M A G H R E B

E M E R G E N T

Algérie

L’expérience algérienne de la dépense publique 2000/2015 et la théorie de Keynes (contribution)

Par Yazid Ferhat
janvier 31, 2016
L’expérience algérienne de la dépense publique 2000/2015 et la théorie de Keynes (contribution)

L’objet de cette contribution  est de rappeler  les fondements du modèle keynésien  pour  ensuite voir  s’il s‘applique  au cas d’un pays en voie de développement en référence à  l’expérience récente algérienne.

 

Pour le professeur  Krugman  qui  a obtenu, en 2008, le prix Nobel d’économie,  même si le pire de la crise financière soit passé, le monde fait face maintenant à un ralentissement économique durable. Et à une question  posée, il affirmera humblement que les gouvernants et les économistes sont  désemparés faute d’un nouveau modèle tenant compte de la complexité du monde actuel, loin du modèle keynésien  qui a fait les politiques de bon nombre de pays au lendemain de la seconde  guerre mondiale. L’objet de cette contribution  est de rappeler  les fondements du modèle keynésien  pour  ensuite voir  s’il s‘applique  au cas d’un pays en voie de développement en référence à  l’expérience récente algérienne.

1.-Les fondements de la théorie keynésienne

Keynes a été le premier à décrire l’activité économique à l’aide du processus du circuit économique. Il a également été le premier à montrer la nécessité de créer une véritable comptabilité nationale. Il a également démontré que les comportements des agents économiques pris isolément étaient parfois incompatibles avec l’intérêt général. La base de la pensée keynésienne réside dans le fait de considérer que la demande effective (c’est-à-dire le niveau de consommation et le niveau d’investissement) détermine le niveau de production donc le niveau de l’emploi. Les «stratégies» politiques de relance keynésienne se fondent également sur l’importance du rôle de l’état dans l’économie. Keynes ne croit pas à l’autorégulation de l’économie par les mécanismes naturels des lois du marché. L’état doit donc intervenir en tant qu’agent régulateur car le capitalisme livré à lui-même ne peut que conduire à des crises chroniques. C’est à l’Etat d’intervenir pour relancer la demande de biens de consommation et de biens d’investissement. Keynes a en quelque sorte été l’artisan du développement de l’Etat providence après la 2° guerre mondiale. Keynes conteste totalement les fondements de l’analyse classique libérale. Keynes raisonne au niveau macroéconomique et considère que la « théorie classique n’est applicable qu’au cas du plein emploi ». Or écrivant durant la période de crise de l’entre-deux guerres ce qui l’intéresse c’est ce qui se passe en période de sous-emploi. De cela découle deux points clés : l’offre ne crée pas comme chez Jean-Baptiste Say sa propre demande mais dépend de la demande effective; à la différence des classiques la monnaie n’est pas une voile mais influe sur l’économie réelle. La demande effective est la demande anticipée par les entrepreneurs. Ces derniers calculent la production qu’ils doivent réaliser afin de d’offrir la quantité optimale de biens et de services demandée par les agents économiques. Le sous emploi des facteurs de production est selon Keynes dû au fait que les entrepreneurs ont des anticipations pessimistes et sous-estiment la demande effective. Keynes à la différence de Jean-Baptiste Say et des néo-classiques ne raisonne pas dans le cadre d’une « parfaite rationalité des agents et d’une information parfaite sur la situation présente et future » aussi la demande effective dépend de prévisions d’agents qui peuvent ne pas conduire au plein emploi. Pour Keynes, le salaire n’est pas seulement un coût c’est aussi un déterminant important de la demande. Par ailleurs pour lui le mécanisme des prix sur le marché du travail n’aboutit pas usuellement au plein emploi d’où l’introduction de la notion de chômage involontaire. Pour les classiques l’offre de travail par les salariés dépend du salaire réel. S’il y a du chômage c’est que le salaire réel est supérieur à la productivité marginale du travail. Le chômage ne peut être que volontaire c’est à dire venant du refus de travailler au nouveau salaire d’équilibre. Pour Keynes les salaires nominaux ne peuvent pas baisser pour les raisons suivantes: a) des salaires nominaux sont liés à la négociation des contrats -b) une baisse des salaires nominaux entraînerait une baisse  de la demande qui provoquerait à son tour la  baisse de la production. La demande effective en économie fermée,  se compose de la consommation +  l’investissement (C+I). La consommation est le fait de consommer des biens et services, dans le but de satisfaire des besoins ou des désirs. L’épargne est la partie du revenu qui n’est pas consommée, à la différence  des  classiques pour qui l’épargne dépend du taux d’intérêt,  chez Keynes, elle dépend du revenu et l’investissement dépend du taux d’intérêt et de l’efficacité du capital utilisé.       Enfin relatif à la théorie de la monnaie, cette dernière répond au motif de précaution ou de transaction dépendant du revenu global (contrairement à la théorie ultra-  libérale néo-classique) et est  détenue pour trois raisons : pour motif de spéculation, motif de transaction et  motif de précaution ou  le désir de sécurité en ce qui concerne l’équivalent futur en argent d’une certaine proportion de ses ressources totales. L’auteur aborde alors les  raisons de l’intervention de l’Etat.  