Sonatrach a commencé à revoir un à un les accords conclus avec les partenaires étrangers dans le domaine de production des fertilisants. Objectif :obtenir des prix plus rémunérateurs pour une matière première qui peut représenter jusqu’à 85% de la valeur du produit final.
La compagnie publique des hydrocarbures Sonatrach a signé la semaine dernière avec le Groupe omanais Suhail Bahwan un avenant à l’Accord d’Association régissant la Société conjointe Al-Djazaïria al-Omania LilAsmida (AOA).
Cet avenant à l’Accord d’Association porte sur la révision de certaines dispositions , « afin de rééquilibrer les intérêts économiques et opérationnels des deux parties », selon un communiqué de Sonatrach.
Les deux groupes « se sont félicités de cet accord qui donnera un nouvel élan à leur partenariat dans le domaine des fertilisants », selon le communiqué qui ne fournit pas de détails sur les modifications apportées à cet accord conclu en 2008 pour la réalisation d’un complexe industriel à Arzew (Oran) d’une capacité de production de 4 500 t/j d’ammoniac et de 7 350 t/j d’urée granulée.
C’est le troisième réajustement que Sonatrach a opéré dans les accords conclu avec ses partenaires dans le domaine des fertilisants en 15 mois. La série de révision de ces accords conclus depuis 2005 a été inaugurée en mai 2013 avec l’égyptien Orascom Consctruction et Industries (OCI), actionnaire majoritaire (51 % contre 49 % pour Sonatrach) dans la société spécialisée dans la production d’engrais Sorfert.
En juin 2014, le groupe public et le groupe espagnol Villar Mir, partenaires depuis 2005 dans deux unités de production de fertilisants à Annaba et Arzew, ont signé un accord portant sur la révision de certaines dispositions de l’accord de partenariat régissant Fertial, une société mixte détenue à 66% par le groupe Villar Mir et à 33% par Asmidal, filiale à 100% de Sonatrach.
Le communiqué sanctionnant l’avenant à l’accord de 2005 n’a pas précisé la nature du nouveau rééquilibrage des « intérêts économiques et opérationnels des deux parties », mais on sait que Sonatrach avait revendiqué un prix international pour le gaz utilisé dans les unités de production de Fertial, arguant que le prix de cette énergie fixé dans l’accord de 2005 n’était pas prévu pour les volumes d’exportation de fertilisants réalisés depuis une année par cette société mixte.
1560 DA les 1000 m3 de gaz
Depuis 2005, le prix de cession du gaz aux industriels est de 1560 DA les 1000 m3. L’article 3 du décret exécutif n° 05-128 du 24 avril 2005 stipule : « Le prix de cession hors taxes du gaz naturel aux utilisateurs industriels, y compris les autoconsommations des unités de liquéfaction et de traitement du gaz, les besoins des unités de raffinage et des activités de transport par canalisation, est fixé à mille cinq cent soixante dinars (1560 DA) le millier de mètres cubes (1000 M3) ». Sonatarch a signé avec ses partenaires, pour ce prix, des contrats portant sur la fourniture de gaz naturel (de 1.75 à 2 milliards de mètre cube/an) s’étalant sur 20 ans pour alimenter les complexes industriels.
La remise en cause des prix bas de fourniture de gaz qui a été l’argument de l’Algérie pour attirer les investisseurs étrangers pour le développement des complexes de fertilisants a été l’un des chantiers auxquels s’est confronté l’ex-PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, le successeur de Noredine Cherouati fin 2011.
Début février 2012, lors de la conférence de presse qui a suivi la présentation du bilan d’exercice de Sonatrach pour 2011, M. Zerguine avait déclaré que Sonatrach œuvrait pour aplanir des divergences d’ordres « économique et commercial » et en particulier dans les détails relatifs au prix de l’énergie avec son partenaire égyptien dans Sorfert.
Dans le cas de Sorfert, les négociations ont débouché sur la signature d’un avenant à l’accord de 2007 mai 2013 permettant à la société de bénéficier d’« d’un prix d’achat du gaz algérien au tarif du marché domestique » mais avec une partition des bénéfices « donnant avantage à l’actionnaire algérien ».
La Jurisprudence de Sorfert
Ce dénouement a fait cas de jurisprudence pour les affaires qui ont suivi où les prix bas du gaz que fournit l’Algérie ont constitué le moyen d’amener les partenaires étranger à reconsidérer les termes des contrats signés sous l’ère de Chakib Khelil.
Ce revirement du gouvernement sur ce qui a constitué pendant des années l’argument de l’attractivité de l’Algérie est justifié par une conjoncture difficile, marquée par une baisse de la production des hydrocarbures, conjuguée à une consommation interne en constante augmentation.
Le choix du secteur des fertilisants repose sur le fait que l’urée et l’ammoniac sont des produits à faible valeur ajoutée et que le gaz intervient à hauteur de 85% dans le processus de fabrication de l’ammoniac. Le manque à gagner pour Sonatrach est colossal ; il se chiffre à plusieurs milliards de dollars par an.
De nombreux experts en énergie ont critiqué ce niveau de prix jugé « indécent » depuis la promulgation du décret de 2005. Lors de la 18e rencontre sur l’énergie organisée par l’école Polytechnique à Alger en avril dernier, l’expert international Mustapha Mekidèche a sévèrement critiqué ce choix de l’Algérie d’adopter les prix bas de l’énergie pour les industries « gazochimiques ». « Ces projets favorisent le transfert de rente vers l’étranger », avait-il dénoncé.