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La courbe des contaminations retarde de plus en plus le déconfinement en Algérie

Par Ihsane El Kadi
mai 23, 2020
La courbe des contaminations retarde de plus en plus le déconfinement en Algérie

Seul pays du Maghreb central à ne pas avoir décliné un plan de retour à l’activité, l’Algérie risque de s’installer dans une trappe durable de basse activité du Covid-19.

La moyenne des nouvelles contaminations au Covid 19, supérieure à 160 cas quotidiennement depuis le début du mois de mai en Algérie, empêche le gouvernement de Abdelaziz Djerad de décliner un plan de déconfinement avec des dates et des étapes. Les déclarations surannées du premier ministre algérien à un magazine de santé ce vendredi  annonçant la victoire prochaine sur la pandémie en Algérie ne propose aucun repère temporel dans le début du retour à une activité normale.

La Tunisie a débuté son plan de déconfinement le 13 mai dernier et le Maroc se propose de l’entamer le 10 juin prochain. Si Alger reste muette à ce sujet c’est parce que le virus continue de circuler à une vitesse jugée encore inquiétante par les professionnels de la santé.  « Avoir prés de 200 cas avérés par jour va nous empêcher durablement de descendre sous le seuil de 2000 personnes contaminés en phase active de la maladie, seuil au dessus duquel l’OMS recommande de maintenir les dispositifs adoptés pour ralentir la pandémie » affirme Faycal.K médecin dans un centre Covid à Mustapha Bacha.  

En Algérie, plus de 3000 patients Covid positifs sont officiellement en phase active et leur nombre n’est pas prêt de baisser si les nouvelles contaminations ne fléchissent pas sensiblement, comme en Tunisie ou elles sont – officiellement – passées sous  les 3 cas par jour lors des deux dernières semaines. Le ministre de la santé, le professeur Benbouzid n’a pas, contrairement à son premier ministre, caché son inquiétude face à la résistance à ce niveau du chiffre des nouvelles contaminations, empêchant clairement l’allégement des mesures de confinement. « Le confinement a protégé le système sanitaire contre un afflux massif de patients et un risque de saturation des services de réanimation. Mais il n’éradique pas à lui seul le virus. Il reste actif même en Chine ou les mesures ont été drastiques. Le confinement vise à gagner du temps afin de doter la population des protections nécessaires et de l’éduquer aux gestes barrières » explique Docteur Faycal K. 

Le doute s’installe sur la durée

Le gouvernement ne peut pas s’appuyer sur la baisse sensible du nombre quotidien de décès pour décider d’engager son plan de déconfinement. La moyenne des décès, inférieure à dix par jour depuis trois semaines, est un indicateur de l’évolution de la viralité  passée et non en cours, et sans doute d’une meilleure protection des personnes vulnérables depuis le début du confinement partiel le 23 mars, généralisé au pays le 27 mars.

L’Algérie demeure tout de même le 2e pays d’Afrique, derrière l’Egypte, qui enregistre le plus de décès. Il présente officiellement un nombre de cas avérés voisin de celui du Maroc – près de 8000 pour des populations de tailles comparables – mais avec un ratio contaminations sur décès trois fois supérieur. 585  décès en Algérie au 22 mai contre 197 au Maroc.  Élément de fragilité dans le tableau sanitaire qui pèse dans le sens d’une prudence plus grande dans la mise en œuvre d’un plan de déconfinement en Algérie.  La parenthèse  du 25 avril au 03 mai de allègement des interdictions au commerce non nécessaires au début du ramadan a montré combien le gouvernement algérien s’était peu préparé à l’après confinement.

La courbe des nouvelles contaminations déclinantes avant cet épisode a connu un rebond les jours suivants, qui correspondent également, il est vrai au renforcement de tests PCR au niveau de l’Institut Pasteur, passés de 200  tests quotidiens à plus de 500.  Le recours à un confinement complet pour les deux jours de l’Aïd a bien révélé les doutes sur la durée de la crise sanitaire et la capacité des officiels à maintenir sous contrôle dans les prochains semaines l’évolution du virus dans le pays.

« Une courbe plate des nouvelles contaminations  est en générale une bonne nouvelle. Mais pas après 11 semaines depuis l’annonce du premier cas, et pas à un niveau qui empêche la décrue des cas actifs » explique une source prés du comité scientifique qui suit la crise et qui a recommandé le confinement total avant et pendant l’Aïd.

Une trappe pour l’économie

La courbe de l’évolution du Covid 19 en Algérie est ambivalente. Elle n’a pas connu l’explosion exponentielle des pays du sud de l’Europe, mais ne connaît pas aussi la décrue que le confinement permet d’obtenir après les pics de contamination. « C’est une courbe en basse intensité qui peut maintenir le pays pendant plusieurs mois au ralenti » prévient l’expert proche du comité scientifique Covid.  Là aussi les propos survoltés du 1er ministre Abdelaziz Djerad brouillent la lecture. Il a affirmé que l’Algérie a gagné la bataille des tests et qu’elle va gagner celle des masques. Aucun fait ne le corrobore.

C’est d’ailleurs aussi pour cela qu’aucun calendrier de déconfinement sérieux n’est encore proposé. Le lancement  en cours d’une production de tests PCR en Algérie ne produira ses effets sur le dépistage que dans plusieurs semaines lorsqu’il sera possible de tester de 10 000 à 15 000 personnes par jour afin d’isoler rapidement les sujets contaminés et tracer leurs contacts récents.  De même la mise à disposition sur le marché, annoncée,  de 8 millions de masques ou bavettes de protection, est très loin de correspondre aux besoins journaliers de protection des algériens lorsqu’ils devront se redéployer dans l’espace public pour relancer la machine économique.

La aussi la comparaison avec le Maroc – 6000 tests jour et 7 millions de masques semaine, même s’il convient de rester prudent sur la réalité des chiffres officiels –  donne une indication sur le chemin qui reste à faire. Faute de tests en quantité suffisante et de masques disponibles pour tout le monde, le déconfinement portera de fait le risque important d’une seconde vague de contamination en Algérie.

Or la première vague ne veut toujours pas s’effacer. Le scénario épidémiologique qui se profile est celui d’une trappe durable de la situation virale médiane, ni trop grave ni trop rassurante. Une trappe mortelle pour l’économie.

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