La semaine économique a été marqué par le débriefing de l’accord d’Alger. Trop peu, trop tard. Il faudra bien faire autre chose. Mais sous Bouteflika …
L’Opep a surclassé la transition énergétique lors de la conférence d’Alger de l’IEF qui lui était dédié. Illusion optique. Le pétrole est déjà rentré dans le rang. La scène se déroule au nouveau centre international des conférences de Club des Pins. Un mouvement de foule. Des dizaines de journalistes accourent dans le sillage d’une silhouette qui s’est glissée de l’immense salle des banquets. Les deux jours du 15e forum international de l’énergie ont vécu au rythme de ce ballet. A la poursuite du nouveau et tout autant puissant ministre saoudien de l’énergie, Khaled Al Faleh. Rituel anachronique ? L’Arabie Saoudite a refusé en novembre 2014 ; à la réunion de l’Opep à Vienne, de venir au secours du prix du baril en chute libre depuis 4 mois, décrétant sa volonté de reconquérir son rôle central dans la fourniture mondiale de l’énergie primaire carbonée. Elle a soutenu fermement son cap durant deux années. Qu’est ce qui a donc changé pour que Riad accepte d’engager une inflexion à cette politique de reconquête de marché menée sur les cadavres des producteurs chers. D’abord sa montée record à 12,6 % des fournitures de pétrole dans le monde. Une partie de l’objectif poursuivi a été atteinte au cœur de cette année. Mais cela n’aurait sans doute pas suffi à éviter à la réunion d’Alger de déboucher sur le scénario d’échec de celle de Doha il y a quatre mois. Riad a cette fois accepté de prendre sa part non pas seulement d’un gel mais aussi d’une baisse de 750 000 barils jour sans que l’Iran n’en fasse de même. Et ce qui peut permettre d’expliquer cette inflexion se trouve dans l’évolution de la conjoncture interne de l’Arabie Saoudite. Le prix du baril durablement en dessous de 50 dollars a fait subir une trop forte dégradation à l’industrie pétrogazière. Mais pas seulement. Il a mis à mal la feuille de route politique du nouveau pouvoir du roi Salmane et surtout de son fils, Mohamed, vice prince héritier et homme fort du nouveau régime. L’Arabie Saoudite a aligné trois déficits budgétaires consécutifs, le troisième celui de 2016 devrait dépasser les 70 milliards de dollars. C’est stimulant pour conduire une diversification de l’économie. Mais dangereux pour en légitimer le cout social. Conséquence, le prix d’équilibre recherché par Riad se situe aujourd’hui plus au dessus des 50 dollars le baril qu’en dessous. Il ne s’agit pas de laisser les prix repartir à la hausse et exhumer les producteurs de pétrole de schistes morts dans le sillage des forages américains de gaz non conventionnel. Juste de maintenir un équilibre de marché qui réduise les pertes de revenus subis depuis deux ans. Finalement au profit de tous. Les analystes veulent aujourd’hui savoir si le virage accepté par Riad vers une politique de prix et non plus de part de marché est un virage précoce. Donc contraint. Et par conséquent une indication indirecte de son affaiblissement; et non plus de sa force. Pour le savoir, il faudra sans doute attendre les prochaines semaines qui nous séparent de la réunion de l’OPEP du 30 novembre. Un délai suffisant pour évaluer la volonté des membres de l’OPEP de respecter les quotas de production qui vont leur être proposé par la commission du même nom.
15% de hausse dans le meilleur des cas
Avec 39 % de part dans le bilan énergétique mondiale en 2015 ; le pétrole résiste toujours à la décarbonisation de l’énergie. Il le fait d’autant bien, que la période de dix années de prix hauts, qui a pris fin en juin 2014 a relancé la prospection et la production de l’or noire dans des contrées et à des profondeurs insoupçonnées il y a encore vingt ans. Ce scénario tire pourtant à sa fin. Les scènes de rush autour du plus puissant des ministres de l’OPEP font illusion. Au même moment s’est déroulé, dans le luxe khaliji du CIC de Club des Pins à Alger, l’acte tranquille de l’accélération de la sortie du carbone engagée à Paris en décembre dernier. Ségolène Royal, ministre de l’environnement, est venue à l’IEF, rappeler aux grands émetteurs de gaz à effet de serre leur responsabilité dans la limitation du réchauffement climatique en cours. Le désinvestissement dans la recherche exploration dans l’amont pétrolier de ces deux dernières années (-20 % en moyenne annuelle) n’a pas pour seule cause la faiblesse du retour sur investissement avec un baril a seulement 45 dollars. Il est alimenté par un appel d’air dans le développement de nouvelles sources d’énergie. Les filiales du renouvelable des grandes compagnies pétrolières étendent leur position dans les dispositifs de leur propre groupe. Les stratégies des électriciens européens ont déjà mis le cap sur les actifs de la filière hors carbone. La croissance économique au sein de l’OCDE ne se traduit plus par une croissance de la demande de pétrole équivalente. Les deux courbes ont divorcé. Au grand bénéfice de la lutte contre le réchauffement. C’est pour cette raison que l’Algérie doit garder la tête froide après cette réunion de l’OPEP du compromis qui a masqué le débat sur la transition énergétique mondiale. Elle a peut être engrangé un succès dans le cours terme. Mais elle a manqué une opportunité d’engager sa trajectoire vers la séquence suivante, celle de l’électricité solaire, son destin tracé. La réduction de la production du cartel peut entrainer dans le meilleur des scénarios une hausse de 15% des cours. Une affaire de 6 à 7 dollars sur un trimestre. Et après ?
Haddad et Bouchouareb
L’autre haut fait de l’actualité économique de la semaine s’est tenu à Constantine à l’université d’été du Forum des chefs d’entreprise, le FCE. Ali Haddad, le président du FCE, a interpellé le gouvernement sur la lenteur des réformes économiques, et Abdeslam Bouchouareb, le ministre de l’industrie lui a répondu. Vu de loin, chacun est dans son rôle dans un bel exercice de dialogue entre acteurs sociaux et pouvoirs publics. Les chefs d’entreprise s’impatientent devant les promesses non tenues sur l’amélioration du climat des affaires et l’ouverture du champ de l’investissement aux secteurs encore bloqués, tandis que le représentant du gouvernement défend le bilan de ses pairs pour renouveler le cap et rassurer au sujet des réformes à venir. Sauf que pour vu d’un peu plus près, le jeu de rôle est trop criard pour tromper quiconque. Ali Haddad et Abdeslam Bouchouareb sont dans le premier cercle de Saïd Bouteflika dans le cockpit de la conduite des affaires publiques en Algérie. Alors à qui s’adressent les critiques, vivifiantes, de Ali Haddad, et la réponse convenue du ministre de l’industrie ? A Abdelmalek Sellal peut être, dont la politique d’équilibre qui perpétue le statu quo devient un risque y compris pour les vrais détenteurs du pouvoir.