A Davos, on peut parler des inégalités mais pour les solutions hors de question de remettre en cause le système. . C’est le capitalisme qui est le seul capable de répondre aux défis posés par les excès du… capitalisme.
On le sait, les apôtres du néolibéralisme sont dotés d’une incroyable capacité d’adaptation et d’initiative. C’est le cas du très célèbre forum économique mondial de Davos qui s’est ouvert mardi dernier. Pendant des années, cette rencontre très courue – qui accueille pour le première fois le président chinois – est demeurée un entre-soi des grands noms de l’économie globale.
Puis, la donne a changé. La montée en puissance des contestations altermondialistes, le poids des ONG et l’assèchement des thèmes habituellement débattus, a poussé les organisateurs à s’ouvrir. Dans les rues enneigées et sans voitures de la station des Grisons on croise désormais des PDG mais aussi des syndicalistes et des activistes.
L’exemple des inégalités
La question est de savoir si ce pluralisme change la donne. La réponse est, bien entendu, négative. Prenons l’un des sujets de débat de cette année. Il s’agit de l’aggravation des inégalités à travers le monde. Parue opportunément, une étude d’Oxfam met en avant le fait que huit hommes détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale (*)
Pour lutter contre cela, l’ONG critique les dégâts de l’évasion et de l’optimisation fiscales. A force de payer moins d’impôts (pour les entreprises) et de pratiquer la surenchère en matière de baisses fiscales (pour les Etats), on en arrive à une situation où les fonds manquent pour lutter contre les inégalités.
De même, Oxfam dénonce le déséquilibre croissant dans le partage de la valeur ajoutée. Les bénéfices des entreprises ne cessent de progresser alors que les salaires stagnent quand ils ne diminuent pas.
A ce sujet, tout le monde a en tête l’image des travailleurs bangladais dans le secteur du textile et les marges énormes pratiquées par les géants occidentaux des grands noms du prêt-à-porter. Et ne parlons pas du scandale des téléphones fabriqués pour une poignée de dollars en Asie et vendus à plusieurs milliers de billet verts aux Etats Unis ou ailleurs.
Ces déséquilibres seront évoqués à Davos, ce qui est une bonne chose, le Forum pouvant se prévaloir de respecter la transparence et de ne censurer personne. Mais l’oreille attentive qui essaiera de capter les solutions proposées en sera pour ses frais.Car il n’est pas question de remettre en cause le système.
Les remèdes avancés dans tel ou tel panel organisé dans un salon feutré reposeront tous sur le même principe général. C’est le capitalisme qui est le seul capable de répondre aux défis posés par les excès du… capitalisme. Autrement dit, une machine qui se corrigerait d’elle même.
Concernant les inégalités, le discours fera ainsi appel à l’inévitable ode à la croissance. Plus la machine économique tourne et plus cela aide à diminuer la pauvreté. Et que faire pour que cette machine continue de tourner ? Des réformes, de la dérégulation, de la compétitivité, de la transformation de la machine étatique (c’est à dire toujours moins d’interventionnisme).
L’idée que, par exemple, les plus riches soient plus taxés (certains, à l’image du milliardaire Warren Buffet l’ont pourtant réclamé à plusieurs reprises) ou que les salaires dans une entreprise soient bridés (en son temps, Henry Ford estimait que la rémunération la plus élevée ne pouvait pas être plus de quarante fois supérieure à la plus basse) sont des pistes qui seront certainement évoquées ici et là (toujours le fameux pluralisme) mais jamais défendue comme il se doit.
Pour penser sérieusement la transformation du capitalisme, il est peut-être préférable de s’éloigner des Alpes suisses et des grands cénacles libéraux…
(*) Il s’agit de : Bill Gates (fondateur de Microsoft dont le patrimoine est estimé à 75 milliards de dollars), Amancio Ortega (Inditex, maison mère de Zara), Warren Buffet (PDG et premier actionnaire de Berkshire Hathaway), Carlos Slim (magnat des télécoms latino-américaines), Jeff Bezos (fondateur et PDG d’Amazon), Mark Zuckerberg (PDG et cofondateur de Facebook), Larry Ellison (cofondateur et PDG d’Oracle) et Michael Bloomberg (fondateur et PDG de Bloomberg LP).