Pour Keynes, en période de récession  seul l’état est en mesure de stimuler la demande lorsque celle-ci est insuffisante. En effet, en période de crise les agents économiques ne dépensent pas et les entreprises n’investissent pas. L’investissement ne peut donc «repartir» que si les anticipations des entreprises sont positives. Keynes préconise donc des mesures de relance. Il s’agit de redonner confiance aux consommateurs ; de mettre en oeuvre des moyens de répartition des richesses permettant aux agents économiques qui ont la propension moyenne à consommer la plus élevée (c’est-à-dire les catégories sociales les plus «défavorisées») de dépenser pour mieux relancer la machine économique ; de baisser les taux d’intérêts pour stimuler le crédit à la consommation et aux investissements et enfin d’engager une politique de grands travaux publics qui provoqueront un effet multiplicateur de revenus et accélérateur d’investissements. Le rôle de l’état consiste donc à injecter des revenus pour «doper» la machine économique. La reprise de la consommation entraînera une augmentation des investissements donc la situation de l’emploi s’en trouvera améliorée, et ce grâce au multiplicateur de revenus. L’idée de départ est la suivante : toute injection de revenus dans l’économie par l’état (voir plus haut pour les moyens utilisés) provoquera une augmentation du revenu national qui lui est bien supérieure. Exemple : l’état engage 1 000 de dépenses publiques pour construire une route. Si les titulaires de ces revenus (salariés embauchés) ont une propension marginale à consommer de 3/4 (0,75) ils vont dépenser 750 de plus en biens de consommation. Les producteurs de ces biens de consommation vont percevoir un revenu supplémentaire de 750. Si leur propension marginale à consommer est également de 3/4, ils vont dépenser 750 x 0,75 = 562,5 en biens de consommation. On constate donc que l’injection de revenus au départ provoquera des vagues successives de revenus et de dépenses qui continueront mais en diminuant peu à peu d’amplitude et ceci jusqu’à 0. L’efficacité d’une relance de la consommation dépend donc de l’importance de la propension marginale à consommer (c’est-à-dire la tendance des agents économiques à consommer un supplément de revenus). Mais, l’effet d’une relance ne pourra être réellement mesuré que par le jeu du multiplicateur et de l’accélérateur. Le mécanisme de l’accélérateur implique qu’une variation de la demande de biens de consommation entraîne une variation beaucoup plus importante de la demande de biens d’investissements. Donc pour Keynes, en théorie, le jeu du multiplicateur et de l’accélérateur doit stimuler la croissance. Qu’en est-il de l’apport de s néo-keynésiens par rapport à la crise récente d’octobre 2008 ? Pour les libéraux  « le keynésianisme n’est pas la solution à la crise, c’est son origine. Ce sont les recettes de 1929, toujours appliquées aujourd’hui, qui ont entraîné la crise. Il faut au contraire moins de régulation par l’Etat et plus de régulation par la monnaie. » Mais contrairement à ce qui a été  écrit, les taxant d’ultra libéraux, même. Les politiques  de  Ronald Reagan et George W. Bush n’hésiteront jamais à pratiquer des relances budgétaires massives pour soutenir une croissance défaillante. Avec l’arrivée du Président Barack Obama  l’option keynésienne est nettement affirmée et aujourd’hui  qu’ils soient de gauche ou de droite, partout les gouvernements, depuis le début de la crise d’août 2007, se réclament de Keynes  pour sortir leurs économies de la crise. Cependant sur le plan théorique qui aura des incidences sur les futures politiques économiques,  la polémique  n’est pas close qui ne vas sans nous rappeler  celle entre deux grands économistes, Keynes  et  Hayeck largement diffusée  dans The Times  du 17/19 octobre 1932. Pour Keynes, il faut développer la consommation et l’investissement via une forte intervention publique. Pour Hayek, l’intervention publique détourne les fonds disponibles pour l’investissement privé. Pour Keynes, il faut hausser les salaires pour stimuler la consommation. Pour Hayek, il faut baisser les salaires si on veut rétablir le plein emploi. Autre élément important à signaler, le prolongement des travaux dits néo-keynésiens       ont aboutir       à des visions différentes entre deux courants de pensée : l’économiste polonais  M. Kalecki et l’anglaise Joan Robinson qui ont permis la naissance  de  la théorie de la régulation, tandis que d’autres se rapprochent progressivement des thèses libérales. Ainsi, Pour Michel Aglietta, qui fait  une intéressante  synthèse entre la théorie keynésienne et la théorie marxiste (Karl Marx n’a jamais été un théoricien       du socialisme mais a écrit le Capital en décrivant brillamment  le fonctionnement du capitalisme)  pionnier de l’école de la régulation, « devant l’euphorie des marchés, il aurait fallu se souvenir des cycles keynésiens….donner un sens au phénomène, pour aller vers une réflexion plus profonde du système ». Or comme le précisait Keynes lui même, l’idéologie est une chose et l’efficacité de la politique économique en est une autre.  Et d’ajouter  «ce serait épatant si les économistes pouvaient se considérer comme des gens aussi humbles et compétents que des dentistes. »

