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La Tunisie connaît une situation économique post-révolution tendue et compliquée (analyse)

Par Maghreb Émergent
février 12, 2016
La Tunisie connaît une situation économique post-révolution tendue et compliquée (analyse)

Si l’on met de côté une conjoncture régionale et internationale de plus en plus incertaine, la situation économique générale en Tunisie est aujourd’hui à la fois compliquée et tendue depuis la « Révolution de jasmin » en janvier 2011.

Elle peut s’expliquer par plusieurs perturbations, notamment politiques, socio-économiques et sécuritaires, sans parler de réactions sociales aux conséquences imprévisibles.
Pour plus d’un observateur tunisien, le pays a perdu à un certain moment sa paix sociale avec une succession de gouvernements n’ayant ni l’expérience nécessaire ni une vision claire et efficace à court, moyen et long termes.
Preuve en est le récent rapport de la Banque centrale de Tunisie (BCT) qui reconnaît un fléchissement de l’activité dans les principaux secteurs, hormis le secteur agricole, notamment l’industrie et les services.
Dans l’industrie, à titre d’exemple, l’indice général de la production a diminué sur les dix premiers mois de 2015 à un rythme accentué (-1,8% contre -1,4% un an auparavant), la faute à une production énergétique et minière en baisse respectivement de 5,8% et 21,5%.

Des déséquilibres macroéconomiques

« Nous avons terminé l’année 2015 avec une croissance presque molle – qui ne dépasse pas 0,3% – ce qui manifeste la délicatesse de la situation économique en Tunisie qui n’arrive ainsi pas à créer des richesses », confie à Xinhua l’économiste Moez Joudi, président de l’Association tunisienne de gouvernance (ATG).
Pis encore, ajoute-t-il, « la Banque centrale de Tunisie avait avoué début 2015 que l’économie tunisienne vit une certaine récession technique ». En parallèle, elle connaît une phase de déflation, avec un taux d’inflation en net recul : 3,5% en janvier 2016 contre plus de 5,5% courant 2015.
Ce recul est « très loin d’être lié à une maîtrise des prix dans l’absolu, mais bien à la chute des cours du pétrole en premier lieu, avant même de parler de la baisse de la demande locale qui s’essouffle », dit-il. « Preuve en est, le pouvoir d’achat des Tunisiens s’est replié de 40% entre 2011 et fin 2015, un chiffre qui signe l’échec de la révolution de janvier 2011 au niveau économique », regrette l’expert économique tunisien.
Des déséquilibres macroéconomiques ont fait leur apparition en Tunisie ces quatre dernières années. Tout d’abord, un déficit « colossal » de la balance commerciale, soit 12 milliards de dinars (environ 6 milliards de dollars) à fin 2015, rappelle-t-il.
Quant au déficit de la balance des paiements, le taux varie entre 7% et 8%, ce qui est de nature à impacter les réserves tunisiennes en devises et plus notablement le taux d’endettement qui est passé de 40% en 2011 à 54% aujourd’hui.
A ce niveau, estime M. Joudi, « il s’agit d’un endettement global qui n’a pas servi l’investissement, mais plutôt les dépenses publiques ».
Durant l’année 2015, le dinar tunisien s’est déprécié de 8,4% par rapport au dollar américain contre une appréciation de 3,4% par rapport à l’euro.

Un tourisme ébranlé qui peine à se relancer

Le tourisme, principal vecteur de la croissance économique tunisienne, soit 7% du PIB directement et 14% indirectement, représente une source de vie pour 400.000 Tunisiens et environ un million de personnes de façon indirecte.
Rien qu’en 2015, la Tunisie a perdu pas moins de 750 millions de dinars (près de 1,5% de croissance perdu) de revenus en devises sachant que le tourisme procure au pays annuellement 1,5 à 2 milliards de dinars, selon des statistiques fournies par M. Joudi. Ce constat se conforte par le bilan de la banque centrale tunisienne. Par conséquent, l’activité du transport aérien a reculé de 32% en 2015.
Si l’on met de côté l’impact évidemment désastreux des attentats de 2015 (Musée du Bardo, Sousse et bus de la garde présidentielle à Tunis), il faut relever que le tourisme tunisien souffre aussi d’un manque de renouvellement, d’une absence de vision claire, sans parler d’une défaillance au niveau de la diversification du produit touristique qui se limite uniquement aux catégories classiques telles que les stations balnéaires, le tourisme saharien et les loisirs.
« Personnellement, je vois que le tourisme culturel, écologique ou encore celui orienté vers le luxe peuvent enrichir la destination tunisienne », énumère M. Joudi. De nouveaux marchés en plein essor, poursuit-il, peuvent être conquis, à savoir auprès de clientèles en Afrique et en Chine.
L’économiste relève cependant que « la Tunisie n’est pas encore à l’abri de nouvelles menaces terroristes, sans oublier tout ce qui se passe en Libye ou sur la frontière avec l’Algérie ».

Un secteur bancaire atomisé par l’ére Ben Ali

Après le 14 janvier 2011, le marché bancaire et financier tunisien a subi un grave « traumatisme » en raison d’un héritage entaché par un système corrompu géré par le clan de l’ancien président déchu Zine El Abidine Ben Ali.
« Il y avait des litiges financiers en étroite relation avec des entreprises expropriées des familles proches de Ben Ali. Du coup, les banques tunisiennes peinaient à trouver le remboursement des engagements effectués », explique Moez Joudi.
D’autres handicaps ont obéré la relance du système bancaire post-révolution, notamment le manque de transparence, un défaut de gouvernance et des failles au niveau de la gestion des risques, principalement parmi les banques publiques dont bon nombre ont été recapitalisées.
En effet, force est de savoir que 87% des besoins de financement des investissements en Tunisie viennent du système bancaire.
D’après M. Joudi, le secteur bancaire tunisien souffre d’un déficit de liquidités, à l’exception de quelques banques privées qui ont tiré leur épingle du jeu grâce à des systèmes d’information développés et une gouvernance sereine.

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