La Tunisie cherche à moderniser son système de santé (OGB) - Maghreb Emergent

La Tunisie cherche à moderniser son système de santé (OGB)

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La Tunisie cherche à moderniser son système de santé à l’aide d’un programme qui met l’accent sur les soins préventifs. Toutefois, les pressions accrues exercées sur la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) risquent de limiter le nombre de malades pouvant bénéficier de ce nouveau système.

En août 2015, Saïd Aïdi, le ministère de la Santé sortant, a annoncé un programme de réforme du système de santé public. Les réformes porteront notamment sur les questions de santé publique, des problèmes de dépendance aux maladies chroniques, telles que le diabète, l’hypertension et le cancer.
Le programme fait également la promotion de l’innovation dans le domaine des soins, comme l’usage de la télémédecine – soit le recours aux nouvelles technologies pour diagnostiquer et soigner les malades à distance – dans le but de simplifier les procédures. De plus, une enveloppe de 80 millions de dinars (32,3 millions d’euros) a été débloquée pour la numérisation et l’archivage des dossiers médicaux. Lors d’une conférence en mars dernier, Faouzi Mehdi, chef de cabinet au ministère de la Santé, a fait part de la création d’un système de dispensation automatisé des médicaments afin d’alléger les dépenses.
Parallèlement, le programme cherche à consolider le système de santé. En effet, les services sanitaires, dont les hôpitaux, les unités d’enseignement et les dispensaires, sont restructurés sur le plan régional et bénéficieront de plus de ressources et d’une plus grande autonomie opérationnelle. Chaque territoire disposera de divers établissements et médecins spécialisés, ce qui devrait parer au manque d’effectifs dans les régions rurales. A compter de 2014, on comptait 3,5 médecins pour 1 000 habitants  à Tunis, mais ce chiffre chute à 0,4 pour 1 000 habitants dans les gouvernorats de Kasserine ou de Sidi Bouzid.
L’été dernier, M. Aïdi a expliqué à OBG que la restructuration territoriale était indispensable au renforcement du secteur de la santé : « l’objectif à long terme est le traitement de plus de 90 % des cas cliniques  dans chacun des groupes territoriaux. Chaque groupement territorial aura besoin d’une gamme complète d’établissements et de médecins spécialisés. Cela permettra de réduire l’encombrement, en particulier, pour les patients souffrant de pathologies graves. »
Enfin, les réformes visent à accroître la qualité et les normes des soins de santé par le biais de formations professionnelles ainsi qu’à améliorer la gouvernance politique et la gestion des finances.

Viabilité budgétaire

Le programme de réforme devrait aider à améliorer considérablement le rendement du secteur de la santé alors que la structure de financement actuellement en place subit une pression croissante à mesure que le nombre de patients augmente.
Créée en 2014, la CNAM tend à offrir une couverture universelle en matière de soins prodigués dans des établissements privés et publics. Cependant, à l’occasion d’une entrevue avec les médias locaux l’année dernière, M. Aïdi a souligné que le financement du secteur de la santé subissait une forte pression dans la mesure où le nombre de personnes recevant des soins gratuits ou subventionnés avait doublé depuis 2011.
En mars dernier, Younes Ben Jamaâ, le porte-parole de la CNAM, a déclaré à la presse locale que l’organisme avait accumulé une dette de 1,4 milliard de dinars (565,9 millions d’euros), dû en partie à des retards enregistrés au niveau des versements des contributions de la sécurité sociale et de la caisse des retraites.
La Caisse peine à tenir les échéances de paiement vis-à-vis notamment des pharmacies. D’après des déclarations de Rached Gara Ali, secrétaire général du Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie (SPOT), la dette envers les pharmacies s’élevait à environ 40 millions de dinars (16,2 millions d’euros) l’été dernier. Toutefois, elle aurait depuis chuté pour s’établir à 3 millions de dinars (1,2 million d’euros).
La pression exercée sur la CNAM est en partie liée à la forte demande, mais également aux investissements dans les soins de santé publique qui ont accru à un rythme plus lent que la demande depuis la fin des années 1990, ce qui a incité les Tunisiens à se tourner plus nombreux vers les établissements privés.
Selon les chiffres avancés par le ministère de la Santé, de 2005 à 2013, l’ensemble des dépenses annuelles dans le secteur de la santé ont doublé pour atteindre les 5 milliards de dinars (2 milliards d’euros), soit 7,1 % du produit intérieur brut (PIB) : 37 % de ces dépenses ont été assumées par les citoyens tunisiens, 35 % par la CNAM et 28 % directement par le gouvernement. Ainsi, les dépenses publiques dans le secteur de la santé représentent environ 4,4 % du PIB, un pourcentage légèrement inférieur à celui enregistré dans des pays similaires (5 %).
Par conséquent, les établissements privés sont de plus en plus prisés et les acteurs du secteur réclament une assurance santé plus complète. Si davantage de soins étaient pris en charge par la CNAM, cela assurerait une meilleure protection des individus face aux dépenses de santé imprévues. Par exemple, les dépenses de santé liées à la maternité dans un établissement privé sont, dans la plupart des cas, partiellement prises en charge par la CNAM. Toutefois, cette dernière ne couvre pas les dépenses liées aux naissances prématurées – des coûts qui sont plus élevés que les naissances à terme. Ainsi, si la couverture était étendue à tous les types d’accouchements, le secteur n’aurait plus à exiger des garanties d’admission permettant d’éviter les risques de non-paiement.
« En Tunisie, le poids du secteur privé dans le système de santé dépend d’une politique favorable du gouvernement et d’un élargissement de l’assurance santé », a conclu Mourad Kharouf, directeur général de la polyclinique Les Jasmins.

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