2.- La théorie keynésienne à l’épreuve de l’expérience algérienne de la dépense publique

Avec les dernières mesures gouvernementales  de  restriction  de l’apport étranger donc  utilisant presque à 100% les fonds publics,( règle des 49/51% généralisable à tous les secteurs) et avec la chute  actuelle du baril et du prix de cession du gaz, la capacité financière est d’autant plus  réduite que les recettes en moyenne globale  de l’Algérie 98%, des exportations ,proviennent d’environ  1/3 du gaz ,1/3 du pétrole et 1/3 de produits raffinés  l’Algérie, ayant  réalisé d’importants investissements gaziers  alors  que selon le cours actuel est de 2,19 dollars  le MBTU contre 4//5 dollars  il ya de cela plus de cinq années ? , le prix du gaz naturel ayant  baissé de moitié aux Etats-Unis MBTU (British Thermal Units) du fait  de l’introduction de nombreux producteurs dont le gaz de schiste américain et  de la faiblesse de la demande due à la crise mondiale.  Car, le  programme de soutien à la relance économique selon les différents conseils de gouvernement a été de 9 milliards de dollars pour le pré-programme antérieur à 2004.  Le programme de soutien à la relance économique selon les différents conseils de gouvernement est passé successivement au cours du dollar de l’époque, de 55 milliards de dollars fin 2004, à 100 milliards de dollars fin 2005 (le justificatif était des enveloppes additionnelles pour les hauts plateaux et le Sud) puis fin 2006 à 140 milliards de dollars et a été clôturé selon les déclarations officielles reprises par l’APS fin 2009 à plus de 200 milliards de dollars( 15.000 milliards de dinars ) dont plus de 70% allant aux infrastructures. Le programme d’investissements publics retenu pour la période allant de 2010 à 2014 adopté en conseil  des ministres le 24 mai 2010,  implique des engagements financiers de l’ordre de 21.214 milliards DA (ou l’équivalent de 286 milliards de dollars) et concerne deux volets à savoir: – le parachèvement des grands projets déjà entamés, notamment dans les secteurs du rail, des routes et de l’eau, pour un montant de 9.700 milliards DA (équivalent à 130 milliards de dollars), – et l’engagement de projets nouveaux pour un montant de 11.534 milliards DA (soit l’équivalent de près de 156 milliards de dollars) Le programme 2010-2014 réserve plus de 40% de ses ressources à l’amélioration du développement humain avec notamment : – près de 5000 établissements de l’Education nationale (dont 1000 collèges et 850 lycées), 600.000 places pédagogiques universitaires et 400.000 places d’hébergement pour les étudiants, et plus de 300 établissements de formation et d’enseignement professionnels, – plus de 1500 infrastructures de santé dont 172 hôpitaux, 45 complexes spécialisés de santé, et 377 polycliniques, ce à quoi s’ajoutent plus de 70 établissements spécialisés au bénéfice des handicapés, – deux (02) millions de logements, dont 1,2 million seront livrés durant le quinquennat, le reste devant déjà être mis en chantier avant la fin de l’année 2014, – le raccordement d’un million de foyers au réseau du gaz naturel et l’alimentation de 220.000 foyers ruraux en électricité, – l’amélioration de l’alimentation en eau potable, notamment, avec la réalisation de 35 barrages et de 25 systèmes de transfert d’eau, et l’achèvement de toutes les stations de dessalement d’eau de mer en chantier, – plus de 5.000 infrastructures pour la jeunesse et les sports dont 80 stades, 160 salles polyvalentes, 400 piscines et plus de 200 auberges et maisons de jeunes, – ainsi que d’importants programmes pour les secteurs de moudjahidine, des affaires religieuses, de la culture et de la communication. Par ailleurs, ce programme d’investissements publics réserve aussi près de 40% de ses ressources à la poursuite du développement des infrastructures de base et à l’amélioration du secteur public, avec notamment : – plus de 3.100 milliards DA destinés au secteur des travaux publics pour poursuivre l’extension et la modernisation du réseau routier, et l’augmentation des capacités portuaires, – plus de 2.800 milliards DA réservés au secteur des transports en vue de moderniser et d’étendre le réseau