Le bilan établi par le ministère du travail à la fin de l’année 2013, sur le niveau de commande publique pour les micro entreprises est sans appel.
Les marchés qui relèvent des administrations centrales sont inaccessibles et les wilayas qui ont pu affecter des projets dans le cadre des dispositions réglementaires préférentielles relèvent de l’exception. La principale cause « réside dans la non promulgation d’un texte d’application des dispositions de l’article 55 ter », selon le ministère du travail.
Ce dispositif introduit par un décret du 18/01/2012 pour lever les contraintes des gestionnaires du secteur public soucieux de passer commandes aux micros entreprises issues du dispositif ANSEJ et CNAC, n’a eu, en effet, qu’un impact marginal du fait que les domaines d’activités et les mécanismes réglementaires qui devaient permettre le « contournement » du décret présidentiel du 07/10/2010 portant règlement des marchés publics, ne sont pas explicitement précisés.
Loin des réalités de terrain
Les injonctions administratives du ministère de l’intérieur et des collectivités locales aux opérateurs publics via les walis n’y peuvent rien, « les opérations de services publics que nous réalisons nous obligent, lors du lancement des avis d’appel d’offres, à restreindre l’éligibilité des candidats aux seuls concessionnaires agrées et aux entrepreneurs qualifiés. Les micro entreprises montées par les dispositifs de facilitation aux profit des jeunes (ANSEJ, CNAC, ANGEM) ne font généralement pas partie de cette catégorie de partenaires cocontractants.». Cette réponse des EPIC de la wilaya d’Alger à leur tutelle est sans équivoque ; il n’y a aucun moyen légal de favoriser cette catégorie d’entreprisses.
Circonstance aggravante, l’écrasante majorité des bénéficiaires de ce dispositif sont plutôt novices dans le domaine des marchés publics . Les avis à présélection ne suscitent pas de retour de la part de cette catégorie d’entreprises et les opérateurs publics ne disposent pas d’une liste mise à jour du fait que ni le ministère du travail, ni l’ANSEJ, ni la CNAC ne communiquent sur ce sujet.
Pour le responsable des marchés au niveau d’un EPIC important de la capitale, l’arrêté interministériel du 29 avril 2014 « fixant les modalités d’octroi préférentiel de la commande publique aux micro entreprise » introduit encore plus d’ambigüité. Il stipule simplement que « certains besoins des services contractants dans le cadre des marchés des travaux, fournitures, études ou services peuvent être satisfaits par des micro entreprises, sauf exception dument justifiée, qui doivent leur réserver exclusivement les prestations y afférentes dans la limite du seuil de 20% au maximum.». Pour lui, c’est une fuite en avant car le cœur du problème reste dans la procédure de passation des marchés publics qui ne codifie pas, à ce jour, cette préférence officiellement affichée.
La logique de la rente prédomine
Pour Madjid Yousfi, ancien membre de la commission des finances à l’APN et ancien enseignant d’économie à l’université d’Alger, « le problème réside avant tout dans le système économique rentier et bureaucratique, ceux qui réussissent, et ils ne sont pas nombreux, sont soient sur des créneaux qui comblent un déficit social ou bien ils sont épaulés dans l’administration qui leur garanti une charge de travail ».
Selon une étude réalisée par l’université de Tlemcen intitulée « la contribution du dispositif ANSEJ au développement de l’entrepreneuriat », il apparaît que l’ANSEJ dispose de peu de moyens pour accompagner au mieux les porteurs de projets. « 81,25% des entrepreneurs n’ont reçu aucune formation dans le domaine où ils se lancent, et les préalables nécessaires à la création d’entreprise sont souvent occultés ». L’étude révèle que beaucoup de ces entrepreneurs échouent en cours de route, restent dans l’informel ou refusent de rembourser le crédit ».
Tribunaux et informel
A la veille de l’élection présidentielle d’avril dernier, l’écho à un appel lancé par un collectif de contractants des prêts ANSEJ, en difficultés, pour dénoncer les promesses non tenues des pouvoirs publics en terme de locaux , d’accompagnements et d’octroi de marchés, n’a pas pu être quantifié en raison de l’empêchement de cette manifestation par les forces de police. Cependant les convocations devant les tribunaux qui semblent se multiplier, selon des avocats proches de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme (LADDH) et le passage dans les activités informelles de nombreux contractants (voir l’article sur les marchands ambulants d’eau à Bejaïa) dénotent que le malaise des bénéficiaires des dispositifs de la micro entreprise est loin d’être un fait marginal.