L’envolée des prix des produits agricoles, la spéculation, rien que la spéculation (contribution) - Maghreb Emergent

L’envolée des prix des produits agricoles, la spéculation, rien que la spéculation (contribution)

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Comme chaque année et comme chaque saison à l’approche des festivités notamment religieuses, nos marchés de produits agricoles connaissent une flambée des prix, les fruits et légumes sont pratiquement tous touchés par cette flambée inexpliquée qui ne s’articule sur aucune base économique ni commerciale.

 

Néanmoins, une nouveauté vient d’être inventée  cette année pour expliquer ce phénomène inexplicable : cette flambée serait due à la canicule et aux feux de foret qu’a connu le pays !! Mais c’est aberrant !  A ce que je sache, ces produits agricoles ne nous parviennent pas  des zones forestières et montagneuses ? Comment peut-on donner alors cet étrange argument qui ne tient pas la route ! Pendant l’hiver quand ce même phénomène surgit on accusait les pluies qui «  rendent les terres inaccessibles pour la récolte » comme si on consommait quotidiennement la « cueillette du jour’ ». Chaque année c’est la récidive, les gens protestent timidement, la presse en parle excessivement, les pouvoirs publics n’ont nullement l’intention de réagir !

Ce qui se passe dans nos marchés de produits agricoles n’a pas d’égal dans le monde y compris dans les pays qui connaissent des guerres ! Une anarchie indescriptible et un dysfonctionnement flagrant.

Comment peut-on expliquer des augmentations qui atteignent 100 % en l’espace de quelques jours ? C’est l’anarchie totale qui règne dans ces marchés. En l’absence de dispositifs de régulation et en l’absence de contrôle la seule règle qui s’impose c’est  celle la spéculation.

Cette situation n’est pas le fruit du hasard mais c’est la résultante de plusieurs facteurs défaillants à l’aval de la production agricole.

Auparavant c’était l’agriculteur qui se chargeait de la récolte de sa production et c’est lui également qui se chargeait de la livraison aux marchés de gros. C’était une chaine logistique qui fonctionnait normalement et sans défaillance, du producteur aux marchands de gros, la chaine et si courte que les prix ne pouvaient subir aucun changement si ce n’est la loi de l’offre et de la demande qui pouvait ‘’s’ingérer’’ occasionnellement, les prix ont connu une certaine stabilité pendant des décennies !     

Actuellement, et vu les problèmes qui rongent le secteur de l’agriculture, avec des effets négatifs sur les producteurs, ces derniers se précipitent pour vendre leurs produits avant maturité pour se débarrasser des multiples problèmes qui peuvent affecter leurs gains. De plus, la faible mécanisation et surtout le manque de mains-d’œuvre, l’absence de marchés de gros à proximité des zones potentielles de production agricoles et l’absence d’un dispositif de protection des revenus des agriculteurs, sont parmi les facteurs les plus contraignants pour les producteurs agricoles, l’affaiblissement et la vulnérabilité de ces derniers ont donné l’occasion aux intermédiaires et aux spéculateurs de s’accaparer toute la chaine logistique allant de l’agriculteur aux marchands de gros.

La spéculation est devenue l’un des métiers les plus rémunérateurs, un métier qui échappe a tout contrôle et les spéculateurs n’ont de compte à rendre a personne, ni au ministère de l’Agriculture ni à celui du Commerce qui normalement se chargent de la régulation du marché, ni encore au ministère des Finances du fait de leur non imposition. Au fil des années ces spéculateurs se sont accaparés des marchés et ont imposé leur diktat aux producteurs ainsi qu’aux marchands de gros. Ces spéculateurs guettent le moment opportun pour s’accaparer des marchandises à bon prix et les stocker en créant ainsi la pénurie. Ils déstockent au moment voulu et imposent leurs prix.

Ces spéculateurs ont atteint un degré de « professionnalisme » avancé. Ils n’agissent pas au hasard, ils sont bien informés des réalités du marché et bien équipés pour transporter et stocker les denrées objet de leur spéculation.

Finalement, on doit dire que certains consommateurs ont une part de responsabilité, même s’ils se plaignent devant les cameras de télévision, ils finissent par remplir leurs couffins. Les produits ne peuvent se vendre à de tels prix s’il n’ya pas preneurs, mais il reste que les petites bourses trouvent des difficultés à s’approvisionner régulièrement et en quantités suffisantes ce qui rend la notion de la sécurité alimentaire très précaire.

 Expert agronome – Conseiller à l’export

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