de chemin de fer, d’améliorer le transport urbain (avec notamment la réalisation de tramways à travers 14 villes), et de moderniser les infrastructures aéroportuaires, – près de 500 milliards DA pour l’aménagement du territoire et l’environnement, – et près de 1.800 milliards DA pour l’amélioration des moyens et des prestations des collectivités locales, du secteur judiciaires, et des administrations de régulation fiscale, commerciale et du travail. Outre le volume d’activités qu’il générera pour l’outil national de réalisation, le programme quinquennal réserve aussi plus de 1.500 milliards DA à l’appui au développement de l’économie nationale, avec notamment: – plus de 1000 milliards DA affectés au soutien du développement agricole et rural mis en route depuis l’année dernière, – et près de 150 milliards DA à la promotion de la petite et moyenne entreprise, à travers la réalisation de zones industrielles, le soutien public à la mise à niveau ainsi que la bonification de crédits bancaires pouvant atteindre 300 milliards DA pour cette même fin. Le développement industriel mobilisera aussi plus de 2000 milliards DA de crédits bancaires bonifiés par l’Etat pour la réalisation de nouvelles centrales électriques, le développement de l’industrie pétrochimique et la modernisation des entreprises publiques. L’encouragement à la création d’emplois bénéficiera, quant à lui, de 350 milliards DA sur le programme quinquennal, pour accompagner l’insertion professionnelle des diplômés universitaires et de la formation professionnelle, soutenir la création de micro entreprises et financer les dispositifs d’emploi d’attente. Les résultats des encouragements publics à l’emploi viendront s’ajouter au volume massif des recrutements qui découleront de la réalisation du programme quinquennal et des effets de la croissance économique. Tout cela permettra de concrétiser l’objectif de création de trois millions d’emplois durant les cinq années à venir. Par ailleurs, le programme 2010-2014 réserve également un montant de 250 milliards DA au développement de l’économie de la connaissance à travers le soutien à la recherche scientifique et la généralisation de l’enseignement et de l’usage de l’outil informatique dans tout le système national d’enseignement et dans le service public. Le grand problème, la mentalité entière étant de dépenser sans compter, assimilant réalisation à dépenses monétaires  ou se réfugiant dans les réalisations physiques sans se préoccuper du coût,  où est le bilan de toutes ces projections  et quelles sont les restes à réaliser car l’Algérie souffre de capacités d’absorption  ce qui entraîne des surcoûts et des réévaluations perpétuelles et parfois faute  de suivi et de transparence des délits d’initiés ? Mais pour ce faire une idée du bilan, et améliorer la gestion ce qui suppose de préciser le coût initial des projets et ceux clôturées  par rapport aux standards internationaux, et les justifications de ces différentes réévaluations, il y a lieu d’évaluer son impact sur le taux de croissance, le taux de chômage et le pouvoir d’achat des citoyens (enquêtes entre la répartition du revenu et modèle de consommation par couches sociales pour déterminera l’indice de concentration) en termes réels et non fictifs et selon une vision dynamique à moyen et long terme pour préparer l’après hydrocarbures. Car entre  2000/2015 ; on constate à une mauvaise programmation, à la surestimation des dépenses et à de longs retards dans l’exécution des projets, de très importants dépassements de budget au niveau de différents projets dont l’existence d’un décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles, l’absence d’interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d’investissement et le budget de fonctionnement , des passifs éventuels potentiellement importants, de longs retards et des surcoûts pendant l’exécution des projets. Ceci, témoigne de la faiblesse de la capacité d’exécution des organismes d’exécution et que ni les ministères d’exécution, ni le ministère des Finances n’ont suffisamment de capacités techniques pour superviser la qualité de ces études, se bornant au contrôle financier, le