La Banque mondiale souligne les progrès du Maroc mais pointe un "péril jeune" et une faiblesse des entreprises locales - Maghreb Emergent

La Banque mondiale souligne les progrès du Maroc mais pointe un “péril jeune” et une faiblesse des entreprises locales

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 La Banque mondiale a présenté, lundi 15 mai à Rabat, un Mémorandum sur le Maroc analysant les perspectives de croissance du pays pour les vingt prochaines années. Son titre : « Le Maroc à l’horizon 2040 : Investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique ». Mots clés: progrès mais risque “jeune”, faible formation d’une classe moyenne et des entreprises locales peu performantes.

 

 

 Le mémorandum fait le constat des « avancées incontestables » au cours des 15 dernières années où le Maroc a accéléré son rythme de croissance doublant quasiment «son PIB par habitant » se traduisant par une augmentation de la richesse globale du pays».  Il numère les « grands projets structurants « réalisés ou sont en cours de réalisation, » (port de Tanger-Med, le réseau autoroutier) et la mise en place d’un «réseau d’écosystèmes s’articulant autour de projets industriels intégrés est en train d’émerger autour de la valorisation de l’exploitation du phosphate, de l’agroalimentaire, de l’industrie pharmaceutique, de l’automobile, de l’aéronautique et des autres nouveaux métiers mondiaux. »

  « À bien des égards, l’évolution du Maroc au cours des quinze dernières années fait figure d’exception dans une région du monde en proie à de très grandes difficultés politiques, économiques et sociales » note le mémorandum qui souligne cependant que « la question de l’insertion des jeunes dans la société constitue un défi majeur pour le pays. »


 

Malaise dans la jeunesse, faible émergence d’une classe moyenne

 

 Les constats sont connus : un jeune sur deux âgé de 25 à 35 ans dispose d’un emploi, souvent informel et précaire. La question de l’emploi des jeunes est un «défi majeur » note le mémorandum. Les jeunes, lit-on, souffrent « parfois d’un sentiment de privation et d’injustice lorsqu’ils se comparent à d’autres groupes de référence ou lorsque les politiques publiques, notamment celles de l’emploi, ne sont pas en ligne avec leurs attentes ».

 Les auteurs du mémorandum posent la question de savoir si la jeunesse marocaine dispose des «des atouts nécessaires, notamment en terme de formation, pour relever les défis de l’économie de la connaissance dans une société de plus en plus globalisée ? ». Ils notent l’existence d’un malaise chez une partie de la jeunesse qui « s’exprime notamment par la volonté de nombreux jeunes de tenter leur chance outre-mer et rejoindre les près de 4,5 millions de Marocains officiellement résidant à l’étranger. ». 

 Le mémorandum souligne que l’économie marocaine ne «crée pas assez d’emplois » : Entre 2012-2016), seulement 26 400 nouveaux emplois nets ont été créés chaque année pour une population en âge de travailler (15-65 ans) qui a, elle, augmenté en net de 270 000 par an en moyenne.  

 Par rapport à la taille de sa population, le Maroc crée deux fois moins d’emplois que l’Égypte et trois fois moins que la Malaisie, observe le document qui souligne que le pays n’arrive pas à faire émerger une large classe moyenne en raison « de la cherté de la vie et du dysfonctionnement des services public ».

 En considérant qu’un ménage de la classe moyenne doit disposer d’un revenu de 1200 dollars par mois pour 4 personnes, seul un quart de la population marocaine fait partie de la classe moyenne.

 Une «situation singulière par rapport à l’importance de la classe moyenne dans les pays émergents (environ 50 % au Brésil ou en Turquie) ou dans les pays ayant réussi leur envol économique ». Mieux, note le mémorandum le seuil d’accès à la classe moyenne au marocain est « sensiblement plus élevé que dans d’autres pays émergents en raison des carences des politiques publiques qui induisent d’importants surcoûts pour les ménages ». En tenant de ces coûts, seulement 15% des marocains font partie des classes moyennes.

 

 Le mémorandum donne une idée plus pointue de l’industrialisation au Maroc – où les entreprises marocaines sont peu performantes – et qui est portée surtout par les filiales des multinationales.

 « Même dans les filières les plus dynamiques, telles que l’automobile et l’aéronautique, la présence du capital local reste limitée et l’essentiel de la croissance est porté par des acteurs étrangers » note le mémorandum en donnant l’exemple de l’usine Renault à Tanger « où moins de 10 % des fournisseurs de premier rang livrant quotidiennement l’usine sont à capital majoritairement marocain ».

 

Les entreprise marocaines de «taille modeste, « faiblement internationalistes » s’avèrent également « peu dynamiques et innovantes ».  « Pourquoi le nombre d’entreprises marocaines exportatrices s’élève-t-il à seulement 5 300 et stagne-t-il depuis le début des années 2000 ? À titre de comparaison, la Turquie compte aujourd’hui 58 000 entreprises exportatrices, soit 4,8 fois plus qu’au Maroc, en prenant en compte l’écart de population.

 Les auteurs répondent à la question : les «entrepreneurs marocains disposent de moyens pour prospérer sur le marché local sans être confrontés à la pression de la concurrence ou à l’exigence d’innovation et de performance. ».

 

Les “meilleurs marocains” ne font pas comme les meilleurs turcs, malaisiens ou brésiliens 

 

« Le renouvellement des élites économiques est faible. De nombreux opérateurs sont protégés de la concurrence grâce à l’existence de barrières à l’entrée qui sont dissuasives, telles que les autorisations administratives, les licences et les agréments. L’exécution des marchés publics constitue également une source de distorsion potentielle de la concurrence entre les acteurs qui a fait l’objet de plusieurs rapports officiels de la Cour des Comptes ou du Conseil de la concurrence.

Enfin, comme mis en évidence lors des Assises nationales de 2015 sur la politique foncière de l’État, le foncier est également un domaine propice à la rente. Il est également le premier secteur bénéficiaire de dérogations fiscales. »

 Aussi, les Marocains les plus talentueux de leur génération ne contribuent pas autant qu’ils le pourraient à l’essor de leur pays en transmettant leurs connaissances ou en créant de la valeur ajoutée et des emplois productifs. Dans la plupart des pays émergents (comme la Turquie, la Malaisie ou le Brésil) les « meilleurs de leur génération » sont majoritairement employés dans le secteur de l’éducation et de la recherche, dans l’ingénierie, ou se lancent dans l’entreprenariat.

 A contrario, les « meilleurs Marocains de leur génération », notamment les ingénieurs, se détournent presque systématiquement des secteurs de l’éducation, de l’ingénierie et de la recherche pour s’orienter vers des fonctions managériales, administratives et financières, notamment dans les grandes entreprises privées ou au sein des agences et entreprises publiques qui offrent des conditions salariales sensiblement plus attractives que les métiers de l’enseignement et de la recherche, sans comporter les risques inhérents à l’entreprenariat. La difficulté d’utilisation des talents conduit mécaniquement à un dynamisme entrepreneurial insuffisant. »

 

 

 

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