Ce fiasco risque de rendre plus difficiles l’introduction en Bourse de plusieurs entreprises publiques, dont des banques aussi importantes que la Caisse nationale d’épargne et de prévoyance, la Banque extérieure d’Algérie et le Crédit populaire d’Algérie.
L’introduction à la Bourse d’Alger de la Société des ciments de Aïn-Kebira (SCAEK) a été déclarée infructueuse et retirée, a appris Maghreb Emergent de sources au sein de la Bourse d’Alger.
La réglementation en vigueur prévoit que les introductions en bourse doivent être annulées si le seuil de 20% du montant total de la souscription n’est pas dépassé. Or, le 15 juin 2016, dernier jour de la souscription, la levée de fonds avait atteint à peine 5% des 18,95 milliards de dinars que cette entreprise espérait trouver sur le marché financier.
Pour rappel, ces 18,95 milliards de dinars représentent 35% du capital de la SCAEK. Le but de l’opération était de permettre à cette entreprise publique, filiale du Groupe industriel des ciments d’Algérie, d’augmenter sa production de un à trois millions de tonnes, dans un marché algérien très prometteur, sujet à des pénuries chroniques et concurrencé par un marché informel prospère.
Un coup tordu contre le GICA?
Ni la SCAEK elle-même, ni l’entreprise-mère, le GICA, ni la Bourse d’Alger ne peuvent sortir indemnes de ce fiasco, qui montre l’impact de l’incohérence et des décisions bureaucratique sur la gestion économique.
Cet échec est le résultat de plusieurs facteurs. Le grand public n’a pas adhéré fortement à l’opération, même si l’essentiel des apports enregistrés provient de particuliers. A l’inverse, les souscripteurs institutionnels, banques et assurances, l’ont boudée. Est-ce par méfiance ou parce que ces acteurs du marché financier ont été sollicités pour financier en premier lieu le prêt obligataire? Les réponses divergent, et certains n’hésitent pas à parler d’un coup tordu orienté contre le GICA, l’entreprise-mère.
La cimenterie de Aïn El-Kebira a été “victime d’une conjoncture très défavorable”, commente un économiste. “L’argent public disponible a été orienté vers des placements prioritaires définis par le gouvernement. L’épargne des particuliers a elle aussi subi de fortes pressions”, a-t-il ajouté n’excluant pas “une méfiance” envers les entreprises publiques.
Par ailleurs, la cimenterie Aïn El-Kebira a probablement souffert d’un déficit d’image. Peu connue, dirigée par un encadrement peu médiatique, elle n’a pas réussi à séduire l’opinion. Du moins pas au niveau souhaité.
Incertitudes
Cette hypothèse semble confortée par un autre évènement récent, l’introduction en bourse, il y a trois mois, de l’entreprise Biopharm, opérant dans le médicament. Celle-ci a atteint son objectif de lever 6,2 milliards de dinars. Elle a rencontré un large écho auprès du public, qui a souscrit pour 5,4 milliards de dinars, ce qui représente 86% des sommes collectées, contre seulement 0.89 milliards de dinars pour les banques, selon les informations de Maghreb Emergent.
Le succès de l’opération Biopharm, la première depuis trois ans, avait secoué la bourse d’Alger de sa torpeur, laissant entrevoir un nouveau rôle pour elle dans l’animation du marché financier. L’échec Aïn El-Kebira la replonge dans la crise, alors qu’elle s’apprête à accueillir de grands groupes publics.
La Compagnie algérienne d’assurance et de réassurance (CAAR), le Crédit populaire d’Algérie (CPA), l’opérateur de téléphonie mobile Mobilis, la société Hydro Aménagement et le groupe Cosider seraient notamment candidats, selon M. Yazid Benmouhoub, directeur de la bourse d’Alger.
Toutes ces entreprises, notamment les banques, se retrouvent aujourd’hui dans l’incertitude. Rien ne leur garantit une opération sans interférence, à un moment où le gouvernement est à la recherche de fonds pour pallier le gouffre budgétaire.