suivi technique (ou physique) exercé par les entités d’exécution étant inconnu ou au mieux insuffisant. De nombreuses faiblesses trouvent leur origine dans l’urgence qui accompagne la préparation des projets notamment la myriade de demandes spécifiques auxquelles les projets sont supposés répondre avec des chevauchement des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes (des dizaines de commissions ministérielles et commissions de wilaya dans le cas du PSRE) ce que les économistes appellent les couts de transactions et ce faute d’une organisation institutionnelle non optimale. Dès lors, nous aurons (04) impacts de l’inefficacité de la dépense publique :-a- sur le volume des importations car le gonflement est du essentiellement à la dépense publique; -b- sur le processus inflationniste qui est à l’origine pour partie de l’inflation et très accessoirement les salaires qui représentent moins de 18% rapportés au produit intérieur brut ; c- sur la balance des paiements du fait que le doublement de la valeur des services entre 2002/2015, 10/11 milliards de dollars  concerne essentiellement le poste infrastructures (assistance étrangère) renvoyant à la dévalorisation du savoir ; d- sur le taux de croissance global et sectoriel. Là aussi il faut replacer les chiffres dans leurs véritables contextes car que les hydrocarbures irriguent l’ensemble de l’économie et le segment hors hydrocarbures l’est à plus de 80% sur le total des 5/6% hors hydrocarbures de taux de croissance invoqué par les officiels ( moyenne 2000/2015) , restant aux seules véritables entreprises une participation réelle inférieure à 10% du total du produit intérieur brut ( PIB) comme le montre depuis plusieurs années les exportations hors hydrocarbures (environ 3% du total). Aussi le croissance hors hydrocarbures officiel est-il un taux artificiel comme le taux de chômage incluant tous les emplois temporaires improductifs, les sureffectifs des entreprises et des administrations, la sphère informelle n’existant pas de politique salariale au profit du travail de l’intelligence mais des distributions de rente pour une paix sociale fictive, sont des taux artificiels, ne créant pas des emplois par des lois et décrets : c’est l’entreprise qui crée l’emploi. Car actuellement tout est épongé par les recettes des hydrocarbures comme l’assainissement répétées des entreprises publiques et les recapitalisations répétées des banques publiques. La question centrale qui se pose et qui devrait interpeller les plus hautes autorités algériennes au plus haut niveau est comment avec une dépense publique sans précédent depuis l’indépendance politique,  les résultats sont ils si mitigés d’où l’urgence d’une quantification précise des capacités d’absorption de ces dépenses car tout divorce entre les objectifs et les moyens nationaux limités, dont la solution de facilité est le recours forcément  aux entreprises étrangères avec des réalisations clefs en main limitant forcément l’accumulation du savoir faire technologique et organisationnel interne sans compter les réévaluations permanentes? Doit-on continuer dans cette trajectoire où les dépenses ne sont pas propositionnelles aux impacts avec ce paradoxe, où le PIB a été l’équivalent taux réserves de change  en 2013 et représente  70% des réserves de change  en janvier 2016 dues à des facteurs exogènes alors qu’il aurait du être supérieur à 10% comparé à des pays pour des dépenses montrant un allocation non optimale des ressources financières et donc un gaspillage des ressources financières . D’une manière générale,, la dépense publique a ses propres limites comme le montre la crise mondiale récente, et le problème fondamental stratégique qui se pose à l’Algérie réside en l’urgence d’une bonne gouvernance renouvelée se fondant sur un Etat de droit et la démocratisation des décisions, l’épanouissement de l’entreprise concurrentielle nationale ou internationale et son fondement la valorisation du savoir, richesse bien plus importante que toutes les ressources d’hydrocarbures et non l’unique dépense monétaire d’autant plus que les infrastructures ne sont qu’un moyen limité pour un développement  durable.

