’après des données publiées par le Fonds Monétaire International, Nextafrique.com identifie le top 10 africain qui domine aujourd’hui la croissance des affaires, en termes de PIB (produit intérieur brut) sont dans l’ordre : L’Ethiopie : 48,1 milliards de dollars, la Libye (PIB indéterminé), dépendant presque entièrement du secteur pétrolier, malgré l’agitation politique et les chutes subséquentes du PIB, les revenus pétroliers du pays assurent encore à la Libye une place dans le top 10 du continent. Le Kenya : 55,2 milliards de dollars, le  Soudan : 70,1 milliard de dollars, le  Maroc : 105,1 milliards de dollars, l’Angola : 121,7 milliards de dollars, l’Algérie : 211,9 milliards de dollars, l’Égypte : 271,4 milliards de dollars, l’Afrique du Sud : 350,8 milliards de dollars, le Nigéria : 580,5 milliards de dollars.

Certains pays notamment le Nigeria, le Gabon, le Tchad, la République démocratique du Congo, l’Algérie, la Libye sont spécialisés dans le pétrole, le gaz et les matières premières, qui connaissent une forte demande et un prix élevé sur le marché mondial leur permettant une relative aisance financière mais artificielle en fonction des cours mondiaux et donc de la croissance de l’économie mondiale notamment des pays développés et émergents. A l’inverse, des pays comme le Bénin, le Malawi, l’Ile Maurice, le Swaziland, l’Ethiopie, le Togo, le Mali, qui sont pénalisés dans des produits qui connaissent souvent une détérioration en termes d’échange.

Des conflits internes et externes, la corruption d’une caste  et  le budget des dépenses militaires en Afrique qui dépasse l’entendement humain au détriment de l’allocation des ressources à des fins de développement,  accentuent la misère et  la famine. Malgré cette diversité et ses importantes potentialités, l’Afrique est marginalisée au sein de l’économie mondiale mais existe un avenir promoteur comme l’atteste la majorité des rapports internationaux. Selon l’IRES de Paris, l’Afrique représente seulement 1,5% du PIB mondial, 2% du commerce mondial et 2% à 3% des investissements directs étrangers.  L’Afrique est le continent dont le taux d’échange intra-communautaire est le plus bas. En effet, alors que le volume des échanges intra-asiatiques et intra-européens se situent respectivement aux alentours de 52% et de 72%, celui des échanges inter africains peine à franchir la barre des 12/15% selon  la Banque mondiale  et  la commission des Nations Unies pour l’Afrique, les échanges intermaghrébins représentant également moins de 3%.  Les raisons sont multiples : le manque de cohérence des politiques en Afrique renvoyant à la gouvernance,  dont celles  des politiques commerciales, industrielles ou agricoles qui doivent pouvoir réaliser l’objectif de faire du commerce intra-communautaire et de l’intégration de véritables leviers du développement. Par ailleurs, le manque de capitaux, d’infrastructures, des taxes douanières qui coûtent très cher, tous ces problèmes de logistiques associés au manque de compétence des ressources humaines constituent un sérieux frein à la fluidité des échanges (1).

L’Afrique voit s’échapper chaque année 192 milliards de dollars causés par des flux illicites contre seulement 30 à 40 milliards d’aide au développement, a révélé le 30 novembre 2016 à Dakar, Amath Soumare, président fondateur de Sopel International et président du Centre africain de la Nouvelle économie, CANE Executive.  Ainsi, les dirigeants africains portent une lourde responsabilité devant leur population et doivent favoriser l’Etat de droit,  la lutte contre la corruption et les mentalités tribales, la protection des droits de l’Homme et s’engager résolument dans la réforme globale, donc la démocratisation de leur société tenant compte de l’anthropologie culturelle évitant de plaquer des schémas déconnectés des réalités sociales. Le développement de l’Afrique sera profitable à l’ensemble des autres espaces économiques évitant cette migration clandestine avec des milliers de morts. Dans le cas contraire, il est à craindre des crises politiques à répétition. Bon nombre de citoyens africains traversent une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership avec le danger d’une polarisation de la société. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand. L’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, d’éducation, de santé et de mobilité sociale. Je mets en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage.

2.- L’Afrique, le Maghreb et les flux migratoires

Nous sommes à l’ère de la mondialisation où les flux migratoires sont une   réalité concrète.   Les migrations se sont globalisées, les mêmes causes, urbanisation et métropolisation du monde, pression démographique, chômage, information, et transnationalisation des réseaux migratoires. Les catégories de migrants et de pays sont devenues plus complexes, la mondialisation des migrations s’accompagnant  d’une régionalisation des flux migratoires. A l’échelle mondiale, les migrations s’organisent géographiquement  où des complémentarités se construisent entre zones de départ et d’accueil. Celles-ci correspondent à des proximités géographiques, à des liens historiques, linguistiques et culturels, à des réseaux transnationaux construits par les migrants, et des passeurs  ( forme d’esclavage) qui forment un espace formel ou informel de circulation, accompagné ou non de facilités institutionnelles de passage.

Les migrations  ont plus que triplé depuis le milieu des années 1970 : 77 millions en 1975, 120 millions en 1999, 150 millions au début des années 2000, près de 300 millions en 2017. En 2016, l’immigration de du  continent Afrique de 1,2 milliard d’habitants qui abritera 2,5 milliards de personnes, soit un quart de la population mondiale, en 2050,  a dépassé  les arrivées syriennes, afghanes et irakiennes en Europe.  Selon une communication de Frontex,cié par le quotidien lemonde.fr l’agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes, du 6 janvier 2017, 93 % de ceux qui ont débarqué en Italie  , venaient de ce continent .

