C’est à une lecture algérienne que se sont livrés les journalistes du Café presse politique du jeudi 21 juillet marqué par les tristes événements de la semaine dernière : Que dit à l’Algérie le coup d’Etat avorté en Turquie et que l’Algérie a-t-elle à dire sur l’attaque de Nice.
Pourquoi le putsch militaire avorté en Turquie a-t-il autant résonné en Algérie a interrogé la présentatrice Souhila Benali en début d’émission. «Nous faisons partie de ceux qui pensent qu’en terre d’islam, il est possible de construire des Etats de droits et des alternances démocratiques», a répondu Ihsane El Kadi, directeur d’Interface Médias, l’agence éditrice du site électronique Maghreb Emergent. « Et pendant longtemps, la Turquie nous a tracé la voie de cette modernité-là où les peuples font les gouvernants ».
« On s’y retrouve par les pesanteurs que la Turquie traîne et par ses contradictions » a poursuivi Abed Charef, journaliste politique. « On a l’impression de rejouer le match de 1992 avec les mêmes fractures : ceux qui soutiennent les militaires et ceux qui soutiennent les islamistes », a de son côté relevé Adlène Meddi, rédacteur en chef de El Watan week-end. « Ce qui fait que nous en parlions encore une semaine après, c’est que ce coup d’Etat n’est pas terminé » a enfin remarqué Akram Kharief, éditeur du site spécialisé en sécurité « Secret Difa3 ».
En tant qu’observateurs, on était à mille lieux d’imaginer ce qui s’est passé mais a postériori, on remarque qu’il y avait en réalité tous les éléments pour en arriver là, a souligné dans son analyse Ihsane El Kadi. « L’AKP est au pouvoir depuis 2002 et la volonté d’Erdogan de passer d’un modèle parlementaire à un modèle présidentiel provoque des résistances. La question est de savoir si la société était prête à recourir à un coup d’Etat militaire ».
« Erdogan aurait pu être un dirigeant du FLN » a pour sa part développé Abed Charef. « Il a remporté des succès économiques et politiques mais il a aussi commis une succession d’erreurs monumentales : il a déclaré la guerre au régime syrien, a contribué à créer Daech a ses frontières, a rallumé le feu avec les Kurdes, a allumé le feu avec les Russes, s’est engagé dans un bras de fer avec les Israéliens », a énuméré le journaliste politique. « A présent, il est en train de réconcilier tout ça mais toutes ces erreurs politiques qu’il a commises ont plongé la Turquie dans une grande tension interne et ça devait exploser ».
Comparaison Turquie-Algérie
A la question de la présentatrice de savoir si un tel scénario pourrait être envisagé en Algérie, les journalistes du CPP ont unanimement pointé la différence de modèle, même si les deux pays comportent une tradition de coups d’Etat militaires. « En Algérie, il n’y a pas de compétition entre les différents systèmes, l’administration telle qu’elle est aujourd’hui convient parfaitement à ce système donc il n’y a rien à purger » a relevé Akram Kharief.
« Il y une alternance possible à l’intérieur de l’AKP, ce que nous nous n’avons pas en Algérie » a pointé Ihsane El Kadi. « Ce que nous a montré la Turquie c’est que les alertes de Hamrouche sur le fait que la perpétuation de la crise politique risque de diviser l’institution militaire sont un risque complètement opérant ».
« Ce qui s’est passé en Turquie va nous protéger durablement contre la tentation de l’impasse par un coup de force militaire », a conclu le directeur d’Interface Médias. « C’est à nous citoyens, société, dans notre diversité, y compris avec nos divergences de régler ces questions par les urnes ».
Terrorisme et lutte anti-terroriste
L’autre actualité pesante qui a occupé la seconde partie de l’émission a été l’attentat de Nice. « On a l’impression que la France, les Etats-Unis et certains pays européens s’intéressent de plus en plus à l’expérience algérienne » a répondu Akram Kharief à la question de Souhila Benali sur l’enseignement de l’Algérie en matière de lutte anti-terroriste. « L’expérience algérienne est clairement montrée du doigt comme une façon de faire, un modèle à considérer, peut-être pas à suivre mais à considérer ».
« Le problème c’est que toutes les analyses venant d’Occident se font à travers leurs propres lorgnettes » a commenté Abed Charef. « Ils oublient que le mot Palestine est suffisant pour que des gens aillent se faire exploser pendant les deux prochains siècles ».
Quant à Adlène Meddi, il est revenu sur son post Facebook publié au lendemain de l’attaque de Nice et qui a suscité de nombreuses réactions d’indignation. « Ce qui m’a révulsé au-delà de l’attentat, c’est que la réponse sécuritaire, analytique de la France est d’une médiocrité criante », a-t-il expliqué. « Il y a une succession de traitements très hypocrites qui a laissé faire ça : la France a toujours une réaction très réactive et non proactive ». « Est-ce que Européens sont prêts à renoncer à leur liberté de mouvement » a pour sa part interrogé Ihsane El Kadi.
Pour finir, Akram Kharief a dressé un état des lieux de la menace terroriste en Algérie. « La promesse que véhicule la mouvance islamique ne prend plus » a-t-il commenté. « Depuis deux ans, le terrorisme a du mal à recruter des logisticiens et à avoir des relations avec les populations même isolées » a développé l’éditeur de Secret Difa3. « Les terroristes sont en train de sortir et même de quitter le territoire car ça devient de plus en plus difficile de rester en Algérie ».
L’émission en audio:
Extraits vidéo: