C’est un article signé de Abed Charef sur Maghreb Emergent qui a donné la tonalité au débat de ce dernier numéro du CPP de RadioM. La bataille pour préserver le départ à la retraite, lancée par 14 syndicats indépendants, est elle une bataille juste ? Non pas que les membres du CPP renient le droit aux syndicalistes de défendre les intérêts de leurs affiliés. Ihsane El Kadi a tenté de préciser d’entrer que les syndicats étaient « dans leur droit », et qu’ils « auraient eu tort de ne pas se mobiliser sur ce qui s’apparente à la première mesure d’atteinte aux acquis » des années passées. De bonne guerre donc. Mais cela ne répond à la question de la soutenabilité de la caisse nationale des retraites (CNR), entrée dans une période de déséquilibre. Les cotisants devenant insuffisants pour payer les pensions des retraités, vivants plus longtemps et donc plus nombreux. Hassan Haddouche a rappelé les chiffres évoqué par M Ghazi, ministre du travail, pour justifier la suppression à la fois de la retraite proportionnelle et la retraite sans condition d’âge, « une revendication de l’UGTA de la fin des années 90 » qui n’avait rien à voir avec les recommandations du FMI visant à dégraisser le salariat public. « C’est le principe de la solidarité intergénérationnelle qui est atteint » selon Abed Charef, lorsque les salariés veulent cesser de cotiser bien avant l’âge légal du départ à la retraite. Pour rappeler un enjeu masqué par ce mouvement social ; celui des millions d’Algériens qui n’ont pas cotisé durant leur vie active, et qui donc n’ont pas de pensions de retraite « je les vois dans le milieu rural, ou ils sont les plus nombreux. Il faut créer une pension pour cette catégorie d’Algériens » dont l’âge senior, sans revenus, est très dur, et s’appuie sur des solidarités traditionnelles devenues précaires. Une manière de suggérer que la bataille pour partir plus jeune à la retraite n’est pas du point de vue de la solidarité sociale entre algériens, la plus légitime des batailles.
D’ou cette inévitable question, le gouvernement a t’il fait tout ce qu’il fallait faire pour sauver les comptes de la CNR avant de s’attaquer à la retraite anticipée ? Hassan Haddouche et El Kadi Ihsane ont rappelé le chiffre évoqué par « leur invité du direct » dans la semaine sur RadioM, le directeur d’Ecotechnics, Said Ighilahriz, « le ratio des travailleurs qui cotisent sur le total de la population en âge d’être occupée a progressé de 50% à 60% entre 2004 et 2015 ». Un progrès appréciable mais insuffisant. Il reste tout de même près de 4 millions de travailleurs permanents ou occasionnels qui, dans l’informel, ne contribuent pas à réduire le déficit de la CNR.
Ce ne sont pas les environ 40 milliards de dinars par an économisés au trésor public, par la suppression décidée de la retraite anticipée qui vont combler le déficit de 1200 milliards de dinars prévu pour l’année 2017 par le projet de loi de finances.
Le café presse politique a tenté d’évaluer « la nouvelle trajectoire budgétaire » 2017-2019 et Hassan Haddouche pronostique que ceux qui n’ont pas aimé la loi de finances pour 2016 vont détester celle pour 2017 ». La première avait augmenté le budget de fonctionnement de 5% et baissé modestement le budget de l’équipement, la seconde entame une première baisse des dépenses de fonctionnement et coupe de plus du quart les investissements publics. Pour autant, ce n’est pas une nouvelle allocation des ressources budgétaires de l’Etat qui est amorcée pour Ihsane El Kadi. La loi de finance de 2017 en maintenant au même niveau les subventions de l’Etat ne fait glisser les dépenses du soutien à la consommation au soutien de l’investissement productif. Or « le nouveau modèle économique » duquel parle le premier ministre Abdelmalek Sellal, ne peut pas se mettre en place sans cette réallocation des ressources de l’Etat, réclamée par l’ancien ministre des finances Abdelatif Benachenhou. Ce qui amène Abed Charef à conclure à l’incapacité du pouvoir politique actuel à conduire une politique économique de réponse au contre choc pétrolier autre que celle de gagner du temps en faisant des économies budgétaires sans relais de croissance pour l’avenir : « le gouvernement est sans prise sur l’économie ».