Ce n’est pas la première fois que la mort de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole est annoncée mais les échos de la réunion des gouverneurs du cartel lundi dernier à Genève, laissent penser que si l’Arabie saoudite obtient gain de cause, alors l’une des principales stratégies du cartel, à savoir la régulation des prix en maîtrisant l’offre, sera passée de mode.
« L’Opep est morte », a lancé, dépité, un délégué de l’Opep, selon deux sources présentes ou informées de la teneur d’une réunion du cartel sur la stratégie à long terme qui s’est tenue à Vienne lundi dernier.
Ce n’est pas la première fois que la mort de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) est annoncée mais les échos de cette réunion des gouverneurs du cartel laissent penser que si l’Arabie saoudite obtient gain de cause, alors l’une des principales stratégies du cartel, à savoir la régulation des prix en maîtrisant l’offre, sera passée de mode.
Ryad estime en effet que prendre les prix pour objectif n’a plus de sens car la situation actuelle du marché, dont les prix ont chuté depuis la mi-2014, atteste de changements en profondeur et non conjoncturels, selon des sources au fait de la pensée saoudienne.
Les tensions entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui ont eu raison le mois dernier d’une tentative de sceller un premier accord de gel de la production en 15 ans, se sont à nouveau exprimées sans retenue lundi.
Le gouverneur iranien, Hossein Kazempour Ardebili, a ainsi déclaré que la raison d’être de l’Opep était de maîtriser les cours et qu’en conséquence une « gestion efficace de la production » devait être l’une de ses priorités à long terme.
Mais son homologue saoudien, Mohammad al Madi, a répliqué que le monde avait tellement changé ces dernières années qu’il était vain de poursuivre dans cette voie.
« L’Opep doit prendre acte du fait que le marché a subi un changement structurel, comme le montre ce même marché, devenu plus concurrentiel que monopolistique », a déclaré al Madi, selon plusieurs sources proches des discussions.
« Le marché a évolué depuis la période de cours élevés de 2010-2014 et le défi que l’Opep doit à présent relever, et c’est vrai aussi pour les (producteurs) hors Opep, consiste à s’adapter à ses évolutions récentes ».
Des décennies durant, Ryad a défendu un objectif de cours, orchestrant hausses ou baisses de la production au sein de l’Opep. L’Arabie saoudite, premier exportateur mondial, assurait l’essentiel de ces ajustements, fermant les yeux sur les écarts éventuels des pays membres plus petits ou moins riches.
C’est ainsi qu’en 2008, un prix de 75 dollars le baril était considéré comme juste par les Saoudiens. Mais depuis cette époque, le royaume n’a que rarement envoyé des signaux sur le prix qu’elle jugeait équitable.
Il est vrai que le marché pétrolier a changé du tout au tout ces cinq dernières années. Le développement de la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis et au Canada et la contribution croissance à l’offre mondiale de la Russie, qui n’est pas membre de l’Opep, ont discrédité l’idée faisant du pétrole une ressource devenue rare.
Dans un contexte de baisse des cours, l’Arabie, sous l’influence du vice-prince héritier Mohammed bin Salman, décideur ultime du royaume en matière économique et énergétique depuis 2015, juge plus avisé de privilégier la part de marché, préférant produire plus maintenant, même à bas prix, que vendre plus tard à des prix encore plus déprimés parce que la demande mondiale ne sera plus ce qu’elle était.
L’Arabie doit en outre s’attaquer à quelques problèmes pressants, comme un déficit budgétaire qui a atteint l’an passé 15% du PIB.
« L’industrie pétrolière n’est plus, toutes proportions gardées, une industrie de croissance », explique l’une des sources.
Une baisse des prix avait par le passé pour effet de doper la demande. Ce n’est plus le cas désormais car l’industrie automobile a fait de gros progrès en matière de consommation et l’écologie est devenue un enjeu clé pour de nombreux consommateurs
Ainsi, alors que les prix ont touché des plus bas record en 2015, la demande globale ne devrait augmenter que d’un million de barils par jour (bpj) cette année, soit de 1% à peine.
Une chose est certaine : le royaume saoudien ne renouera pas avec une réduction des pompages pour le bien de tous les autres pays producteurs de l’organisation, disent des sources saoudiennes.
Un point de vue partagé par certains concurrents de l’Arabie. « L’Arabie saoudite n’en a plus rien à faire de l’Opep; c’est le pétrole de schiste américain, les sables bitumineux du Canada et la Russie qu’elle a en ligne de mire », résume une source de l’Opep extérieure aux pays du Golfe.