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Idées

L’Algérie entre aujourd’hui et le « choc haussier » de Mourad Preure en 2020 (contribution)

Par Yacine Temlali
septembre 23, 2016
L’Algérie entre aujourd’hui et le « choc haussier » de Mourad Preure en 2020 (contribution)

La rentrée de 2016 estune survivance de l’illusion d’une fin imminente du contre-choc pétrolier. Une table prospective d’experts économiques, organisée il y a juste une année par le CNES de Mohamed Seghir Babes, pensait avoir définitivement tordu le cou au scénario de la reprise salvatrice des cours du brut. Mourad Preure était déjà à cette occasion l’analyste en titre de la résilience prochaine*.

 

 

La rentrée sociale de l’automne 2016 porte, pour le gouvernement algérien, les trois mêmes angoisses que celle de 2015. En plus aiguë. Comment faire ressortir le pétrole de la trappe du faible prix dans laquelle il est en train de s’installer ? Comment faire accepter une seconde vague de mesures d’austérité pour 2017 qui va altérer l’air que l’on respire ? Comment faire de la croissance hors dépenses budgétaires et avec une balance devises équilibrée ?

Abdelmalek Sellal n’a de réponse à aucune de ces trois questions. Il est toujours là. Marquant début septembre ces quatre années à la tête du gouvernement en prenant un pari peu sérieux. Celui de maintenir les réserves de change de l’Algérie au-dessus des 100 milliards de dollars en 2018.  Angoisses grandissantes donc. D’abord les revenus extérieurs. Ils resteront très faibles en 2017. Sans doute quelque part entre les 35 milliards de dollars de 2015 et le solde, redouté, de moins de 25 milliards de dollars en 2016.

A comparer avec les 63 Mds de dollars de 2013 de recettes de Sonatrach ou encore les 59 milliards de dollars de 2014, année du début du contre-choc. Le ministre de l’Energie, Nourredine Bouterfa, a raison de se déployer pour exorciser ce mauvais sort. «Le prix du pétrole à 50 dollars est inacceptable», a-t-il déclaré dans la torpeur de la fin de l’été. Oui mais, nous allons continuer à vivre dans un monde de surproduction durant les 18 prochains mois.

L’AIE vient de le confirmer dans sa dernière prévision il y a 15 jours. Pour qu’il en soit autrement, il faudrait non pas geler la production des grands pays producteurs, mais couper de 1,5 mbj. La moitié de cette baisse pour revenir à l’équilibre, l’autre moitié pour entamer le déstockage des surplus. Ce scénario ne se produira pas à Alger la semaine prochaine en marge du Forum mondial de l’énergie. Ni aux prochaines réunions de l’OPEP au dernier trimestre 2016.  Il vaut mieux donc rester sur la prévision d’un prix toujours déprimé sur les 18 prochains mois.

La rentrée de 2016 est donc, un an plus tard, une montée en gradation dans la peur du pire.  Elle est aussi en même temps une survivance de l’illusion d’une fin imminente du contre-choc pétrolier. Une table prospective d’experts économiques, organisée il y a juste une année par le CNES de Mohamed Seghir Babes, pensait avoir définitivement tordu le cou au scénario de la reprise salvatrice des cours du brut. Mourad Preure était déjà à cette occasion l’analyste en titre de la résilience prochaine.

Le pugnace expert en stratégie industrielle et énergétique ne délire pas. Deux chutes successives, de plus de 20% à chaque fois, des investissements, en 2015 et en 2016, dans l’amont pétrolier doivent provoquer un choc de la rareté de l’offre de brut au bout du cycle. La date de ce choc qui ferait remonter les prix a glissé depuis la table ronde de Djenane El Mithak. 2018, 2019, maintenant 2020.

Presque secondaire. Le raisonnement se tient. Il faut juste résister, une année ou deux de plus. A la décharge de Mourad Preure, il prend bien le soin d’appeler à la diversification de l’offre industrielle algérienne en dépit de ce retour annoncé des beaux jours sur le marché pétrolier. Sauf que pour une grande partie des experts, en particulier Ali Hached, un des hommes forts du secteur depuis trente ans, il n’existe rien dans les indicateurs actuels qui prépare à un choc haussier. Ni en 2020 ni au-delà. Plusieurs raisons.

La plus lourde dans le moyen terme est que le prix de 50 dollars le baril, dénoncé par Nourredine Bouterfa, est le prix d’équilibre visé clairement par l’Arabie Saoudite. Son nouveau ministre de l’Energie, Khaled Al Falah, est un partisan actif de la sortie du «tout pétrole» de son pays, au cœur du plan «vision 2030» qui vise à réduire spectaculairement la dépendance du budget saoudien aux exportations de pétrole. Le désinvestissement dans l’amont pétrolier qui fonde les espoirs d’un «choc haussier» chez Mourad Preure serait en vérité une erreur de parallaxe renversée.

L’observateur n’a pas bougé mais la chose observée bouge. La baisse de production induite par les prix bas du pétrole depuis deux ans est déjà compensée. Par qui ? Par l’Arabie Saoudite bien sûr (record de production au premier semestre 2016), mais aussi par plusieurs autres gros producteurs Opep et non-Opep. Et cela promet de se poursuivre durablement. Les producteurs aux coûts élevés laissant à nouveau la place à ceux aux coûts bas. Dans une bulle mobile de l’offre.  Ce qui pourrait faire sortir le pétrole de cette trappe serait plutôt un choc de la demande à la hausse. Là aussi, la prévision touche malheureusement «le choc haussier».

La transition énergétique engagée dans les grands bassins consommateurs annule cette prospective sur le moyen et long termes. Les pays émergents, eux, ont cessé ou presque de prendre le relais de la demande. Leur modèle aussi change. L’Arabie Saoudite veille à ce que le prix du baril ne remonte pas plus que le prix de l’équilibre souhaité. Le prix qui élimine les producteurs les plus vulnérables sans affecter gravement ceux qui, comme elle, peuvent compenser la perte de valeur par de la reconquête de parts de marché. La trappe des 50 dollars s’est installée.

Cette chronique hebdomadaire en est à sa 12e année. Elle s’était promis de démarrer sur une note d’espoir pour l’année sociale qui nous attend. C’est un peu raté. Comment corriger le tir sur les quelques lignes qui restent ? En affirmant une évidence. Le redressement du cours du brut n’est pas au bout des incantations, courageuses mais désespérées, de Nourredine Bouterfa.  Pas entre les mains de l’Algérie. Le rééquilibrage de son budget et de son solde extérieur, eux le sont, dans la durée des trois ans.

Ce sont les autres angoisses du gouvernement. Les vraies. Deux années ont été perdues. Le Premier ministre continue de distiller de la confusion. Le moment de vérité est arrivé avec le projet de loi de finances et les arbitrages pour 2017. Les Algériens n’ont pas peur de l’austérité autant qu’ils redoutent le mensonge et la traîtrise, sur le mode «après moi le déluge».

Ils l’ont montré en 2016 en absorbant les premières hausses des prix du carburant et de l’énergie, sans brûler les villes et les campagnes comme promis par de nombreux partisans du statu quo. Cette fois, il faudra aller plus loin. Dans la douleur. Il manquera alors un projet qui donne du sens au sacrifice, et qui met de la  lumière sur l’avenir. Ce projet existe. Il n’est pas au gouvernement. Pas à la Présidence. Mais il est en Algérie et dans sa diaspora. Et c’est le plus beau motif d’espoir.

 

(*) Cette chronique a été publiée dans El Watan, édition du 19 septembre 2016.

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