3.-Les leçons à tirer par rapport à la  théorie keynésienne ?

Quelles sont donc les limites au modèle Keynésien tout en soulignant pour éviter toute équivoque -il n’existe pas vraiment de système keynésien, puisque le cadre du modèle est la propriété privée des moyens de production.

-Tout d’abord la théorie keynésienne raisonne en économie fermée. À l’heure actuelle, l’internationalisation croissante des économies constitue une sérieuse limite au modèle. On peut toutefois la concevoir à une échelle internationale avec des instances supranationales de régulation comme cela a été décidé dans plusieurs réunions  du G20.

– S’il peut  être applicable  dans les pays développés le crédit à la consommation redynamise l’économie par la consommation il l’est à certaines conditions : premièrement, il n’est  pas si aisé d’agir sur le niveau de consommation globale car la consommation dépend de facteurs économiques et psychosociologiques qui ne sont pas toujours facilement identifiables ni maîtrisables. Même des taux d’intérêt à 0 % n’inciteront pas un couple de chômeurs à s’endetter pour acheter un logement. Deuxièmement, le paradoxe consommation – épargne constitue également une limite au keynésianisme : les entrepreneurs n’investissent que si le coût du capital est faible donc si les taux d’intérêts sont faibles car la rentabilité du capital doit être supérieure au taux d’intérêt. Dans le cas contraire les entrepreneurs n’investissent pas. Or, les taux d’intérêt faibles supposent une épargne abondante, et une épargne abondante est incompatible avec une forte consommation. Dans ce cas, se pose  l’équilibre entre la consommation et l’épargne, s’il y a équilibre car  la nouvelle théorie économique tenant compte  du temps postule le déséquilibre permanent  de la société mondiale d’où l’importance de la  théorie de la thermo- dynamique appliquée à l’économie. Aussi pour l’Algérie  se pose plusieurs questions dont il ya  lieu de répondre correctement si l’n veut éviter les effets pervers d’une politique socio-économique non réfléchie. Car l’origine  des richesses en Algérie  de 1963 à 2015 (capital argent) à ne pas confondre avec l’accumulation du capital  créant  de la valeur,  a suivi le processus de positionnement des cadres dans les secteurs névralgiques ou même secondaires de l’économie et surtout son domaine public en fonction des positionnements au sein de la société, des relations tribales, expliquant la faiblesse de véritables entreprenants créateurs de richesses. Ces richesses, tributaires de relations de clientèles et donc  de la redistribution inégalitaire de la rente des hydrocarbures  façonnent  l’actuelle la structure sociale en Algérie, structuration en mutation non encore  achevée, pas  de changement  dans le fond mais dans la forme. 

