Au début de l’année 2013, les mesures évoquées devant les parlementaires par le gouverneur de la Banque d’Algérie concernant l’augmentation de l’allocation touristique annuelle et des plafonds de transferts relatifs aux frais de scolarité et de soins à l’étranger, avaient suscité beaucoup d’espoirs.
Cette mesure était même donnée quasiment pour acquise. Seul le montant de la réévaluation de l’allocation touristique faisait encore l’objet de conjectures, en général très optimistes. Différentes sources confirmaient en effet que, sous réserve d’approbation par les autorités financières du pays, le projet à l’étude envisageait une augmentation qui porterait l’allocation annuelle à un niveau « d’au moins 500 euros ».
Mais dès le courant du deuxième trimestre 2013, la perspective d’une réévaluation commençait à s’éloigner, avant qu’une déclaration du ministre des Finances, M.Karim Djoudi, annonçant que la mesure n’était «pas à l’ordre du jour,» ne vienne enterrer le projet .
La faute à la balance des paiements
Cette volte-face des autorités financières algériennes sur un sujet très sensible pour le grand public, mériterait certainement des éclaircissements, qui n’ont été fournis par aucune source officielle. C’est un cadre de la Banque d’Algérie qui livre à Maghreb Emergent, la grille de lecture la plus probable : « Le projet a vu le jour à la fin de l’année 2012 à la Banque d’Algérie, où l’on considère depuis plusieurs années que le niveau jugé dérisoire de l’allocation touristique est responsable en grande partie du creusement de l’écart entre le taux de change officiel et celui du marché libre. Le niveau atteint par les réserves de change et les excédents considérables enregistrés par la Balance des paiements en 2011 et 2012, ont en outre apaisé les craintes concernant l’impact financier d’une telle mesure, qui a été évalué à environ 2 milliards de dollars annuellement ».
Malheureusement, au deuxième trimestre 2013, il était déjà trop tard. Dés le mois d’avril, la détérioration accélérée de nos équilibres financiers extérieurs, constatée au cours des 3 premiers mois de l’année faisaient craindre une disparition complète en 2013 des excédents d’une balance des paiements devenue subitement, extrêmement fragile. Des craintes qui n’ont d’ailleurs pas manqué de se justifier. Fin 2013, la balance des paiements frôlait le déficit et il ne restait pratiquement plus rien des 10 milliards de dollars d’excédent encore enregistrés en 2012.
Les 1000 dollars d’Abderrahmane Benkhalfa
Les yeux fixés sur les performances de la balance des paiements, les autorités financières algériennes ont donc peu de chance de remettre le projet à l’ordre du jour dans un avenir proche. La dégradation des marges de manœuvre financière du pays semble aujourd’hui inscrite dans la durée. Diminution des recettes pétrolières et augmentation des importations, constituent des tendances lourdes qui, selon les avis les plus autorisés, vont mettre à rude épreuve les finances du pays au cours des prochaines années.
Une situation qui n’empêche pas une personnalité comme l’ancien délégué général de l’ABEF (Association des banques et établissements financiers), M. Abderrahmane Benkhalfa, de continuer à militer en faveur d’une augmentation sensible de l’allocation devise. Voici quelques semaines, il proposait que l’allocation touristique au profit des Algériens se rendant à l’étranger, soit portée à 1.000 dollars. Avec prudence et en bon connaisseur des centres de décision nationaux, M. Benkhalfa a précisé que ce seuil, qu’il considère comme un minimum, pourrait contenir une « clause de sauvegarde », à réviser chaque année, si la situation financière du pays se dégrade.
Le débat sur la convertibilité du dinar revient
En dépit des apparences, la démarche proposée par Aderrahmane Benkhalfa s’écarte en réalité de la « vision de court terme » qui reste aujourd’hui celle des autorités financières algériennes. Comme beaucoup d’experts nationaux au cours des dernières années, il propose la mise en œuvre d’une démarche de «mise en convertibilité progressive du dinar ». Pour M. Benkhalfa, l’Algérie a besoin de restaurer l’«homogénéité de l’économie». Selon lui, « nous avons deux économies, deux dinars, deux pratiques ». Il y a deux marchés du dinar, « l’un, officiel à 105 dinars pour un euro, l’autre, parallèle, à 159 dinars pour un euro. Le décalage est de 50%. Il faut le supprimer, » affirme-t-il. En offrant une allocation touristique digne, et en facilitant le transfert de devises pour le paiement de soins et des études, ces facilités permettront de faire baisser la pression sur le marché informel de la devise, premier pas vers la suppression de l’écart entre les deux marchés.
L’obstacle de la valeur du dinar
Mais cette démarche implique simultanément l’acceptation de l’idée beaucoup moins populaire que le dinar algérien officiel est «surévalué », et que sa valeur réelle se situe «probablement entre les deux taux ». M. Benkhalfa affirme donc logiquement qu’il « faut une révision intégrale du contrôle de change, une révision des textes». Ces mesures doivent faire partie d’un plan de réformes destiné à relancer l’économie. Mais ces mesures ne peuvent être envisagées sans « revoir la valeur du dinar à la baisse », reconnait M. Benkhalfa, qui rappelle que l’acte de dévaluer n’entraine pas seulement un risque d’inflation et de hausse des prix des produits importés. Il « reflète aussi la compétitivité réelle de l’économie, et permet aux entreprises algériennes d’exporter ». Elles auront pour effet mécanique d’atténuer les tensions sur le taux de change du marché parallèle même si les observateurs ne s’attendent pas à une baisse de ce taux proche depuis plusieurs mois de 145 dinars pour un euro.