La compétitivité algérienne sous le révélateur sans vitres teintées de Renault-Tlelat - Maghreb Emergent

La compétitivité algérienne sous le révélateur sans vitres teintées de Renault-Tlelat

Facebook
Twitter

Les algériens se réveillent désenchantés. Leur voiture n’est pas moins chère que la même importée.

 

Il y a longtemps que le soupçon planait. Il se confirme. L’Algérie est un pays très compétitif… pour les produits importés. Par ricochet il ne l’est pas pour les productions locales à segment équivalent. La Renault Symbol assemblée en SKD, à Oued Tlelat reviendra à peu prés autant que celle produite sur le site de Bursa en Turquie. L’idée est incrustée depuis longtemps qu’un coût plus faible du taux horaire du travail et du kilowat-heure électrique suffisait à donner un avantage comparatif décisif pour battre la concurrence. C’est faux. Les experts le savent depuis longtemps. Sinon il ne resterait plus la moindre activité industrielle dans le nord de l’Europe réputée aux coûts de facteur de travail et de fournitures plus chers. Pour rendre Symbol algérienne meilleure marché, il aurait fallu que d’autres facteurs concourent à sa compétitivité. La performance de l’organisation du site, les coûts de logistiques qui l’enveloppent, les coûts de transaction dans le pays, en bref le rendement global du capital et du travail. Or de ce point de vue l’Algérie est sortie du temps mondial. Elle veut y retourner benoitement. Il y a eu l’expérience de Arcelor-Mittal pour montrer combien une masse salariale et une facture énergétique plus faible qu’ailleurs sur les autres sites du groupe mondial de sidérurgie n’empêchaient pas le site d’El Hadjar d’être le moins rentable du groupe au point ou il a envisagé s’en retiré dès que la demande mondiale d’acier s’est contractée à la fin des années 2000. La main d’œuvre chinoise était moins couteuse au début des années 80 que celle de la Corée du Sud ou de Taïwan. Mais productivité globale des facteurs et donc attractivité des investissements étaient pour Séoul et Taipeh. Il a fallu attendre dix ans de politique d’ouverture chinoise pour que les atouts de low-coast deviennent opérants. C’est ce que nous dit le prix de la Renault Symbol de Oued Tlelat. Le port d’Oran décharge moins de dix containers par heure quand la performance de Tanger Med est de 25 containers-heure. Les délais d’acquisition moyens d’équipement sont plus de trois fois plus lents en Algérie qu’en Roumanie ou se situe un site de production Dacia qui fournit en partie des intrants de la Symbol. L’Algérie veut faire avec une usine d’assemblage de voitures un îlot de précision dans un archipel d’approximation.

La Renault Symbol algérienne n’est donc pas économiquement compétitive en 2014. Il faut donc en prendre acte. Et penser la suite. La compétitivité chinoise a quasiment rattrapé celle de la Corée du Sud et de Taiwan en deux décennies. Selon une feuille de route du PC Chinois qui a fait de son marché intérieur un atout maître pour attirer les capitaux étrangers et en faire, combiné aux capitaux du pays, un accélérateur de la remontée des filières technologiques. En Algérie pas de feuille de route. Juste un face à face entre un plan de dépenses gouvernementales de 5 années extensible, et une liste quasi permanente de revendications patronales. Exemple, la réforme des deux secteurs du transport aérien et de la banque. Ils sont interdits au capital privé algérien. C’est au fonds ce retard de structure du capitalisme algérien qui a fait que Renault n’a trouvé que deux sous-traitants locaux à agréer pour fournir son site de production d’Oran. Il y a comme à la fin de la dernière période de rente élevée au milieu des années 80, de trop nombreux territoires de l’investissement qui sont autoritairement fermés aux investisseurs privés. Et pas seulement à Issab Rebrab, contrairement à ce que peut laisser penser une polarisation médiatique sur ses propres opérations. Il y a 30 mois la présidence de la république a ordonné à Sonatrach de « prendre » le MCA au moment même ou un groupe de chefs d’entreprise privées se préparait à monter un tour de table pour recapitaliser la SPA en charge du football sous la marque MCA. Interdit au privé. La première ligne de la feuille de route de la diversification économique algérienne comporte un déplacement stratégique des frontières du capital. Le cercle présidentiel n’en veut pas. Il veut d’un territoire du capital à échelle humainement contrôlable. Donc un territoire étriqué. Amical. Le territoire qui donne deux sous-traitants à un grand constructeur d’automobile mondial.

 Au moment ou l’Algérie sens sur sa nuque le souffle de la prospective NABNI du choc qui arrive, le modèle de Qatar mérite quelques lignes. Voilà un pays qui a confié son positionnement prospectif à un grand bureau d’études américain. Il met depuis 15 ans en place sa feuille de route. Elle est déroutante, mais finalement sensée. Qatar est un des très rares pays-entreprise au monde à pouvoir perdre de l’argent durant de très nombreuses années pour acquérir des positions de force sur des marchés ou il arrive en dernier. Il en a fait un avantage concurrentiel agressif. Qui peut au bout du long cycle de maturation devenir autant de cash-machine : dans la téléphonie, dans la banque, dans le transport aérien, dans les médias. Cela donne Ooredoo, QNB, Qataria Airways et Jazera-Being Sport. Illustration de la prise de risque, l’aéroport Hamad de Doha a tourné pendant des années comme un Hub régional surdimensionné. Donc à perte. Mais comme la stratégie fait marcher en ordre plusieurs acteurs d’une même entité, les tarifs de la Qataria apporte les flux à Doha. Tout est ainsi. A priori perdant. L’organisation de la coupe du monde de football de 2922 implique des investissements, notamment en stades irrationnels sur le plan comptable traditionnel. Mais le bureau d’études qui a engagé la dynastie des Hammad sur cette voie, n’a pas travaillé sur l’échelle des mandats de Bouteflika mais sur celui du demi-siècle. Et au bout du parcours, la holding Qatar n’est pas loin de remplir tous ses hubs, physiques et virtuels. Et surtout d’en faire un business qui marche. Bien sur le modèle de Qatar n’est pas reproductible pour l’Algérie. Mais il indique qu’avoir une feuille de route est le plus important. Car si elle est fausse, c’est elle-même qui le révèle.

Facebook
Twitter