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Algérie

«L’Etat providence» esquive le débat sur les impayés des micro-entreprises versions Ansej et Cnac

Par Maghreb Émergent
avril 29, 2014
«L’Etat providence» esquive le débat sur les impayés des micro-entreprises versions Ansej et Cnac

La micro entreprise dans ses différentes déclinaisons, Ansej et CNAC, hésite entre « traitement social du chômage » et viabilité économique.

S’ils exercent une influence croissante sur la société algérienne, l’impact économique réel de ces dispositifs, qui ont maintenant plus de 15 ans d’existence dans le cas de l’Ansej (Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes), reste cependant sujet à controverse et continue de soulever des interrogations, voire de provoquer un certain scepticisme. Des voix de plus en plus nombreuses, à l’exemple du think-tank Nabni (Notre algérie bâtie sur de nouvelles idées), récemment, réclament une évaluation indépendante de leurs résultats tandis que les médias nationaux évoquent régulièrement des phénomènes de « déperdition des crédits ».
La viabilité de la micro entreprise en question
C’est clairement dans le but de défendre la crédibilité économique de la micro entreprise que le DG de l’Ansej est monté au créneau, voici quelques jours. A l’occasion d’un passage sur une chaine de radio publique, Mourad Zemali a tenté de dédramatiser la situation de l’Ansej en matière de contentieux. Il annonce tout d’abord un bilan tout chaud, arrêté à fin mars 2014, des activités de l’Ansej. Près de 300.000 crédits accordés et plus de 700.000 emplois créés depuis la création de l’Agence en 1997. Rien que pour la partie financée par l’Agence elle-même, cela représente plus de 230 milliards de dinars (soit près de 3 milliards de dollars).
Mourad Zemali cherche aussi à minimiser le problème des « déperditions de crédits», régulièrement évoqués par la presse nationale. Il mentionne le chiffre précis de 13.370 dossiers en contentieux, dont plus de 7000 ont fait l’objet d’un règlement à l’amiable sous forme d’un remboursement ou d’un rééchelonnement. Les cas de détournement proprement dits des prêts, et qui ont donné lieu à des poursuites judiciaires, ne dépassent pas le chiffre très précis lui aussi de 615 affaires portées devant les tribunaux.
Le DG de l’Ansej défend son bilan
Le DG de l’Ansej défend avec conviction le bilan de son agence. Les délais de traitement des dossiers sont de plus en plus rapides. Il promet pour l’avenir, un certificat d’éligibilité «délivré en 15 jours maximum». Le montant moyen des prêts n’atteint pas du tout le montant plafond du « milliard », souvent évoqué par les commentateurs. En fait, la moitié des prêts est inférieure à 2 millions de dinars et plus de 40% sont compris entre 2 et 5 millions de dinars.
A propos de la nature des projets financés, les médias nationaux évoquent régulièrement une préférence marquée pour le transport de voyageurs, voire, dans la période la plus récente, pour les «agences de location de voiture». Faux, répond Mourad Zémali, qui indique que le transport de voyageur ne représente plus que 1% des projets lancés en 2013. La plus grande partie des projets accompagnés par l’Ansej concerne désormais surtout, par ordre d’importance, les services, l’industrie, le BTP et l’agriculture.
La micro-entreprise, combien ça coûte ?
Sur la base des dernières informations données par le DG de l’Ansej, le coût global du dispositif pour cette seule agence s’élève depuis sa création – contribution des banques comprises – au montant considérable de près de 10 milliards de dollars. Certains experts indépendants chiffraient en outre récemment, de façon crédible, à près de 4 milliards de dollars en rythme annuel le coût des 2 dispositifs Ansej et CNAC, à la suite de leur montée en puissance ces dernières années. On sait que dans le cadre des 2 dispositifs Ansej et Cnac, qui ont été uniformisés, 70% du crédit est à la charge des banques à côté du « prêt non rémunéré», représentant 28 ou 29% du crédit qui est consenti par les agences concernées, tandis que l’apport personnel à été ramené au niveau symbolique de 1 à 2% du crédit. Ce sont donc essentiellement les banques publiques qui payent, fortement incitées à le faire par leur actionnaire unique. Un directeur central de la Cnac, soulignait récemment la progression du taux des accords bancaires : “Jusqu’en 2008, le taux d’accords bancaires ne dépassait pas 30%, mais depuis 2008, ce taux a nettement évolué, pour atteindre aujourd’hui près de 96%”. Injonction de la tutelle des banques d’Etat ? Mourad Zemali préfère évoquer une «meilleure connaissance du terrain par les banques qui ont constaté une amélioration de la qualité des dossiers qui leur sont soumis». D’ailleurs le traitement des dossiers par les banques s’effectue « de plus en plus rapidement et ne dépasse pas, désormais, 45 jours en moyenne.» Encore plus vite que les 2 mois maximum réclamés récemment par le gouvernement.
Les banques publiques, plus exposées
La terminologie adoptée par les banques algériennes dans leurs rapports annuels à propos des “dispositifs mis en place par les pouvoirs publics” ou des “dispositifs du gouvernement,” est certainement révélatrice du peu d’enthousiasme que ces dispositifs d’exception inspirent aux responsables des établissements bancaires algériens. Leur montée en puissance récente et l’importance qu’ils sont susceptibles de prendre au fil du temps dans le portefeuille des banques, sont-elle de nature à soulever un problème spécifique d’impayés ? Les informations fournies par le régulateur du secteur et les banques elles-mêmes, sont pour l’instant, muettes sur ce chapitre.
Les chiffres mentionnés par M.Zemali renseignent cependant certainement sur l’ampleur à venir d’un problème, à propos duquel les autorités financières ont préféré jusqu’ici observer une certaine discrétion. Et pour cause, les « gros contingents » de crédits accordés au cours des 3 dernières années, qui représentent plus des 3/4 de l’activité totale des 2 agences, ne sont pas encore arrivés à échéance. Les bénéficiaires des prêts disposent en effet d’un délai minimum de 3 ans pour effectuer les premiers remboursements. Ce délai a été porté à 5 ans pour la région des hauts plateaux et à 10 ans pour le Sud du pays. Il est en outre prolongé de 2 années supplémentaires lorsque la micro entreprise créé plus de 2 emplois. Les « impayés » de la micro entreprise ne sont donc pas (encore) vraiment un problème d’actualité mais ils constituent surement un gros problème pour l’avenir.

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