-Comment  ne pas rappeler les  ambiguïtés dans la gestion des capitaux marchands de l’Etat passage des grandes sociétés nationales (1970-1979), du découpage de ces sociétés (1980-1986) des fonds de participation ( 1990), des holdings ( 1996) et des sociétés de  participation de l’Etat –SGP ( 2001 à 2008), puis tendance au retour aux entités dépendantes  des Ministères et depuis 2014 retour aux grands groupes industriels qui       traduisent en réalité le manque de visibilité et de cohérence de la  politique économique et sociale. Ces replâtrages juridiques avec une instabilité juridique découragent       tout investisseur sérieux- Le  blocage essentiel  de l’investissement  local et étranger  n’est-il  pas le terrorisme bureaucratique  qui se nourrit du manque  de visibilité et de cohérence  dans la réforme globale ? Et ce       nouveau juridisme est-il suffisant  sans objectifs politiques précis et sans  cohérence et visibilité dans la démarche ?

– A-t-on mis en place d’autres mécanismes  pour éviter que les investisseurs soient pénalisés par les différentes  tracasseries administratives (registre de commerce, plusieurs mois alors que dans des pays normaux cela met quelques heures,) banques qui sont des guichets administratifs, fiscalité fonctionnant sur les méthodes du XIXème siècle, douane, terrain au niveau des collectivités locales,(le cadastre n’étant pas à ce jour réactualisé et le problème du foncier non résolu malgré certains discours ). Car le parcours du combattant lorsqu’on n’a pas fait faillite dans les méandres bureaucratiques dure plus de 5 années entre le moment de la maturation du projet et sa réalisation alors que  dans tous les pays du monde l’écart  est relativement faible.

-A-t-on analysé les impacts des différents  assainissements des entreprises publiques sans résultats : plus de 60 milliards de dollars  entre 1991-2015 et la loi de finances 2010 , de quoi créer  tout le tissu industriel existant mais cette fois compétitif étant  revenus selon le rapport du Ministre  de l’investissement  pour 70% à la case de départ  montrant que  ce n’est pas une question uniquement d’argent mais  de tenir compte des deux piliers du  développement du XXIème siècle à savoir le management stratégique et la valorisation du savoir .

– A-t-on tenu compte du  nouveau défi  écologique fondement du développement durable avec ces unités polluantes, ces constructions dans la majorité des secteurs  selon les normes dépassées et ce taux d’urbanisation effréné (des éco- pôles mais  réalité de vulgaires hangars comme l’a souligné  le Président Bouteflika lui-même) avec les risques de ghettos qui enfanteront inéluctablement la violence ?

A-t-on analysé objectivement l’importance de la sphère informelle drainant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, employant  plus du quart de  la population occupée, fonctionnant dans un espace social de non droit,  dont la croissance est proportionnelle au poids de la bureaucratie et de la corruption  et les moyens  de l’intégrer loin des mesures administratives autoritaires ?

-S’est –on soucié  de la connaissance  du bouleversement mondial où les capitaux iront s’investir là ou les obstacles politiques  sont mineurs, ( il existe un marché mondial des privatisations ) d’un grand espace socio-économique d’où l’importance de l’intégration maghrébine au sein de l’espace  euro- méditerranéen et africain, et des impacts réels de notre adhésion  à la zone de libre échange avec l’Europe avec des dégrèvements tarifaires allant vers zéro horizon 2020  et du futur accord  avec l’organisation mondiale du commerce (OMC) et les moyens de s’y adapter ?

Et donc est-il réaliste de vouloir opposer des Etats  alors que n’existent pas de divergences fondamentales en termes géostratégiques entre les Etats Unis et l’Europe mais pour paraphraser les militaires seulement des tactiques divergentes à court terme ? Notre diplomatie ne  devrait-elle pas  s’adapter à cette nouvelle donnée différente fondamentalement des années 1970, période de la guerre des blocs avec l’implication plus importante des organisations non gouvernementales crédibles?

