Une réforme énergétique majeure vient d’être annoncée en Algérie, marquant un tournant dans la politique de subvention du gaz naturel. Cette nouvelle approche, qui cible spécifiquement les grands consommateurs industriels, soulève inévitablement des questions sur la compétitivité industrielle du pays et son attractivité pour les investisseurs étrangers.
La décision du ministère de l’Énergie et des Mines de mettre fin progressivement aux subventions généralisées du gaz pour les grands consommateurs industriels représente un changement de paradigme. Cette réforme, qui s’échelonnera jusqu’en 2029, introduit un système de seuils dégressifs, commençant par les plus gros consommateurs dès 2025.
Impact sur les coûts de production
Cette nouvelle donne soulève des interrogations légitimes sur la compétitivité de secteurs industriels clés. Prenons l’exemple du ciment, industrie fortement consommatrice de gaz naturel. Les cimenteries algériennes, qui ont jusqu’ici bénéficié d’un avantage comparatif grâce aux prix subventionnés, devront repenser leur structure de coûts. La question se pose : cette augmentation des coûts de production se répercutera-t-elle directement sur les prix de vente aux consommateurs ?
De même, le cas de Tosyali, géant sidérurgique algérien, est emblématique de ces défis. Tosyali Algérie s’est imposé comme l’un des plus importants investissements privés dans le pays et le plus grand exportateur hors secteur des hydrocarbures. Avec une capacité totale prévue de 8,5 millions de tonnes, dont la plus grande installation DRI (réduction directe du fer) au monde de 2,5 millions de tonnes par an, l’entreprise vient également de mettre en service sa nouvelle usine, la plus grande d’Afrique et de la région méditerranéenne dans ce domaine.
Tosyali couvre ainsi 70% des besoins algériens en matériaux de construction et crée plus de 4 000 emplois directs, en plus de milliers d’emplois indirects, avec un chiffre d’affaires visé de 3 milliards de dollars dans les années à venir. Cependant, comme d’autres acteurs industriels, Tosyali Algérie a bâti en partie son modèle économique sur l’accès à une énergie compétitive grâce aux subventions en vigueur jusqu’à présent. Comment les ajustements tarifaires affecteront-ils la compétitivité de ses produits sur les marchés locaux et à l’export ?
L’attractivité en question
L’un des paradoxes de cette réforme réside dans son timing. Alors que l’Algérie cherche à diversifier son économie et à attirer les investissements étrangers, la révision à la hausse des tarifs énergétiques pourrait-elle freiner certains projets ? Des investisseurs, notamment dans les secteurs énergivores, avaient été attirés par les coûts compétitifs de l’énergie en Algérie. La nouvelle grille tarifaire risque-t-elle de remettre en cause leurs calculs de rentabilité ?
Toutefois, le caractère progressif de la réforme offre une période d’adaptation aux industriels. La mise en place échelonnée des nouveaux seuils (200 millions de m³ en 2025-2026, puis 100 millions en 2027-2028, et enfin 40 millions à partir de 2029) permet aux entreprises d’anticiper et d’adapter leurs stratégies.
Plusieurs interrogations demeurent néanmoins. Les industries touchées pourront-elles compenser cette hausse des coûts par des gains de productivité ? La compétitivité des produits algériens sur les marchés internationaux sera-t-elle affectée ? Les investisseurs potentiels réévalueront-ils l’attractivité du pays à l’aune de ces nouveaux paramètres ?