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Algérie

L’emprunt national boudé, première sanction populaire de la privatisation de l’Etat

Par Mohamed Zenina
juin 27, 2016
L’emprunt national boudé, première sanction populaire de la privatisation de l’Etat

La chronique hebdomadaire de El Kadi Ihsane lie l’échec en cours de l’emprunt national, la dérive contre les médias et Cevital et le vote des Britanniques qui les sort de l’Union Européenne.
Exercice audacieux

 

Le gouvernement de Abdelmalek Sellal a-t-il des succès économiques à faire valoir depuis bientôt quatre ans que le premier ministre est en fonction ?  La question se pose au bout de cette semaine historique ou l’échec du premier ministre Britannique David Cameron à maintenir le Royaume Uni dans l’Union Européenne a conduit à sa démission.  Et la réponse est nette. Aucun.

Trois chantiers étaient identifiées prioritaires au moment de son arrivée à la tête du gouvernement en septembre 2013 : la baisse rapide depuis 2009 des volumes d’exportation de l’Algérie en Mtep (volume d’équivalent pétrole) ; ensuite la baisse relative – mais tout aussi spectaculaire – de l’investissement dédié à la production (-de 2% du PIB) dans lequel la part des IDE a particulièrement fléchit depuis 2009 ; Enfin l’essoufflement des effets « structurants » du plan de rattrapage des infrastructures devenu financièrement insoutenable, resté trop extraverti,  et sources de litiges et de corruption d’Etat.

Trois chantiers clairement au dessus de la compétence d’un premier ministre au CV de Abdelmalek Sellal. Trois chantiers qui on changé leur transcription dans l’agenda depuis juin 2014 et le début du contre choc pétrolier. De prioritaires ils sont devenus urgents. A la crise des volumes des exportations énergétiques s’est ajoutée celle des prix. A la faiblesse des investissements productifs est venue s’agglutiner la baisse des commandes publiques qui fait tourner une partie de l’offre de biens et de services de production. A l’impasse des infrastructures achetées mains d’œuvre comprises s’est additionnée l’incapacité à basculer sur un autre moteur de la croissance. Des succès partiels ont ils jalonné le parcours de Abdelmalek Sellal sur d’autres chantiers ? La aussi il est presque possible de répondre non sans hésitation. Les illustrations des échecs font foule : modernisation du secteur financier, mise à jour de l’administration en général et de l’administration fiscale en particulier, amélioration du climat des affaires, rattrapage dans les TIC, embryon d’économie verte,  émergence d’un secteur de service à la balance devises positive  comme le tourisme, relance de  l’investissement privé dans des secteurs fermés comme le transport aérien ou maritime, ou les banques.

Les gouvernements de Bouteflika-Sellal n’ont, depuis septembre 2012, pas d’éléments de bilan d’actifs à opposer à leurs partenaires algériens et mondiaux au moment où il faudra évaluer la solvabilité du pays pour lui accorder des prêts. Ni dans les grandes lignes, ni dans le détail. L’Algérie a gaspillé quatre ans de « réflexion » grâce à une importante épargne en réserves de change qui a fabriqué une illusoire élasticité du temps.

Les politiques publiques qui oublient de convaincre les peuples de leur justesse, lorsqu’elles le sont,  se font toujours rattraper par la sanction populaire. C’est le sens premier du vote des Britanniques pour sortir de l’Union européenne. Et de la chute du cabinet Cameron qui a pris le risque démagogique d’un tel pari. Les algériens n’ont pas la possibilité de sanctionner librement et équitablement leurs dirigeants par les urnes. Jusque là ils ont exprimé leur défiance par leur remarquable désaffection  aux rendez vous électoraux. La crise montante des finances publiques offre – à ceux d’entre eux qui ont construit une épargne ces dernières années – une autre occasion de montrer combien ils ont peu confiance dans la gouvernance de leur pays. De dire qu’ils ne sont pas dupes du bilan du gouvernement Sellal et de sa liste interminable d’échecs économiques. Les Algériens ne sont pas en train de souscrire à l’emprunt national pour la croissance.  C’est une surprise, et une mauvaise même pour l’opposition politique si elle venait aux affaires dans les prochains mois. L’épargne flottante du secteur informel n’est pas prête au grand saut de la formalisation.

Près de trois mois après son lancement, le méga emprunt public peine à boucler l’option la plus basse de ses objectifs, une dizaine de milliards de dollars (en équivalent dinars bien sur), selon des indiscrétions de proches de l’opération Emprunt national. La souscription tire sur les dépôts des banques et les trésoreries des grands comptes. Court dans le calcul. Il va manquer pas loin de 30 milliards de dollars pour équilibrer le budget de 2016. L’emprunt national en apportera probablement à peine un dixième. Deux si le FCE fait des miracles mardi prochain à sa cérémonie de l levée de fonds pour le trésor public. Un dixième du déficit budgétaire récupéré chez l’épargne domestique, c’est le chemin qu’indique le chiffre de 251 milliards de dinars éventé par l’APS le week end dernier. L’Etat échoue, le gouvernement bafoue, le cœur du pouvoir se durcit en recyclant ses grands délinquants et en faisant la guerre aux entités indépendantes, il n’y a pas de suffrage pour le sanctionner. Sauf celui de bouder sa demande d’accéder à l’épargne des Algériens. Et c’est loin d’être sans conséquence pour l’avenir.   

Que fait un gouvernement du quatrième mandat qui échoue sur les chantiers décisifs sur lesquels il est attendu ? Il s’invente d’autres batailles qu’il pense gagner.  Celle lancée contre le groupe Cevital dans l’industrie, et les groupes de presse d’El Khabar et d’El Watan dans le monde des médias, prend des proportions totalement inattendues pour celui qui ne s’est pas penché sur le bilan des années Bouteflika-Sellal. Ce vieil agenda de la mise au point des derniers ilots de résistance des acteurs autonomes de la vie économique et publique algérienne s’est emballé dans la panique ces derniers mois. Il a été contrarié une première fois par la survenance du printemps arabe. Comment aller à contre courant d’un vent de liberté en 2011 ou 2012? Puis il a été différé par le besoin de faire passer le 4e mandat lors des arbitrages post AVC présidentiel de la fin 2013.  La crise des finances publiques et l’incapacité à réussir la moindre réforme ont restauré l’agenda liberticide dans une forme aigue. 

Des institutions vont en souffrir et la croissance économique tout autant. Dans cette semaine de tous les dangers qui s’est achevée par des arrestations de journalistes, il y a une industrie, celle de l’audiovisuel qui va entrer en hibernation. Les autorisations de tournage vont coûter cher après l’incroyable incarcération de la fonctionnaire qui les délivrait au ministère de la Culture. Mais plus horizontalement, la Banque d’Algérie s’est transformée en un acteur de cette bataille absurde contre Cevital avec la directive qui oblige les exportateurs algériens à utiliser leurs propres devises pour financer l’importation de leur matière première. Le nouveau gouverneur de la Banque d’Algérie ne pouvait pas faire pire pour conforter ceux qui disaient qu’il était l’instrument dévoué du clan présidentiel désormais à la tête de la seule institution qui voulait amortir rationnellement le choc extérieur de la chute des revenus.  Dans les batailles de diversion les perdants sont souvent ceux qui les engagent. David Cameron en connaît quelque chose maintenant.

Ihsane El Kadi directeur pôle éditorial  Maghreb Emergent, Radio M  à Interface Médias SPA 

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