La candidature à la Présidence de la République de Ali Benouari, qui était ce mardi l’invité de Radio M, la web Radio de Maghreb Emergent a, de son propre aveu, avant tout un caractère « pédagogique ». Il s’agit pour lui d’une « prise de parole » qui constitue une opportunité unique : « la posture présidentielle permet de poser les problèmes a un haut niveau ».
Ali Benouari sera d’ailleurs « très heureux si les autres candidats pillent son programme pour s’en inspirer ». Il n’aime pas beaucoup, non sans quelques raisons, qu’on le considère comme un candidat de la diaspora en plus. Il a entamé sa carrière professionnelle à la Banque d’Algérie avant de tenter l’aventure de l’émigration en Suisse en 1984, et de revenir à 2 reprises en Algérie dans des circonstances marquantes. La première comme ministre du Trésor dans le gouvernement de Réda MALEK qui lui a déclaré : « vous m’avez convaincu » au terme d’une réunion ministérielle qui devait décider du rééchelonnement de la dette extérieure algérienne dont il était l’avocat le plus fervent. Son deuxième retour en Algérie lui a permis de créer, au titre d’actionnaire et de dirigeant, la première banque privée du pays en association avec un partenaire comme la Société Générale, ce qui renseigne surement sur son degré de crédibilité.
2014 , l’élection de la dernière chance
Ali Benouari en est convaincu : l’élection de 2014 est celle de la dernière chance. A l’image, aujourd’hui, de beaucoup d’économistes ou de cercles de réflexion nationaux, il dénonce dans des termes véhéments une « gouvernance catastrophique » qui a bénéficié de ressources financières considérables : « plus que tout l’or du Pérou ou de la Californie », en exploitant de façon effrénée les gisements d’hydrocarbures du pays pour un résultat dérisoire. « Le sentiment de mal-vie prédomine et pousse la jeunesse à vouloir émigrer ». Le malaise est collectif, au delà même de « la réalité objective qui est celle d’un niveau de vie plutôt plus élevé en moyenne que celui des pays voisins ».
Le candidat Benouari veut dramatiser les enjeux de la prochaine présidentielle. En dix ans on est passé de 10 milliards de dollars d’importations à 70 milliards aujourd’hui. « Aucun pays au monde ne peut se permettre une telle évolution », s’alarme-t-il. A contre-courant de la propagande officielle qui mise sur la permanence de la rente, Il avertit : « en 2019, compte tenu de l’évolution de la consommation interne et de la baisse tendancielle de la production d’hydrocarbures, nous n’aurons plus rien à exporter ! ».
Pour une deuxième République
Au delà du diagnostic qui a déjà commencé à gagner beaucoup de terrain – « les économistes ont en gros fait leur travail » – assure Benouari, la principale originalité de la candidature de celui qui se présente comme un « faux émigré » est dans le caractère volontairement radical d’un programme de rupture. Ali Benouari propose carrément de «tout reprendre depuis le début ». Rien ne sert d’incriminer tel ou tel dirigeant, il faut revoir l’ensemble du système de gouvernance de fond en comble. A la différence de certains de ses pairs en Algérie, c’est, dit–il, le fruit de son expérience suisse. L’expert financier Ali Benouari ne croit pas à la possibilité d’une réforme limitée à la seule sphère économique. La première étape est « une réforme politique et institutionnelle sans laquelle on ne peut rien faire. Nous sommes dans le temps du printemps arabe qui gagnera l’Algérie qu’on le veuille ou non,» a-t-il martelé. Le pays a besoin d’une série de réformes politiques qui assureront en quelques années, « une transition douce et pacifique ». Au menu principal : une nouvelle constitution qui assurera une séparation effective des pouvoirs, grâce à un régime parlementaire, une large décentralisation, des magistrats élus et en bout de course, une « Deuxième République ».
« Pas d’économie émergente sans les outils d’une économie émergente »
Le programme économique de Benouari est de la même veine radicale. Le candidat algéro-suisse est en réalité fasciné par le modèle… turc. Pour lui : « C’est Turgut OZAL qui a fait dans les années 80 les réformes décisives qui ont transformé un pays encore pauvre en membre du G 20 ». L’Algérie dispose des atouts pour suivre le même chemin à condition de faire les choix devant lesquels elle recule depuis plus de 20 ans. Le pays ne peut pas « accéder au statut d’économie émergente sans se doter des outils d’une économie émergente, » dit-il. Il doit d’abord utiliser le puissant levier d’une réforme monétaire basée sur un nouveau dinar totalement convertible « qui vaudra environ un euro » et dont la valeur sera fixée à 100 anciens dinars. Sur ce chapitre, fidèle à des convictions qu’il défend de manière un peu solitaire depuis près de 2 décennies, Ali Benouari affirme que nous sommes aujourd’hui, avec une convertibilité partielle du dinar, « au milieu du gué et qu’il faut passer le plus vite possible de l’autre coté ». Pour lui, la situation actuelle combine tous les inconvénients de la convertibilité sans aucun de ses avantages, notamment en matière d’attractivité de l’économie algérienne pour les investisseurs.
Le levier est aussi celui d’une profonde réforme fiscale qui passe notamment par une « flat tax » uniforme de 10% sur tous les revenus des contribuables (en dehors du secteur des hydrocarbures), quel que soit leur statut de personnes physique ou morales. Les revenus les plus faibles seront exonérés d’impôts. Une réforme de la fiscalité locale permettra en outre d’affecter des ressources autonomes aux communes.
Dans le top 20 mondial en 2033
La coloration à première vue « ultralibérale » de ce programme économique est en réalité fortement teintée de dirigisme. Une planification indicative à long terme, sur 15 à 20 ans, doit être relayée par des plans sectoriels à moyen terme qui seront des feuilles de route pour les départements ministériels. Le suivi sera assuré par un ministère de la planification. Les instruments financiers d’une nouvelle ambition industrielle ne manqueront pas avec un fond souverain en devises « doté de 50 milliards de dollars au départ », un dispositif d’encouragement de l’acquisition d’entreprises à l’étranger « pour favoriser le transfert de technologies dont le pays a besoin », une banque publique de crédits à long terme, un Fonds de développement national et 48 Fonds de développements régionaux « pour assister techniquement et financièrement les jeunes algériens désireux de créer leur propre entreprise ». Une démarche et des instruments de développement qui peuvent permettre à l’Algérie de se hisser, elle aussi, « d’ici 2033, parmi les 20 premières économies mondiales ».