International Crisis Group a publié un rapport alarmant sur la Tunisie. Il pointe les menaces de la transition démocratique du pays : corruption, régionalisme, clientélisme, entre autres.
Pour International Crisis Group, le consensus politique en place depuis les élections législatives et présidentielle de fin 2014 « a réussi à stabiliser la scène politique tunisienne, mais commence à atteindre ses limites ». « Malgré la formation d’un gouvernement d’union nationale qui regroupe les principaux partis politiques, un sentiment d’exclusion socio-régional et de délitement de l’Etat s’accroit, alimenté par la prolifération de l’affairisme et du clientélisme », explique le rapport.
Selon cette ONG de prévention des conflits meurtriers, la poursuite de la transition démocratique ainsi que le redressement de l’économie nationale « nécessitent d’approfondir ce consensus au-delà des conciliations entre dirigeants politiques et syndicaux ». « Une approche audacieuse et novatrice intégrerait les personnalités les plus influentes du monde des affaires, y compris issues des régions délaissées, qui gagnent en pouvoir occulte dans la vie politique et sociale », recommande-t-on. Car pour cette organisation, les équilibres macroéconomiques sont mis à mal, la polarisation se renforce dans le monde des affaires entre chefs d’entreprises, mais aussi entre ces derniers et les barons de l’économie informelle, notamment de la contrebande. « D’un côté, une élite économique établie issue du Sahel (région côtière de l’Est du pays) et des grands centres urbains est protégée et privilégiée par des dispositifs réglementaires, et entend le rester. De l’autre, une nouvelle classe d’entrepreneurs issus des régions déshéritées, dont certains sont cantonnés au commerce parallèle, soutiennent en partie les protestations violentes contre le pouvoir central et aspirent à se faire une place parmi l’élite établie, voire à la remplacer », explique-t-on.
La compétition économique et politique est rendue malsaine par ce conflit profond, qui vise à s’accaparer les postes-clés de l’administration permettant de contrôler l’accès au financement bancaire et à l’économie formelle, affirme le rapport. « Il contribue à étendre et « démocratiser » la corruption et à paralyser les réformes. Ceci renforce les inégalités régionales, que perpétue la discrimination des citoyens des régions marginalisées, elle-même rendue possible par le pouvoir discrétionnaire des responsables administratifs et la rigidité du système bancaire ».