C’est un constat de carence que vient de délivrer le puissant réseau européen d’action pour le climat (Climate Action Network Europe) à l’égard de la gouvernance algérienne dans le domaine de la protection de l’environnement.
Cette ONG classe le pays dans la zone rouge avec une peu glorieuse 49ème position sur 61 pays examinés. Selon les spécialistes que nous avons consulté, il s’agit d’un véritable camouflet pour l’ensemble de la politique environnementale de l’Algérie car le document précise que l’indice de performance du changement climatique (IPCC) qui sert d’indicateur dans ce classement ne mesure pas simplement les émissions de gaz à effet de serre mais prend en compte un large éventail de facteurs . Il se base notamment sur « le taux d’émissions de gaz à effet de serre, l’évolution de ce taux, la part des énergies renouvelables et son évolution, l’efficacité énergétique et surtout les politiques publiques en matière de climat »soulignent nos sources . A ce titre la Chine, les Etats Unis ou la Grande Bretagne (2ème) qui sont pourtant de gros émetteurs se classent largement avant nous grâce à l’amorce du découplage des émissions de CO2 avec la croissance de leur PIB et de lourds investissements réalisés dans les énergies renouvelables. Le Maroc (15ème) et l’Egypte (26ème), beaucoup mieux classés que l’Algérie, gagnent des places depuis la mise en œuvre de cet indice en 2005 du fait de leurs actions en matière d’efficacité énergétique, du traitement des déchets y compris dans l’agriculture et de plans d’investissement dans le renouvelable peut –on lire dans l’explication des bonnes performances de ces pays.
Un leadership africain compromis
Selon un expert dans les questions du développement durable exerçant au sein d’un ministère algérien , à travers les résultats de l’indice IPCC 2014, c’est l’évaluation des politiques publiques des pays respectifs dans ce domaine qui est sanctionnée. Pour lui « lorsqu’on subventionne tout azimut les énergies fossiles comme le gaz et les carburants polluants comme l’essence ou le gazole on n’encourage pas uniquement le gaspillage de ressources non renouvelables et la concentration des émissions polluantes mais on bloque du même coup toute initiative d’investissement dans le domaine du renouvelable ». Le plan gouvernemental qui « fixe comme objectif 40% d’électricité propre (solaire, éolien) en 2030 bat de l’aile. Les retards compromettent d’ores et déjà les délais fixés sans parler des objectifs affichés et très loin d’être réalisés dans le GPL (50 000 véhicules à équiper avant 2014) ou encore l’efficacité énergétique qui semble n’intéresser personne dans un contexte fortement marqué par une énergie bon marché ».
Si on ajoute à ces performances déjà médiocres, une gestion des déchets urbains où le tri est l’exception avec comme conséquence la mise en décharge de plus des 90% des collectes, une déforestation alarmante et le projet de l’exploitation des huile de schistes on arrive à un tableau qu’il est difficile de noter autrement, ajoute notre interlocuteur . Pour lui ce récent classement apparait comme un démenti infligé aux prétentions de l’Algérie pour le leadership africain ou du groupe des 77 dans le cadre des négociations internationales sur le climat.
Vers un ministère de l’Ecologie
Pour un autre cadre qui a été membre de la délégation algérienne à la conférence de Copenhague et qui est devenu, depuis, consultant sur les questions climatiques, l’activisme sur le plan international ou la multiplication de séminaires et de conférences sur l’économie verte et le climat ne peuvent pas compenser l’absence de cap et la fixation d’objectifs mesurables dans le cadre d’une politique climatique cohérente. « Tant que nous n’intégrons pas nos intérêts économiques en réorientant notre modèle de développement et de consommation dans un sens plus soutenable rien se fera, ajoute t-il d’autant plus que nous vivons dans une région aux multiples vulnérabilités climatiques ».
Sur un autre registre, selon une source proche du premier ministre Abdelmalek Sellal, le prochain remaniement du gouvernement doit toucher à l’organisation même de l’actuel ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement (MATE). Si l’intégration de l’Aménagement du territoire au secteur de l’Urbanisme et de l’Habitat serait acquise, deux options sont actuellement sur la table pour l’Environnement. Certains plaident pour le retour au ministère de l’Intérieur et des collectivités locales. D’autres, pour des raisons d’image internationale, militent en faveur de la création d’un ministère dédié uniquement à l’Ecologie. D’aucuns estiment que si cela permet de recentrer les activités de ce secteur sur le développement durable ce serait peut être une bonne option. Mais attendons pour voir.