C’est l’entreprise et son fondement la valorisation du savoir (loin de la rente) tenant compte des nouvelles  mutations technologiques  qui est la dynamique  de la croissance et donc de la création d’emplois à valeur ajoutée, les infrastructures n’étant qu’un moyen. Tout entrepreneur qu’il soit algérien ou étranger étant mu par la logique du profit, n’ayant pas de nationalisme dans la pratique des affaires, ne devant pas confondre retour à l’étatisme des années 1970 suicidaire pour le pays, et renforcement nécessaire de l’Etat régulateur indispensable en économie de marché, comme le démontre  la crise économique mondiale actuelle avec la dominance  de la sphère financière sur la sphère réelle. Il s’agit de mettre en place des mécanismes économiques et financiers d’encadrement souples favorisant l’investissement productif y compris les  services qui ont un caractère de plus en plus marchand, en respectant le droit international pour toute crédibilité de l’Etat algérien. Sous réserves  de la levée des contraintes analysées précédemment, existent des possibilités  pour augmenter le taux de croissance en Algérie qui recèlent d’importantes potentialités malgré la crise, d’au moins  de deux          à trois       points, pour rentrer dans les normes  des dépenses actuelles, supposant une  nouvelle  gouvernance stratégique des institutions et des entreprises.

 

4.-En conclusion, à la lumière  de l’expérience algérienne, le modèle keynésien est  difficilement transposable en pays  en voie de développement du fait       de la faiblesse de la production locale et de la faiblesse du pouvoir d’achat.  Lié à cet aspect, c’est un modèle de court terme,  l’Etat n’intervenant que transitoirement en période de crise donc se situant dans le cadre  d’actions  conjoncturelles  postulant  l’élasticité  des facteurs de production, équipement , travail notamment, alors que l’Algérie souffre de rigidités structurelles. Aussi  la théorie keynésienne  se refuse à toute vision à long terme de l’économie, contrairement aux théories classiques       de  David Ricardo, de Karl  Marx ou de Joseph Schumpeter  qui intériorise la dynamique des institutions  et la dynamique des groupes sociaux.  Or avec la crise actuelle nous avons besoin d’un  modèle dynamique à moyen et long terme tenant compte  de l’interdépendance  des économies, du nouveau défi écologique et de cette dualité insupportable entre le Nord et le Sud, la responsabilité étant partagée, la gouvernance de bon nombre de dirigeants du tiers monde étant la plus discutable. Pour l’Algérie, il  y a urgence de poser les véritables problèmes à savoir  l’approfondissement de la  réforme globale pour un véritable       développement hors hydrocarbures du passage d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures.  Et seules  des réformes internes       permettront de modifier le régime de croissance pour atteindre une croissance durable hors hydrocarbures condition de la création d’emplois à valeur ajoutée, mettant fin progressivement à cette croissance volatile et soumise aux chocs externes, les dépense monétaires sans se préoccuper des impacts et l’importance des réserves de change, n’étant  pas synonyme de développement car fonction, du cours des hydrocarbures. Or, paradoxalement, l’avancé       ou l’accélération       des réformes  en Algérie  est inversement proportionnelle au cours du pétrole, paradoxalement étant freinée lorsque les cours s’élèvent. Dans ce cas se pose cette questions stratégique : pétrole  bénédiction ou malédiction ?

(*) Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur des Universités Expert international

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Biographie :

Hayek Friedrich – La Route de la servitude, Puf,  Paris, 2002, 176 p.

Keynes, John. M. 1936. Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Editions Payot, 1969, 387 p.

Marx, Karl. 1857-1858. Gundrisse der Kritik der politischen ökonomie , 6 vol, 10/18, 1972.

L’évaluation  des effets  de la       dépense publique  en Algérie réalisée sous la direction  de Theodore O. Ahlers (rapport n°36270 DZ 15 août 2007 2 volumes), remis aux autorités algériennes montrant, à partir d’enquêtes précises sur le terrain  clairement la faible efficacité de la dépense publique du programme de soutien à la relance économique.

 

-Sous la direction de Abderrahmane MEBTOUL l’étude pluridisciplinaire (économistes, sociologues, démographes) entre  janvier 2006 et mai 2007  pour les  pouvoirs publics algériens (présidence de la république) :       « Face aux mutations mondiales, propositions  d’une politique de l’emploi et  des salaires pour  l’Algérie entre 2008/2012 « (5 volumes 925 pages).

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