Fin 2016, suite au refus de la justice européenne d’étendre le champ de validité de l’accord agricole euro-marocain au Sahara occidental, Rabat avait rappelé que « toute entrave à l’application de cet accord [comportait] un véritable risque de reprise des flux migratoires que le Maroc, au gré d’un effort soutenu, a réussi à gérer et à contenir ».
Lundi 7 août, 187 migrants, d’origine subsaharienne pour la plupart, sur un total de 300 qui se sont lancés au début de l’assaut, ont pu sauter les barrières et accéder à la ville de Melilla. Le lendemain, un assaut massif d’un millier de candidats à l’immigration clandestine a été enregistré à Ceuta : 200 d’entre eux ont réussi leur tentative, selon la presse espagnole.
Ces nouvelles vagues d’émigration clandestine, en dépit des accords entre l’Union européenne (UE) et le Maroc en matière de « containement » des flux migratoires, étonnent à Madrid, en particulier au sein des « sécuritaires ». Dans des confidences au site en ligne El Confidential digital, et sous le couvert de l’anonymat, des officiers de la Garde civile estiment que « le Maroc a levé le pied pour envoyer des messages au gouvernement » espagnol. Les mêmes milieux de la Garde civile espagnole rappellent que cette situation aux frontières avec le Maroc ressemble étrangement à celle constatée en février dernier : Madrid avait alors accusé Rabat d’avoir fermé les yeux sur les assauts de Subsahariens en riposte à la position de certains responsables espagnols au sein de l’UE, qui s’étaient rangés du côté du verdict de la Cour de justice européenne du 21 décembre 2016, excluant le Sahara occidental de l’accord agricole conclus en 2012 avec le Maroc.
Selon El Confidential digital, réputé proche des milieux sécuritaires espagnols, ceux-ci affirment « ignorer les raisons de la colère du Maroc » contre l’Espagne et rappellent que l’état des relations entre Madrid et Rabat a toujours été jaugé à l’aune des assauts de migrants contre les enclaves de Ceuta et Melilla.
De la menace à l’acte
La Cour de justice européenne (CJUE) avait estimé, fin 2016, que cet accord n’englobait que les limites géographiques du royaume du Maroc, à l’exclusion du Sahara Occidental. A la suite de ce verdict, Rabat, par le biais de son ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch, une des grosses fortunes du Maroc et proche d’entre les proches du roi Mohamed VI, avait pratiquement sommé l’UE « d’assurer le cadre nécessaire pour l’application dans les meilleures conditions des dispositions » de l’accord en question. « Toute entrave à l’application de cet accord est (…) un véritable risque de reprise des flux migratoires que le Maroc, au gré d’un effort soutenu, a réussi à gérer et à contenir », avait menacé ce ministère, dans un communiqué.
Résultat: reprise des infiltrations de migrants dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla : fin février dernier, en l’espace de quatre jours, plus de 850 migrants avaient réussi à entrer à Ceuta. Après que Bruxelles a annoncé, fin février 2017, qu’elle lancera de nouvelles négociations entre ses pays membres sur cet accord de libre-échange avec le Maroc, il y a eu, au mois de mars 2017, une véritable traque contre les migrants subsahariens irréguliers sur le territoire marocain. « Les autorités ont repris le renvoi de personnes non ressortissantes marocaines noires vers la frontière avec l’Algérie », avait alors déploré l’ONG marocaine GADEM (Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et des migrants).