L’agence chargée des frontières extérieures de l’Europe estime même que « cette évolution reflète la pression migratoire croissante du continent africain, et plus particulièrement de l’Afrique occidentale, responsable de la majeure partie de la croissance des arrivées par cette route en 2016 ». L’immigration africaine est mixte, composée de réfugiés éligibles au droit d’asile (Erythréens, Soudanais, Ethiopiens), mais aussi de migrants économiques, notamment originaires de l’Afrique de l’Ouest.   Principale communauté arrivé en Italie, les Nigérians ont constitué 21 % des entrants, suivis par les Erythréens (11,7 %), les Guinéens (7,2 %) et les Ivoiriens (6,7 %). Cela traduit  les facteurs de la mobilité pour différentes raisons: écarts entre les niveaux de développement humain, crises politiques et environnementales, productrices de réfugiés et de déplacés, baisse du coût des transports, généralisation de la délivrance des passeports, rôle des media, prise de conscience que l’on peut changer le cours de sa vie par la migration internationale.

Le  réchauffement climatique,  dont la  responsabilité en incombe aux pays riches et certains pays émergents,  qui frappera de plein fouet l’Afrique 2025/2030/82040 accentuera cet exode.  Ces différents facteurs accentuent la bipolarisation  entre  trois  mondes,  les pays riches, les pays émergents, et les pays pauvres   poussant  ces derniers  à l’exode et comme on le constate journellement  au suicide collectif (des milliers de morts en mer). Aussi,  dirigeants du Nord et du Sud  en sont en grande partie responsable.  Face à cette situation, les dirigeants africains  doivent avoir une autre vision de la politique de l’immigration. L’accord entre l’UE et la Turquie, signé en mars 2016 et par lequel Ankara s’engage, moyennant finances à contrôler l’émigration vers l’Europe, est une  explication à ce que bon nombre d’africains décident de s’installer définitivement aux pays limitrophes dont les pays du Maghreb dont l’Algérie et le Maroc. Aujourd’hui, les Africains du sud du Sahara représentent à peine 10 % des migrants de la planète, et la plupart de ces « déplacés » sont juste passés dans un pays voisin du leur. Selon l’OIM, en 2015, je cite le rapport : «  sur les 32 millions qui ont pris la route, la moitié d’entre eux ont posé leur sac sur leur continent ».

Situation nouvelle,   ces migrants  africains qui ne pas venus  de leur plein degré mais ont fui la misère, et la guerre, ne sont plus de passage mais s’installent  définitivement au niveau des régions du Maghreb  régis par  des accords internationaux. Cette situation nouvelle appelle donc des solutions nouvelles, loin d’une vision xénophobe, raciste, comportement étranger à la nature de la population algérienne.

Il  s‘agit d’adapter   la législation. Mais surtout  pour les pays du Maghreb   de coordonner les actions avec  l’Europe, avec les pays riverains, les dirigeants africains concernés, pour le rapatriement, sans dévaloriser la personne humaine et d’établir pour certains des cartes de séjour transitoire  pour une émigration  choisie dont a besoin le Maghreb  dans  l’agriculture, le tourisme, le BTPH ect… pour éviter l’assistance dévalorisante. La position de tous les pays du Maghreb   a été une position constante vis à vis  de l’Afrique, son espace économique naturel.  C’est un procès d’intention de vouloir, comme on le constate actuellement à travers la majorité des médias internationaux  de la dénaturer car les efforts contre les flux migratoires doivent être mutualisées, les pays du Maghreb  ne pouvant supporter à eux  seuls le poids financier.

En conclusion, paradoxe : l’Afrique  est un continent riche à fortes potentialités mais côtoyant une misère croissante.  Cependant, évitons la sinistrose, malgré des conflits, nous enregistrons récemment une prise de conscience des citoyens africains et de certains dirigeants de l’urgence d’une nouvelle gouvernance et l’urgence de la valorisation de l’économie de la connaissance. Pourtant, l’Afrique est un grand enjeu géostratégique. Les différentes rencontres avec les grands pays sur l’avenir de l’Afrique montrent surtout la rivalité du couple Etats-Unis/Europe – Chine pour le contrôle économique de ce continent vital.

L’erreur fatale serait d’opposer en ce XXIe siècle les Etats-Unis et l’Europe qui ont le même objectif stratégique, bien qu’existant certaines rivalités tactiques de court terme, la stratégie des firmes transnationales tendant à atténuer les divergences et uniformiser les relations internationales. Ainsi, l’Afrique, pour peu que les dirigeants dépassent leurs visions étroites d’une autre époque, a toutes les potentialités pour devenir un grand continent avec une influence économique dans la mesure où en ce XXIe siècle l’ère des micro-Etats est révolue et que la puissance militaire est déterminée par la puissance économique.

Pour cela, des stratégies d’adaptation au nouveau monde sont nécessaires pour l’Afrique, étant multiples, nationales, régionales ou globales, mettant en compétition/confrontation des acteurs de dimensions et de puissances différentes et inégales. Face aux bouleversements géostratégiques, l’Afrique est appelée à se déterminer par rapport à des questions cruciales et de relever des défis dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu’elle a eu à relever jusqu’à présent. Mais avant tout, l’Afrique sera ce que les Africains voudront qu’elle soit.
L’Afrique, enjeu du XXIe siècle, continent à fortes potentialités doit impérativement aller vers des sous intégrations régionales  et  revoir sa gouvernance.

Facebook
Twitter