Décliner son identité algérienne dans la capitale jordanienne, Amman donne immanquablement lieu à une conversation autour de la révolte populaire que connaît l’Algérie depuis le 22 février.
Les questions sont également nombreuses au sujet de cette révolution pacifique. Des questions posées par les Ammanais mai aussi par d’autres Arabes rencontrés dans cette ville touristique.
Au royaume Hachémite, le tourisme représente entre 10 et 14% du PIB. Les ruelles de la vieille ville d’Amman grouillent de touristes très présents en cette période de l’année. Les boutiques proposant des articles de souvenir ou des produits de beauté extraits de la mère morte sont littéralement prises d’assaut par les touristes. Très peu d’Algériens visitent cette ville, cependant.
Dans une vaste boutique de souvenirs, un commerçant âgé d’une soixantaine d’années environ nous demande si nous sommes algériens aux premiers mots prononcés. « J’ai reconnu à votre accent », dit-il, précisant néanmoins que les touristes algériens sont assez rares dans la capitale jordanienne.
« A chaque fois que j’interroge les Algériens sur leur pays, ils me disent qu’ils peuvent ne pas être d’accord entre eux sur plusieurs points mais qu’ils sont tous d’accord sur l’amour qu’ils portent à leur patrie. Une réponse qui me touche beaucoup », nous dit-il.
A Amman, les gens nous posent des questions sur ce qui se passe en Algérie, on nous demande comment vont les choses au pays, on interroge au sujet des manifestations et surtout du pacifisme des manifestants qui force respect. Certains s’étonnent de voir les manifestations se poursuivre même après le départ de Bouteflika, d’autres font le parallèle avec les printemps arabes ou la révolte au Soudan.
Le Hirak algérien, un phénomène à part
D’autres encore considèrent que l’Algérie est un pays différent des autres pays. Un chauffeur de taxi qui dit avoir de lien familial avec l’Algérie, nous affirme que les Algériens sont uniques. Pour lui, cette révolte ne ressemble aucunement au printemps arabe. « Les Algériens sont un peuple révolutionnaire », nous dit calmement le chauffeur. « Ce sont eux qui guident toutes les révolutions des peuples arabes. Ils ont toujours été en avance par rapport à tout ce qui se passe dans le monde arabe », insiste-t-il.
Dans une rue de la ville, nous rencontrons des ressortissants d’autres pays arabes. Wail, un intellectuel égyptien qui fouinait dans une bibliothèque de la ville nous raconte le ras-le-bol des Egyptiens de la dictature du général Sissi. Pour lui, la révolte du peuple algérien doit réussir assurant que les Algériens doivent apprendre des erreurs de la révolte égyptienne. « Il faut absolument éviter le scénario égyptien. Votre armée doit rester en dehors de la politique. Il faut juste que vous restiez un peuple soudé et conscient », insiste-t-il.
Des similitudes frappantes avec les manifestations au Liban
Lina, une journaliste Libanaise rencontrée au cours de notre visite nous parle des manifestations populaires qui se sont déroulés au Liban, fin 2018. Un mouvement populaire contre la crise socio-économique et les pouvoirs politiques au Liban.
Des manifestations qui ressemblent beaucoup à celles que connaît l’Algérie actuellement. « Les organisateurs de ces manifestations sont inconnus. Ils se sont organisés sur les réseaux sociaux », nous raconte Lina. Elle explique qu’un grand nombre manifestants arboraient des gilets jaunes, à la manière des protestataires français, mais que leur mouvement ressemblait plus à la révolte algérienne. « Le mouvement n’était lié à aucun courant politique. On n’avait jamais vu cela dans le passé. Ce mouvement a été capable d’unifier les gens de toutes les catégories », dit-elle.
Les faits racontés par la journaliste ressemblent, en effet, à ce qui se passe actuellement en Algérie. Elle nous parle de slogans humoristiques, de débats populaires ouverts à tout le monde en pleine rue, de marches bien organisées et protégées par la population elle-même contre les affrontements avec la police.
Elle indique aussi que les manifestants ont réagi aux jets d’eaux de la police en brandissant du shampoing et des pochettes de toilettes. « Il y avait même des manifestants qui portaient des combinaisons de plongée sous-marine », nous a-t-elle révélé amusée. Des scènes semblables à celles vues durant les marches des vendredis en Algérie.
La Palestine et l’Algérie, une vieille histoire
Farah, est une palestinienne qui vit en Jordanie et qui dit porter l’Algérie dans son cœur. Elle nous parle de son sentiment de fierté de voir le drapeau palestinien présent dans toutes les marches organisées en Algérie.
Son souhait est de visiter le pays qu’elle aime tant. « J’ai toujours voulu visiter l’Algérie », nous confie-t-elle. Elle nous raconte que toutes ses tentatives de demande de visa pour l’Algérie ont échoué. « Quand les autorités algériennes m’ont demandé la raison de ma demande de visa pour l’Algérie, je leur ai dit que c’était pour le tourisme. On m’a répondu que l’Algérie n’était pas un pays touristique », nous raconte Farah avec beaucoup de regrets et d’étonnement.
Pour elle, l’Algérie doit changer un jour. Elle nous dit avoir beaucoup d’espoir pour le mouvement populaire qui se déroule actuellement en Algérie. « Les Algériens sont capables de changer leur situation. Ils méritent d’être plus libres et de pouvoir se développer. J’espère qu’ils réussiront pour que je puisse enfin visiter l’Algérie», nous dit-elle avec le sourire.