Propos recueillis par Younes Saadi
L’ex-président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH), Me Boudjema Ghechir, estime dans cet entretien que les propositions d’amendements de la Constitution initiées par la Présidence de la République n’apportent aucune avancée démocratique. Pour lui, le pouvoir n’a aucune volonté de rompre avec les méthodes du passé.
Maghreb Émergent : la Présidence de la République a dévoilé la première mouture de la future Constitution du pays. Quelle lecture faites-vous de ce document ?
Boudjema Ghechir : sur le plan du respect des libertés et des droits de l’homme, le brouillon de la constitution n’apporte aucune avancée significative. Pratiquement, on a gardé les notions de celle actuelle. A titre d’exemple, la troisième génération des droits de l’homme a été totalement ignorée. Le droit un environnement sain en étant le pilier. Il est incompréhensible de ne pas inclure ces droits dans la future constitution. Le pouvoir s’est contenté de quelques aménagements qui donnent l’impression que les libertés sont respectées et garanties. Aussi, et il faut le dire, le grand problème en Algérie réside dans l’application des textes de loi. Avoir une constitution démocratique est une chose. Son application en est une autre.
Le document proposé offre-t-il des garanties pour la production des libertés sur le terrain ?
En l’absence d’une volonté politique réelle de faire de l’Algérie un pays démocratique et un Etat de droit, on ne peut parler de l’importance des textes. Une volonté qu’on ne voit malheureusement, pas chez les décideurs. Les arrestations des activistes du Hirak, les pressions exercées sur les médias et le verrouillage du champ politique en sont la preuve tangible. On ne peut pas aller vers un lendemain meilleur avec ces pratiques d’une autre époque.
Des voix se sont élevées pour critiquer la proposition autorisant à l’Armée algérienne d’intervenir en dehors du territoire national, qu’en dites-vous ?
Je pense que ce changement de vision sur la sécurité nationale vient au bon moment. L’évolution de la situation sécuritaire dans la région impose à l’Algérie de changer d’approche. Le périmètre sécuritaire ne se limite plus aux frontières classiques. Pour sécuriser leurs territoires, les Etats sont contraints parfois d’agir loin de leurs frontières. L’Algérie ne peut rester éternellement observatrice face à des dangers qui la menacent. Personnellement, je soutiens cette proposition.
Le renforcement de la position de la langue amazighe dans le bouillon de la constitution a déclenché une vague raciste sur les réseaux sociaux ….
Je ne comprends vraiment pas l’attitude des pouvoirs publics. D’une part, ils proposent la consolidation de Tamazight, de l’autre, ils ferment les yeux sur les campagnes racistes qui ciblent cette composante de l’identité algérienne. Il est déplorable que constater que des individus et des pages sur les réseaux sociaux continuent de mener en toute impunité ce genre de pratiques. L’Etat doit mettre un terme à ces agissements irresponsables.