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L’Aïd du Machrek au Maghreb sur fond de guerre, de terrorisme et de montée des sectarismes

Par Yacine Temlali
juillet 28, 2014
L’Aïd du Machrek au Maghreb sur fond de guerre, de terrorisme et de montée des sectarismes

Cet article du Huffington Post Algérie fait le point sur l’état de plus en plus délabré du monde arabe, qui, dans certains pays comme l’Irak et la Libye, a atteint un niveau menaçant de l’Etat de disparition.

 

 

Du Machrek au Maghreb, le monde arabe marque l’Aïd El Fitr dans un contexte de divisions entre les Etats qui alimentent une montée sans précédent du sectarisme religieux sur fond de guerre civile.

Symptomatique de ce « monde arabe » en lambeaux, la voix de la Ligue arabe a été totalement inaudible alors que Gaza est écrasé sous les bombes israéliennes.

C’est l’Aïd dans la plupart des pays arabes et musulmans, ce n’est pas la fête à Gaza. On y enterre les corps que l’on sort des décombres durant les trêves précaires et susceptibles d’être rompues à tout moment.

Comme durant les 21 autres jours de raids, de pilonnage et de bombardements qui ont dévasté Gaza et tué un grand nombre de civils, le Dr Achraf Al-Quodra, a continué à mettre à jour les noms et le nombre des victimes.

Dernier post sur Facebook : le citoyen Imad Jamil Al-Abd, 44 ans, vient de mourir des suites des blessures subies le 11/07/2014.

« Dernier bilan de l’agression sioniste aux premières heures de l’Aïd, jour du sacrifice, du courage, de la patience et des brises des martyrs : 1.034 martyrs, 6233 blessés. »

Les Palestiniens de Cisjordanie sont à l’unisson avec Gaza. L’Autorité Palestinienne, après avoir semblé critiquer le Hamas, a fini par s’aligner derrière les exigences des factions combattantes à Gaza qui réclament la levée du blocus.

Si dans les opinions arabes, les cœurs battent pour Gaza, les Etats ont leurs calculs propres. L’Egypte du maréchal Sissi en a été l’illustration dans cette crise. Alors que les médias égyptiens menaient – et mènent encore – une campagne contre Hamas qui ne s’embarrasse d’aucune nuance, le Caire, sans consulter le Hamas, a fait une proposition de cessez-le-feu qui ignore toutes les demandes palestiniennes.

Rejetée par le Hamas qui en a pris « connaissance dans les médias », la proposition égyptienne est devenue « l’argument » d’Israël pour poursuivre sa guerre et en élargir l’étendue.

L’Egypte de Sissi qui a maintenu fermé le passage de Rafah – ou en l’ouvrant très chichement – et après avoir détruit l’essentiel des tunnels qui servaient à approvisionner Gaza, a étendu sa guerre contre les Frères Musulmans au Hamas.

L’Egypte a perdu son statut de « médiateur », Israël continuant, systématiquement, de dire que seule la proposition de cessez-le-feu du Caire était sur la table.

Le Qatar et la Turquie, invités à la rencontre de Paris sur Gaza, sont devenus de facto les pays qui relaient les demandes des Palestiniens de Gaza.

Illustration caricaturale de la situation arabe, l’état d’absence de la Ligue arabe dans cette crise. La Ligue arabe, même passée sous la coupe des monarchies du Golfe, incarne parfaitement les divisions arabes qui la rendent inopérante et inutile. Et qui pousse des hommes aussi pondérés que l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed-Taleb Ibrahimi, à prôner sa dissolution.

 

Guerres civiles, sectarisme et « califat »

 

En Syrie, l’aveuglement initial du régime, qui a répondu par la répression à des demandes démocratiques des populations dans le contexte du « printemps arabe », a peu à peu transformé la contestation en guerre civile.

L’incapacité des opposants et du régime à aller vers un dialogue politique, sur fond d’implications de puissances étrangères, met le pays dans un état de guerre totale. La Syrie devient une nouvelle destination du « djihad ».

L’opposition laïque et même islamistes « modérée » est débordée par la montée de l’EIIL (Da3ech) qui s’installe dans un radicalisme salafiste encore plus prononcé que celui d’Al-Qaïda dont il s’émancipe et devient un concurrent.

La politique sectaire menée en Irak par le gouvernement d’Al-Maliki va permettre à ce groupe ultra-radical de rallier les sunnites irakiens et de se tailler un espace large entre la Syrie et l’Irak où il a proclamé l’Etat islamique et le califat.

Avec des pratiques hideuses de persécution contre les autres communautés religieuses à l’instar des chrétiens de Mossoul à qui le « califat » n’a laissé de choix qu’entre se convertir à l’islam et quitter leurs maisons.

Le sectarisme, alimenté aussi bien par le gouvernement de Bagdad que par les monarchies arabes qui ont mobilisé des moyens considérables pour contrer ce qu’ils appellent la « poussée chiite », morcèle déjà l’Irak en trois parties.

L’Etat irakien détruit par l’intervention américaine en 2003 n’a jamais pu être reconstruit sérieusement ; le processus politique mis en place a, au contraire, poussé les polarisations sectaires à l’incandescence.

Les Kurdes sont pratiquement indépendants et ont profité de l’offensive de De3ech pour mettre la main sur Kirkuk. Tous les ingrédients d’une guerre civile multidimensionnelle.

 

Maghreb, la Libye de mal en pis

 

Au Maghreb, c’est la situation en Libye qui suscite le plus d’appréhensions. La « révolution » soutenue par les Occidentaux a entraîné l’effondrement de l’Etat de Kadhafi mais ce pays ne s’est pas transformée en démocratie.

La chute de Kadhafi et du peu d’Etat en Libye a entraîné l’ouverture des arsenaux pour de nombreux groupes armés pour faire leur « shopping » de guerre. Le Sahel, notamment le Mali, en a subi le premier l’impact.

Mais les dirigeants post-Kadhafi se sont avérés incapables de reconstruire un Etat alors que les milices s’enracinent sur des bases tribales, idéologiques et aussi – et surtout – de business dans un pays riche pétrole et en gaz.

L’Aïd en Libye se déroule dans les violences qui poussent les Occidentaux à évacuer leurs ressortissants. Une centaine de personnes ont été tuées au cours des derniers jours dans les affrontements autour de l’aéroport de Tripoli et à Benghazi.

La Libye sombre dans l’anomie. Elle est devenue une menace pour les pays voisins et notamment la Tunisie, où un maquis, alimenté par les armes venant de Libye et une « expertise  » donnée par Aqmi, tente de s’incruster. Elle est devenue aussi une menace pour l’Egypte de Sissi, en guerre contre les islamistes.

Les pays voisins, réunis à Hammamet, en Tunisie, le 14 juillet dernier, ont décidé de mettre en place deux commissions – l’une militaire et l’autre politique – qui devront soumettre des rapports à examiner lors d’une rencontre prévue pour la première quinzaine d’août. Mais leur marge paraît bien étroite pour apporter une solution à une Libye malade et qui diffuse sa maladie dans la région.

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