L’Algérie dont 98 % des recettes en devises proviennent directement et indirectement, des hydrocarbures et de leurs dérivées, doit avoir une vision claire de la transition tant économique qu’énergétique.
Les travaux du comité de haut niveau, lors de la dernière réunion à Vienne de décembre 2016 a permis d’aplanir les tensions, notamment entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, aux pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et certains pays non OPEP de parvenir à un accord de réduction et ce, pour la première fois depuis 2008, de 1,8 millions de barils/jour, 1,2 millions de barils pour l’OPEP et environ 600.000 barils pour les pays non OPEP, le plus grand effort étant supporté par l’Arabie Saoudite pour les pays OPEP et la Russie du côté des non OPEP.
Le cours du Brent le 30 octobre 2017 est coté à 60,35 dollars et à 54,01 pour le WIT et pour le gaz naturel de 2,75 dollars le MBTU en recul de 5,72% alors qu’il représente un tiers des recettes de Sonatrach. En moyenne annuelle, la hausse d’un dollar permet une recette pour Sonatrach variant selon le cours entre 500/600 millions de dollars. Si le cours moyen annuel pour 2017 s’établit à 56 dollars, la loi de finances étant établie sur la base d’un prix à 50 dollars, le bénéfice brut non déduit des charges, pour l’Algérie, tenant compte de la baisse de son quota décidée à Vienne, varierait entre 3 et 3,5 milliards de dollars. Évitons l’euphorie, la cotation de 55 à plus de 60 dollars pour le pétrole ( la banque mondiale dans son rapport d’octobre 2017 prévoyant un baril moyen de 56 dollars pour 2018) s’explique par plusieurs facteurs complémentaires: le respect, globalement, des accords de Vienne de réduction de la production, le fait que le monde entre dans l’hiver qui n’est pas rigoureux comme les années passées, les tensions en Irak, en Libye, Nigeria et les déclarations du président américain sur l’accord iranien, la baisse du cours du dollar passant de 1,20 dollar un euro à 1,15, faisant gagner au cours environ 1,5 à 2 dollars, une timide relance de la croissance de l’économie mondiale, des déclarations rassurantes du respect de l’accord de Vienne par deux grands producteur, la Russie et l’Arabie saoudite, la cession de 5% du géant pétrolier Aramco, courant 2018, par l’Arabie Saoudite espérant faire grimper l’action.
L’Algérie doit être attentive à la future stratégie énergétique mondiale en pleine mutation. Les pays développés, notamment l’Europe, principal client de l’Algérie, qui représente actuellement plus de 40% du PIB mondial pour une population inférieure à un milliard d’habitants poussent à l’efficacité énergétique avec une prévision de réduction de 30% et s’orientent vers la transition énergétique afin de lutter contre le réchauffement climatique car si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA et l’Europe il faudrait cinq fois la planète actuelle.
Je rappelle que selon le rapport de l’ONU une sécheresse sans précédent frappera l’Afrique du Nord et l’Afrique sub-saharienne entre 2020/2025. Cette nouvelle stratégie énergétique mondiale est peu compatible avec un rebond important de la demande de pétrole entre 2020/2030. La Chine selon l’agence Reuters vient de faire savoir qu’elle réduira de 50% son parc de voitures fonctionnant au gasoil et à l’essence horizon 2020 et l’AIE annonce une réduction des coûts de plus de 50% des énergies renouvelables entre 2020/2025 avec une importante modification de la structuration énergétique mondiale (industrie- bâtiment- transport ).
La stratégie mondiale devrait reposer sur des efforts de limitation du recours aux énergies fossiles, charbon et pétrole en tête, le monde s’orientant vers un Mix énergétique, l’énergie de l’avenir à horizon 2030/2040 étant l’hydrogène où la recherche et développement connait un réel essor. Le rapport offre/ demande à court terme, la structuration de la croissance de l’économie mondiale et la nouvelle configuration énergétique mondiale qui se dessinent entre 2017/2030, avec de nouvelles énergies alternatives concurrentes, seront à l’avenir les déterminants tant du cours du pétrole que celui du gaz naturel.
Face à ces bouleversements, l’OPEP bien que représentant les plus grandes réserves mondiales, n’a plus le même impact sur le marché que dans les années 70. Avant de décider d’une réduction de la production de 1,2 millions barils/ jour, celle-ci représentait seulement 33% de la production mondiale commercialisée, les 67% restants se faisant hors OPEP. Un redressement des cours du baril à 55/60 dollars et plus sera fonction de la croissance de l’économie mondiale, sans préjuger du risque d’un accroissement de l’offre qui serait dû à la hausse de la production des pays non OPEP, notamment des USA dont les gisements marginaux deviennent rentables. Car, depuis la hausse du prix, il y a une entrée massive du pétrole et gaz de schiste américains dont les coûts de production ont baissé depuis trois années de 40 à 50% grâce aux nouvelles technologies étant rentables pour les grands gisements à 30 dollars, pour les gisements moyens à 40 dollars et pour les gisements marginaux entre 50/60 dollars.
Chef de file du cartel, l’Arabie Saoudite avait longtemps soutenu une politique de prix bas, espérant évincer les concurrents de l’OPEP, notamment les producteurs de pétrole de schiste américains. Mais la chute des cours avait fini par affecter son économie, l’incitant à changer de stratégie. Mais, en plus des stocks américains qui ont atteint un niveau record, d’une croissance de l’économie mondiale molle, notamment de la Chine, qui tire la demande, un prix supérieur à 60 dollars rendrait les gisements marginaux américains rentables, accroissant l’offre pouvant dès lors aboutir à un prix bas en raison de la surabondance de l’offre. D’où cette proposition de l’Arabie Saoudite d’avoir un prix d’équilibre qui tourne autour de 55/60 dollars le baril devant concilier les intérêts des producteurs et des consommateurs et surtout afin de faire face à la concurrence américaine. Devant éviter de raisonner en termes de modèle de consommation énergétique linéaire, nous devrions assister à une transition énergétique 2020/2030/2040, fondée sur l’efficacité énergétique, et d’autres sources d’ énergies dont les renouvelables qui devraient connaitre un grand essor selon le dernier rapport d’octobre 2017 de l’AIE avec des réductions des coûts prévues de plus de 60%. L’Algérie dont 98 % des recettes en devises proviennent directement et indirectement, des hydrocarbures et de leurs dérivées, doit avoir une vision claire de la transition tant économique qu’énergétique, selon ses avantages comparatifs, l’énergie étant au coeur du développement et de la sécurité nationale.