La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les opérateurs britanniques vont pouvoir garder leur passeport financier européen. Les autorités de Londres le souhaitent -certaines l’exigent (!)- mais c’est compter sans la volonté de Paris et Francfort de profiter de l’aubaine.
Le match est vieux de plusieurs siècles et il se poursuit sous différentes formes. Depuis la révolution industrielle, et plus encore, depuis la deuxième moitié du vingtième siècle, Londres, avec son fameux quartier financier, la City, est la capitale européenne de la finance. Ni Paris ni Francfort et encore moins Luxembourg ou Genève n’ont été capables de la déloger de cette première place. Mieux, il est souvent arrivé à Londres de concurrencer directement l’autre grand lieu mondial du business financier à savoir New York. Mais, aujourd’hui, la perspective d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, le fameux Brexit, risque de changer la donne.
Adaptation permanente
Au cours des dernières années, l’un des exploits majeurs de la City a été de survivre à l’avènement de l’euro en tant que monnaie unique européenne. On se souvient que la Grande-Bretagne a préféré garder sa livre sterling et l’on pensait que cela constituerait un handicap de taille. Tel ne fut le cas pour diverses raisons. La plus importante est que le Royaume est resté dans l’Europe sans pour autant adopter l’euro. Ainsi, toutes les règles et lois financières communautaires lui étaient applicables. Parmi elles, le fameux passeport financier qui fait que n’importe quel établissement européen peut travailler partout en Europe et cela sans subir de tracasseries administratives ou être obligé de se ruiner en taxes diverses.
Dans le même temps, la City est restée ce paradis fiscal qu’elle a toujours été avec des législations moins contraignantes qu’en Europe continentale et tout un éventail de mesures destinées à faciliter le business aux banques et autres assureurs et investisseurs de l’UE. Mieux, les conditions offertes étaient tellement compétitives que Londres est aussi devenue le « back-office » pour les opérations sur l’euro, notamment celles de compensation. Un tour de force qui ne soulève même plus l’étonnement.
En clair, Londres a su se rendre indispensable dans nombre d’activités parmi lesquelles les opérations de marché, les introductions en Bourse, la recherche et l’analyse sans compter un pouvoir inégalé sur les transactions concernant les matières premières. Et quand les législations européennes sont devenues un peu plus contraignantes après la crise de 2008, la City a su « externaliser » certaines opérations jugées controversées en les délocalisant à Dubaï.
Brexit et passeport financier
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les opérateurs britanniques vont pouvoir garder leur passeport financier européen. Les autorités de Londres le souhaitent -certaines l’exigent (!)- mais c’est compter sans la volonté de Paris et Francfort de profiter de l’aubaine.
En toute logique, Français et Allemands estiment que le Brexit ne peut être à la carte et font d’ores et déjà pression sur leurs négociateurs pour qu’aucune exemption ne soit accordée aux Britanniques. Et pour mieux enfoncer le clou, les représentants des places parisienne et francfortoise multiplient les visites à la City pour convaincre ses acteurs de délocaliser leur siège -et leur personnel- sur le continent, cela afin de garder leur passeport financier. Londres y perdrait des milliers d’emplois et des milliards d’euros de chiffre d’affaires. Voilà pourquoi la question du passeport financier européen sera à suivre avec attention lors de la conclusion des négociations autour du Brexit.
Akram Belkaïd
LIRE AUSSI : [Le blog ECO] : A quand le match Trump vs China ?